Mickael Gomis : “Je montre à mes joueurs que je donne tout pour eux”

05/12 - 17:57 | Il y a 2 ans
Il entraîne des footballeurs professionnels depuis plusieurs années en France et en Europe. De nombreux joueurs et joueuses des Girondins de Bordeaux sont passés entre les mains de ce Bordelais. Mickael Gomis (27 ans) a répondu à nos questions. Entretien.
Mickael Gomis : “Je montre à mes joueurs que je donne tout pour eux”

© Iconsport

WebGirondins : Comment êtes-vous devenu préparateur d'athlètes et en particulier de footballeurs ?

Mickael Gomis : J’ai eu un parcours de footballeur. J'ai commencé aux Girondins, puis je suis parti à la Jeunesse Villenavaise ou j’ai joué jusqu'en CFA. Je jouais latéral droit, piston avec un gros volume de jeu. Joueur, je travaillais plus que les autres. Dès 14 ans je faisais des tractions, des pompes chez moi. J’ai toujours aimé me mettre dans le rouge et travailler physiquement. J'étais quelqu’un de passionné et j’allais tout le temps courir pour être meilleur que les autres.

J’ai toujours aspiré à être préparateur physique. J’ai passé mes diplômes et je me suis formé pour me spécialiser dans le football car c’est le sport que je connais le mieux. Même si aujourd’hui je m’inspire d’autres sports comme le football américain, l’athlétisme ou le basket.


"Ce qui motive les joueurs c'est être plus performant sur le terrain"



Depuis combien de temps exercez-vous cette activité ?

C’est ma 5e année. Il faut savoir que lorsque je jouais en N3, j'adorais le travail que je faisais avec le préparateur physique du club. Mais personne n'a individualisé ce travail. C’était uniquement collectif. Je travailler toujours plus dur que les autres. Je me suis dit pourquoi je n’individualiserais pas ce travail avec les joueurs car personne ne faisait ça ici.

En France, seul Fabien Richard qui est préparateur physique de haut niveau le faisait. Il a entraîné des grands joueurs comme Mahrez, Gomis, ou Sadio Mané. J’ai vu qu’il formait les préparateurs physiques. Quand j’ai passé mes diplômes, je l'ai contacté pour qu’il me forme et il a accepté. Je suis parti une semaine à côté de Lyon pour suivre sa formation sur la préparation individuelle du footballeur : explosivité, les premiers mètres, dos au but, etc.

 


"J’ai connu Jacques Ekomié en U19 Nationaux au SAM. Je le connais par cœur"


 

Pour quelles raisons ses joueurs et joueuses vous sollicitent ? Qu’est-ce qu’il les motive ?

J’ai des joueurs pros confirmés qui estiment qu’ils ont besoin de travail en plus pour rester au top, au plus haut niveau. J'ai aussi des joueurs qui ont moins de temps de jeu, qui ont besoin de se développer et de franchir les paliers. J’ai beaucoup de profils différents. Je n’entraîne pas un attaquant de la même manière qu’un défenseur. Ce qui motive les joueurs c'est être plus performant sur le terrain.

En club, tu ne peux pas assez individualiser le travail quand tu as 30 joueurs. Tu fais comment ? En club le staff change tout le temps. Par exemple, j’ai connu Jacques Ekomie en U19 Nationaux au SAM. Je le connais par cœur. Je peux vous sortir les séances du début que nous avons fait.

Vous gardez une trace des séances ?

Oui, toutes. Chaque joueur a son dossier avec toutes les séances. Les joueurs avec qui je travaille depuis plusieurs années, je les connais par cœur. Il y a un suivi et de la continuité dans le travail. Le joueur va voir sa progression et ce dont il a besoin. Le joueur progresse et a un suivi détaillé. Les joueurs veulent des résultats et franchir des paliers.

Ce sont les joueurs qui vous contactent ou c’est vous qui les démarchez ?

Ce sont eux qui me contactent. Je suis au service du joueur.

Comment se passe le premier contact ? C'est un échange ou c’est le joueur qui demande de travailler un point spécifique ?

Par exemple, le joueur m'écrit ce qu’il veut travailler et demande comment cela s'organise. C’est parfois lors des trêves pour qu'ils se préparent à la reprise des entraînements. Ou, d’autres joueurs veulent un perfectionnement pendant la saison. En cours de saison, je ne les vois qu’une fois par semaine. Car je ne veux pas que ce soit une charge en plus mais que notre travail soit complémentaire à celui du club.

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Crédit @MickaelGomis


Avez-vous déjà refusé de travailler avec des joueurs ?

J'organise un rendez-vous en face à face, on voit tous les deux le projet. Je sais directement si le joueur est motivé ou pas. Je lui fais comprendre que je suis motivé et qu’il doit rendre des comptes. Je peux apporter ce plus. Cela m’est déjà arrivé d’avoir des joueurs pros qui me sollicitent mais avec qui le feeling ne passe pas et je refuse. Si le feeling ne passe pas, je ne me prends pas la tête et nous ne travaillons pas ensemble.

Est-ce qu'il y a une collaboration avec les préparateurs physiques des clubs afin de vous coordonner ?

Quand un joueur ou une joueuse me contacte, je lui dis qu’il faut qu’il informe son préparateur physique pour les charges de travail. Certains le font et il y a un dialogue dans ce cas.

Par exemple, cela se passe très bien avec le préparateur de l'équipe féminine des Girondins de Bordeaux Hugo Roche. On a vraiment une relation de confiance. On est souvent en communication pour le suivi et le travail. C’est complémentaire. On fait des débriefs plusieurs fois par semaine. Il est très compétent.

Après, certains joueurs ne veulent pas que cela se sache. Dans ce cas, avant chaque séance je demande au joueur ce qu’il a fait en amont et ce qui est prévu après.

Les staffs n’aiment pas que les joueurs s'entraînent ailleurs, mais ça commence à entrer dans les mœurs. Il faut communiquer et cela se passe très bien. En Angleterre, en Belgique cela se fait beaucoup.


"On va à la guerre ensemble. On gagne ensemble, on perd ensemble"


 

Pourquoi c’est peu développé en France et plus ailleurs ?

C’est une question de mentalité. Cela dépend aussi de comment cela est présenté au club. Si le joueur explique à son préparateur qu’il en a besoin et que nous dialoguons avec le préparateur du club, cela passe toujours bien. Aujourd’hui je n’ai plus de problème comme il y a 5 ans. Cela se passe très bien, c’est plus facile. Car presque tous les joueurs ont un préparateur physique.

À partir du moment où le joueur a un salaire de 50 000 euros par mois, s’il veut performer et être au haut niveau, il doit avoir un staff personnel pour franchir les étapes et un staff qui ne bouge pas et qui le suit quand il change de club. Ça coûte de l'argent, mais c’est de l'investissement. Camavinga et Tchouameni ont leur staff personnel. Benzema aussi.

Ils doivent investir pour eux, pour leur progression et pour leur carrière. Si tu travailles plus tu seras récompensé. Si tu ne travailles pas tu ne progresseras pas.

Vous vous occupez de plusieurs filles des Girondins de l'équipe de D1 Arkema, et pourtant elles n’ont pas le même niveau de rémunération que les hommes ? (NDLR Garbino, Gomes, Dufour par exemple)

Elles ont du mérite, elles sont très investies et ont de très gros objectifs. C’est que du plaisir d’avoir des joueuses comme ça au quotidien.


"Je suis déterminé, les joueurs le ressentent"


 

Vous travaillez aussi hors Bordeaux et hors de France ?

Oui, je m’occupe d’un joueur en Italie et un joueur en Angleterre. Je me déplace partout en Europe. S’il faut faire 6h de voiture je le fais, il n’y a aucun problème et je suis au service du joueur. Je lui apporte mon savoir-faire et je m’adapte à son planning.  Je suis déterminé, les joueurs le ressentent.

Quelles relations se créent entre vous et les joueurs ?

J’ai une relation forte avec beaucoup de joueurs. Cela marche à la confiance ils le savent. On va à la guerre ensemble. On gagne ensemble, on perd ensemble.

Quand ils performent, qu'est-ce que vous ressentez ?

Je suis content. Ils me disent toujours que c'est grâce à moi. Je leur dis que je suis là pour leur apporter ce petit plus. Je suis là pour mettre les choses en place pour qu’ils travaillent. C’est eux qui travaillent, donc il sont récompensés.

Êtes-vous fier de certaines réussites dont vous pouvez parler ?

Tout d’abord avec Maëlle Garbino (NDLR Joueuse du FCGB 7 buts cette saison) qui sortait de Saint-Étienne et qui s'était fait les croisés. Quand je vois ce qu'elle fait aujourd’hui et son professionnalisme. Elle est récompensée. Elle a été sélectionnée en Équipe de France c’était un objectif. On est parti de loin, elle le sait. Elle a ce qu'elle mérite.

Jacques Ekomié dont j’ai parlé plus haut. Je l’ai connu, il n'était pas professionnel. Quand je vois son parcours, je suis fier de lui. C’est un bosseur que je dois canaliser car il est déterminé et veut toujours en faire plus. Il sait pourquoi il est là.

Malcom Bokele que j’ai connu quand il est arrivé du FC Metz. Lors de son prêt à Villefranche la saison dernière, il a continué à travailler avec moi. Quand on voit son début de saison, il a ce qu’il mérite. Il bosse beaucoup et dans chaque séance il met beaucoup d’intensité. Ça se voit dans son jeu d’ailleurs.

Est-ce qu'on peut dire que vous êtes aussi un soutien psychologique pour vos joueurs ?

Je ne suis pas coach mental. Mais je montre à mes joueurs que je donne tout pour eux. Si je dois mourir sur un terrain pour eux, je le fais, ils le savent. Si je dois faire 12h de route pour eux je le ferai. Ça fait ma force et ils en ont conscience.

Combien de joueurs et de joueuses des Girondins sont passés entre vos mains ?

17 exactement.

Comment les joueurs doivent-ils se préparer lors de cette trêve ?

Les joueurs ont un programme du club à suivre. Je leur fais comprendre qu’ils doivent décharger au niveau neuromusculaire tout en maintenant un travail en aérobie pour repartir sur du neuromusculaire à la reprise et qu’ils soient frais. Donc, ils vont faire beaucoup de footing pendant la trêve et des exercices de prévention de blessure.

Pourquoi la préparation physique estivale est-elle déterminante ?

Parce que c’est une période lors de laquelle on crée les fondations. Moi, j'aime bien travailler les aspects force du joueur. J’appelle ça les fondations car c’est sur quoi je vais m'appuyer sur toute la saison.

Pour un joueur de N3, N2 ou National, je vais axer ma préparation sur les exigences du haut niveau pour qu’il puisse progresser et franchir les paliers pour atteindre le monde professionnel.

Le compte Instagram de Mika Gomis

Entretien réalisé par Nicolas Pietrelli