Le chemin de Troyes
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En grande difficulté cette saison, le promu troyen semble parti pour suivre le fil de son histoire : celui d’une équipe joueuse condamnée à fréquenter la L1 de façon épisodique avant de redescendre en L2.
Le début de saison
Les deux premiers matchs de la saison troyenne étaient des paradoxes. Accrochés sur leur pelouse par un autre promu, le GFC Ajaccio, lors du premier match de la saison, les Troyens avaient déjà laissé s’échapper des points essentiels. Revenus du diable vauvert sur le pelouse du Stade de l’Aube face à une équipe niçoise qui est peut-être la meilleure équipe en termes de jeu cette saison (3-3), les Troyens avaient envoyé un signe plus encourageant. S’en suivit une énorme claque à Marseille pour le premier match de Michel sur le banc olympien (6-0) malgré une première mi-temps qualitative ballon au pied. 7 matchs plus tard enrobés de 2 nuls et 5 défaites, Troyes se retrouve presque au fond du trou, en 19eme position avec 4 petits points au compteur. En 2014-2015, Guingamp, également 19eme se maintenait en fin de saison, mais avait déjà engrangé 9 points, soit deux de moins que le Bordeaux actuel. Les autres saisons précédentes condamnaient chacune le 19eme doté de 6 points au bout de 10 journées. Sochaux en 2014 et…Troyes en 2013 tombaient en L2. La tâche de Jean-Marc Furlan s’annonce presque impossible si la face de son équipe ne change pas radicalement. L’équipe troyenne, à moins de devenir très efficace et de faire rapidement son retard, ne pourra espérer longtemps se maintenir. Une tâche compliquée par les 4 matchs à venir pour l’ESTAC : déplacement à Bordeaux, réception de Lyon, voyage à Lorient puis au Parc des Princes pour affronter Paris. Malgré un jeu chatoyant et de vraies intentions offensives, l’efficacité défensive et offensive dont s’est doté un autre promu, Angers, ne semble pas appartenir au patrimoine génétique troyen. Un manque d’efficacité cruel pour une équipe dont le parcours pourrait ressembler à un chemin de croix sans des résultats très rapides pour combler un retard très important.
L’effectif, les recrues
Un temps interdit de monter en L1 par la DNCG, le club du président Masoni a connu les pires difficultés pour recruter. Rincon, le joueur référence de la défense troyenne n’ayant pas encore joué cette saison (pubalgie), l’ESTAC a recruté en fin de mercato Dusan Veskovac qui n’avait pas convaincu à Toulouse. La défense est un secteur meurtri pour Troyes qui a perdu Mory Koné à Marseille en août. Victime d’une rupture d’un tendon rotulien, le jeune défenseur de 21 ans passé par Parme avait montré de belles qualités lors des premiers matchs de la saison. Chris Mavinga, ancien espoir du football français, qui n’avait pas percé au Rubin Kazan et avait déçu à Reims l’an passé, accumule les matchs et apporte un peu d’expérience de la L1 à une défense qui compte dans ses rangs un Mathieu Saunier volontaire mais souvent sur la brèche et formé aux Girondins de Bordeaux. Arrivé de Genk en Belgique, Anele Calvin N’Cgongca est une nouvelle tête dans une défense qui manque de stabilité. Le Sud-Africain occupe un poste de latéral gauche qu’a souvent tenu Lossémy Karaboué par défaut. L’ex-nancéien est un joueur atypique avec un profil technique virevoltant qui ne parvient pas à éclore dans un effectif pourtant joueur. Avec 10 matchs à son compteur et aucune statistique décisive, le joueur formé à Lyon n’est pas à la hauteur du joueur phare qu’il pourrait être. Avec de bons joueurs techniques comme Yohan Court, Fabien Camus, Stéphane Darbion et surtout l’inusable Benjamin Nivet (38 ans), Troyes a de quoi faire courir l’adversaire, mais manque cruellement d’impact physique, notamment en attaque pour user son concurrent lors d’un match de L1. Corentin Jean, acheté par Monaco cet été et prêté dans la foulée à son équipe formatrice, ne parvient pas à franchir le cap de la L1, trop esseulé en pointe de l'attaque où un grand gabarit en complément l'aiderait à profiter de ses qualités de vitesse. 10 fois titulaire, le jeune joueur de 20 ans n’a inscrit qu’un seul but. Seul maigre buteur de l’attaque de l’ESTAC, Jean ne peut même pas être considéré comme l’arbre qui cache la forêt. Une forêt où se trouve notamment Bryan Perea, un attaquant colombien de 22 ans prêté par la Lazio et plutôt dépassé par le niveau de la L1. Perea est le résultat d’une campagne troyenne visant à se faire prêter un attaquant par un club européen huppé afin de réaliser un coup qui semble pour l’instant manqué. Une cruelle réalité pour un club sympathique, avec un jeu frais et agréable, qui mériterait sans doute mieux, mais se heurte aux réalités du football moderne où le manque de moyens et quelques recrutements décevants ne pardonnent plus.
3 questions à... David Hamed (défenseur de l’ESTAC entre 1998 et 2003)
WebGirondins : Au regard du début de saison de Troyes, peut-on être fataliste concernant la suite du championnat ?
David Hamed : C’est un peu dur à dire. On est aujourd’hui à la moitié de la moitié du championnat. C’est très délicat d’annoncer ce qu’il va se passer. C’est vrai que Troyes est dans le dur et que ce sera très difficile pour eux de redresser la barre. Une série permettrait de décrocher des dernières places. Cela pourrait relancer cette équipe qui joue vraiment bien au ballon et qui a un super entraîneur qui n’a pas peur du jeu. Quand on voit qu’ils en prennent 6 à Marseille, c’est très sévère. J’étais au stade, et je peux dire que Troyes a joué et n’a jamais démérité. Après, ils font des erreurs et à ce niveau tu payes cash. Il faudrait une première victoire pour se rassurer et voir ensuite s’il y a une possibilité de voir plus haut.
WebGirondins : Quelles solutions voyez-vous pour Jean-Marc Furlan ?
David Hamed : Je l’ai toujours dit : je pense qu’il faut parfois mettre le beau jeu de côté et aller au charbon. Je sais que Furlan essaye de trouver des solutions, mais avec la qualité des joueurs qu’il a c’est un peu dur. Je ne dénigre pas les joueurs, attention, ce sont de bon joueurs de football mais c’est un peu limite pour la L1. Après, dans le foot, tout est possible, ils peuvent s’en sortir quand même, surtout quand on se souvient de Caen l’an passé ou d’Ajaccio quelques saisons avant. Je ne suis pas coach, mais je peux dire qu’il faut qu’ils continuent à pratiquer leur jeu tout en mettant plus d’intensité dans les impacts et être plus en bloc pour se rassurer défensivement. Il faut faire le dos rond et le premier match gagné débloquera peut-être des choses. Maintenant, ils affrontent Bordeaux qui reste une grosse cylindrée, il y aura Paris, Lyon prochainement… Ils ont passé les matchs les plus abordables par rapport à leur statut et maintenant il va falloir affronter des gros. J’en ai joué des matchs comme ça, quand tu rentres sur le terrain tu as faim, ce sont d’excellents matchs à jouer et il faut que les joueurs en profitent sans être pour autant spectateurs. En tous cas, j’espère de tout coeur que l’ESTAC va se maintenir.
WebGirondins : Comment voyez-vous ce prochain Bordeaux-Troyes ?
David Hamed : Troyes n’a plus rien à perdre dans ce championnat, ils sont au fond du trou et Bordeaux a plus à perdre. À la base, sur le papier, quand tu t’appelles Troyes et que tu joues à Bordeaux, tu sais que tu vas perdre. Mais un match c’est un match et ils sont capables de faire douter leur adversaire bordelais. Bordeaux ça reste une belle équipe malgré quelques difficultés. Les Girondins auront la pression, Troyes beaucoup moins et c’est ça qui peut jouer en faveur des joueurs de Jean-Marc Furlan. Tous les clubs ou presque ont gagné contre Troyes, Bordeaux est au pied du mur de son côté. Je ne me fais pas de souci, je sais que Jean-Marc Furlan a bien étudié le sujet, c’est quelqu’un qui trouve toujours des solutions. Il me fait penser à Alain Perrin qui m’a entraîné à Troyes. Maintenant, il faut réussir à appliquer ces possibles solutions.
Par Florian RODRIGUEZ