Carnet d’entraînement : Réfugiés dans le travail

06/10 - 16:36 | Il y a 8 ans

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Jeudi 6 octobre 2016 : Les joueurs bordelais, en petit comité pendant cette trêve internationale, n’ont pas effectué de séance au rabais et se sont donnés pleinement pendant deux heures avec l’objectif de dynamiser le jeu.

 

À peine leurs voitures stationnées sur le parking dédié aux visiteurs, les spectateurs présents jeudi 6 octobre au Haillan pouvaient goûter le plaisir de voir un entraînement non gâché par les grilles du terrain principal. Pour cette séance du jour, l’entraînement se déroulera sur le premier terrain, face au parking. Une camionnette stationnée à l’entrée du terrain, et un ensemble de mannequins et de haies de différentes tailles, surveillés par des ballons au centre du terrain, confirme que les professionnels sueront sur cette aire de jeu, proche du public. Le soleil flotte encore au dessus de la plaine des sports, et le matériel est comme toujours déjà en place. Les haies sont alignées sur les côtés du terrain, et les mannequins sont alignés religieusement. Tout est prévu au millimètre. Franck Mantaux, seul, fait le tour du propriétaire et ajuste son atelier personnel au niveau des buts. Les joueurs arrivent, à pied, à 10h15. Leurs chasubles blancs et rouges sont visibles depuis le terrain qui est situé en contrebas. 

Arrivés sur le gazon, les hommes de Jocelyn Gourvennec se font quelques passes en petits groupes. Très vite l’entraîneur breton avec l’air très sérieux prend la parole : « Allez on attaque, c’est parti Eric. » L’entraîneur adjoint lance le début des opérations et les joueurs sont invités à faire deux tours de terrain et à se retrouver ensuite dans le rond central. Les crampons du groupe de joueurs frottent l’herbe et la terre à l’unisson en passant le long du terrain en footing. Les Kamano, Lewczuk, Rolan et autres Malcom, en sélection, ne sont pas présents, au même titre que Jérémy Ménez, Jaroslav Plasil, Grégory Sertic et Valentin Vada qui ne participent pas à la séance. Maxime Poundjé est là, et quelques jeunes joueurs comme Jules Koundé (défenseur), Albert Makiadi (milieu de terrain), ou Malhory Noc (attaquant) sont en renfort du groupe professionnel.

Revenus au centre du terrain, les joueurs rouges ont pour consigne de partir de l’extérieur d’un cercle fictif et de rentrer vers les blancs à l’intérieur en enchaînant par une passe. Les joueurs débutent l’exercice, très vite repris par Eric Blahic : « Faites-moi un travail de mobilité car vous êtes à l’arrêt ! » Les joueurs blancs vont en sens inverse, partant de l’intérieur pour rejoindre l’extérieur. L’exercice évolue avec le ballon immobilisé lorsque le joueur reçoit la passe de son partenaire. « Et alors, pourquoi on s’arrête ? On s’arrête messieurs ? » demande Eric Blahic peu satisfait des enchaînements de ses joueurs. L’évolution se poursuit avec la consigne de faire le tour du partenaire en arrivant à sa hauteur avant d’immobiliser le ballon devant lui pour lui permettre à son tour de faire l’exercice en sens inverse. « Mettez le ballon devant le coéquipier pas dans les pieds » précise Jocelyn Gourvennec. Ce premier travail de mise en condition oriente l’entraînement vers une nouvelle étape plus intense. 

Eric Blahic place les hommes et explique cet atelier où tous les joueurs occupent l’espace à différents endroits du terrain avec des mannequins qui se font face et deux petits espaces consacrés aux appuis sur des haies de différentes tailles, en marge de l’aire de jeu. À l’opposé des spectateurs, un joueur, au sein d’un petit groupe, passe son ballon en face. Le joueur réceptionne et redouble de passes avec son partenaire à sa droite, trouve un autre joueur en diagonal qui perpétue le circuit via une autre diagonale opposée, le tout permettant de déplacer le jeu sur tout l’espace et de revenir au point de départ sur le même mode en partant de l’autre côté. Les joueurs prennent au fur et à mesure une place différente sur l’échiquier, et passent tous par un passage où enjamber des haies de moyennes taille, et une autre où sauter de façon dynamique par dessus de petites haies en évitant un mannequin à la fin est obligatoire. Le jeu commence et Eric Blahic explique au fur et à mesure aux joueurs où se positionner devant les hésitations de certains. L’atelier est complexe et les joueurs ne s’y retrouvent pas tous. « Appuyez vos passes » demande Jocelyn Gourvennec en retrait et attentif. « C’est quoi ce ballon » râle Eric Blahic. Ce travail de dynamisme est exigeant pour les joueurs. « Les ballons vont à deux à l’heure, mettez-moi des ballons rapides » s’agace l’entraîneur adjoint des Girondins tandis que son entraîneur principal, Jocelyn Gourvennec demande des « passes qui claquent. » Eric Blahic ne cesse de recadrer et insiste sur les positions des corps, de trois-quart par rapport aux mannequins avant d’enchaîner le contrôle orienté et la passe en suivant. 

« Ayez confiance en votre partenaire » motive Eric Blahic. « Soyez exigeants sur vos passes » ordonne Jocelyn Gourvennec. Le circuit change de sens et le bras droit du coach girondin demande aux joueurs ce qu’il faut faire, désireux de s’assurer que tout le monde a bien compris la séance. Ça bouge. Les joueurs sont consciencieux, silencieux, mais parfois un peu perdus à l’inverse des entraîneurs qui observent et rééquilibrent les mouvements. « Diego aux appuis là-bas », « Younes, appuis, là-bas ». Jocelyn Gourvennec, conscient de la difficulté d’enchaînement sur ce circuit apporte son aide aux joueurs en leur indiquant l’endroit où se positionner après leurs passes. Ce rallye incite les joueurs à travailler le démarquage en évitant les mannequins lors des passes et à travailler l’appel et le contre appel. « Exigeants, exigeants, exigeants » exprime Jocelyn Gourvennec de sa voix à la fois ferme et posée. La terre est battue par Pablo qui se donne sérieusement sur le travail d’appuis, à 50 centimètres des spectateurs qui garnissent les abords de la pelouse et peuvent sentir l’odeur d’herbe arrachée par les crampons des joueurs. « Enchainez vite entre la prise de balle et la donne » précise Eric Blahic. Sur un long ballon, Frédéric Guilbert sauve de la main un ballon qui était à deux doigts de heurter un spectateur. Gaëtan Laborde s’essuie le visage. La sueur perle sur les faces des joueurs, à l’image de Maxime Poundjé qui participe correctement à la séance et qui luit de transpiration. Les coachs décrètent la fin de ce volet et incitent les joueurs à aller boire pour récupérer de ces moments gourmand en énergie, tout en n’oubliant pas d’enlever les mannequins pour dégager l’espace.

« Oh, les ballons ici, allez. » Jocelyn Gourvennec, un peu agacé par ses joueurs qui grignotent un peu de temps de récupération, rameute son groupe. « Ced, viens » demande Eric Blahic à Cédric Carrasso. Les gardiens participent à ce moment de la séance. Les rouges affrontent les blancs. De chaque côté quatre mannequins forment deux portes virtuelles, excentrés à gauche et à droite. Ils représentent les adversaires. Pour réussir le challenge fixé par les entraîneurs, le joueur qui appelle le ballon a pour but de récupérer le passe de son partenaire qui doit passer à l’extérieur de la porte si l’appel est à l’intérieur, ou passer à l’intérieur de la porte si l’appel est fait à l’extérieur. Les hors-jeu sont comptabilisés par le staff technique et les gardiens, Prior et Carrasso, sont en soutien du jeu, exclusivement au pied. Deux lignes s’affrontent. 

La communication se met rapidement en place entre les joueurs. « Seul, seul » avertit Sabaly à l’adresse de Toulalan confirmé par un tonique « seul la Toul’ » de la part de Carrasso. Jérémy Toulalan ne perd pas un ballon. Les phases de jeu se multiplient et Cédric Carrasso demande « de la vitesse dans la transition ». Eric Blahic arrête le jeu et prend la parole : « Vous êtes bien dans le tempo mais trop dans la latéralité. Ne faites pas que ça, l’adversaire va se caler tranquillement sinon. Fixez l’axe, et ensuite jouez la latéralité, passez dans le dos. » Le jeu reprend. Le ballon n’est jamais à l’arrêt. Les touches sont rapidement effectuées. Tout le monde s’implique. Diego Contento fait un appel sur son aile mais ne va pas au bout, vers la porte représentée par les deux mannequins, Eric Blahic le lui reproche. Le défenseur allemand essaye de nouveau mais râle devant le manque de spontanéité de la passe d’Abdou Traoré. Après plusieurs phases hachées, Jocelyn Gourvennec décrète une pause et s’exprime à son tour : « Une remarque qui est vraie pour les deux équipes. Vous avez préparé le jeu, c’est bien. Mais si ce n’est pas le jeu, on ne fait pas les choses à l’emporte-pièce. Ressortez et préparez encore. À un moment donné ça va se faire. » L’entraîneur bordelais fait jouer et explique, en commentant l’action : « Si ce n’est pas la première attaque qui est bonne à jouer c’est la troisième ou la quatrième. Respectez le jeu. » Les rouges de Pallois, Contento, Arambarri, Guilbert, Traoré ou encore Ounas réussissent une attaque gagnante saluée par le staff, satisfait de cette avancée. « Il faut accepter de courir » remarque Eric Blahic avec une pointe d’ironie. Théo Pellenard, pour les blancs, fonce vers un ballon perdu sur l’aile et tombe sur Adam Ounas qui le tacle au sol comme un défenseur autoritaire qui racle la pelouse. Adam Ounas, toujours lui, réalise un contrôle orienté et profite de l’appel de Frédéric Guilbert à droite pour orienter le jeu à l’opposé ce qui satisfait pleinement Eric Blahic. Les joueurs ont pris le rythme et la mesure des conseils et s’appliquent à créer des espaces comme demandé par le staff technique lors du briefing. Adam Ounas, qui se multiplie, tente un dribble rapidement douché par Jérémy Toulalan qui monte en puissance et joue propre après avoir récupéré le ballon. 

Trois coups de sifflets retentissent. Les joueurs ramènent les mannequins et vont boire avant d’entamer le dernier galop de la séance. Adam Ounas qui a déjà ramené son mannequin part en courant à l’opposé du terrain récupérer le mannequin restant. « Merci Adam » se satisfait Jocelyn Gourvennec qui demande à son jeune milieu offensif de s’emparer d’un autre mannequin, lequel s’exécute sans rechigner. Les joueurs placent deux buts sur une moitié de terrain. C’est une opposition qui va clôturer la séance avec les gardiens dans les buts. « Les deux buts à ramener pour l’équipe qui ne gagne pas » décrète Jocelyn Gourvennec. L’exercice est dans la logique des ateliers précédents avec une volonté d’étirer l’adversaire et de renverser le jeu. Les petits espaces rendent les occasions franches difficiles. Pellenard, sans solution, donne à Pablo qui allonge. « Pablo, essaye de construire » conseille Jérôme Prior. Toulalan, chez les blancs, va chasser les rouges dans leur camp comme à ses plus belles heures lyonnaises. Ces derniers ressortent et préparent. On cherche les espaces. Nicolas Pallois tente une transversale qui semble partir tout droit sur la tête des spectateurs mais Diego Contento amortit parfaitement le ballon de la poitrine et fait tourner le jeu. 

« Il va frapper » crie Carrasso. Le bruit métallique de l’arrête de la barre transversale se fait entendre sur une superbe frappe de Jérémy Toulalan. « Si vous ne sortez pas, à 20 mètres il frappe » constate Jocelyn Gourvennec avec un peu de dépit. Au moment du changement de côté, Eric Blahic qui était silencieux pendant l’opposition, reprend la parole : « Revenez à ce qu’on faisait jusque là. Vous ne le faites pas assez. Appelez sur les ailes, n’allez pas tous au ballon. » Après deux actions pour relancer le jeu, Théo Pellenard met une superbe frappe enroulée du gauche qui ne laisse aucune chance à Carrasso. Gaëtan Laborde seul attaquant de pointe professionnel présent ce matin, touche le poteau et râle. Le jeune Jules Koundé, très actif à droite, trouve la lucarne d'une frappe lointaine, et fait l’objet de félicitations nourries. Personne ne se cache à l’image de ce choc spectaculaire dans les airs entre la jambe haute de Pablo et le jeune Malhory Noc. Les deux joueurs se relèvent aussitôt. Gaëtan Laborde, en position de frappe, déclenche un tire, au sol, que Carrasso sort d’une main ferme. Les deux bruits, celui de la frappe et celui de l’arrêt, son secs, ardus. « Il reste deux minutes, jusqu’au bout, jusqu’au bout » incite Jocelyn Gourvennec. Frédéric Guilbert et Gaëtan Laborde se heurtent au sol. Guilbert, libéré du masque qui protégeait sa fracture du nez, reste au sol avant de se relever difficilement. Après quelques actions, Jocelyn Gourvennec siffle trois fois pour signer le clap de fin. « Match nul, un but chacun à ramener » termine l’ancien entraîneur de Guingamp. Les joueurs ramènent les buts contre le grillage pendant que David Das Neves, le kiné du club, applique abondamment de la bombe sur la cheville endolorie de Guilbert. Les odeurs d’huiles essentielles se répandent autour du terrain. Le défenseur bordelais rejoint ses coéquipiers, alignés contre le grillage, près de la sortie du terrain, en boitant bas, chaussette baissée et chaussure à la main. « On fait cinq minutes de retour au calme. Prenez-vous en main » demande Jocelyn Gourvennec. Assis et silencieux les joueurs récupèrent d’une séance épicée qui n’avait rien d’un entraînement de trêve internationale.

 

Par Florian RODRIGUEZ au Haillan

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