Exclu : Daniel Jeandupeux : "Bordeaux est à sa place entre la 3e et la 9e place"

23/11 - 21:00 | Il y a 7 ans
Exclu : Daniel Jeandupeux : "Bordeaux est à sa place entre la 3e et la 9e place"

© Iconsport

Nous avons été à la rencontre de Daniel Jeandupeux, ancien joueur des Girondins de Bordeaux de 1975 à 1979. Agé de 68 ans et retraité, il revient sur son passé de footballeur et d’entraîneur. Il a entraîné plusieurs clubs en Suisse, la sélection Suisse, puis des clubs en France avec Caen, Strasbourg et Le Mans. Il nous livre sa vision du football. 

Daniel Jeandupeux merci de nous recevoir, comment était le club des Girondins de Bordeaux dans les années 70 ?

C’est un plaisir. Bordeaux était un club moyen du championnat, c’est à dire qu’il y avait des possibilités qui n’étaient pas exceptionnelles. C’était un club moyen financièrement et dans les résultats. Comme souvent, nous étions entre la 15e et la 5e place, selon la réussite, les blessés, et les éléments favorables. Nous étions dans le juste milieu du championnat. 

Comment s’est passé la mutation des Girondins de Bordeaux, comment le club a t-il évolué ? 

C’est surtout par ses moyens financiers. Claude Bez était vice président à l’époque. Jean Roureau qui exercait la profession de négociant en vin, était président du club (Ndlr: 1972/1977), mais ce n’était pas une puissance financière énorme. L’arrivée de Claude Bez avec l’appui de Chaban Delmas a permis au club de passer un cap. Il était expert comptable comme mon père. Chaban a beaucoup travaillé avec Claude Bez, c’est pour ça que Bordeaux est devenu une place forte du football français pour un moment. Bordeaux a joué ensuite le TOP 5 du classement.

Voyons votre parcours, vous arrivez du FC Zurich, comment se passe votre venue Bordeaux ?

C’est le hasard de l’histoire si je suis devenu Girondin. A l’époque, il n’y avait pas beaucoup de matchs à la télévision, il y avait 7 à 8 matchs par an. C’est Antenne 2 qui avait diffusé le match Suisse - Angleterre. J’avais marqué un but et fait un bon match. Le président de Bordeaux avait vu ce match, et avait essayé de m’engager. Mais je n’avais pas pu partir, car les clubs avaient la main mise sur les joueurs à l'époque. En fin de contrat, le joueur n’était pas libre, et appartenait toujours au club. Finalement, j’ai ressigné en disant que 2 ans après je pourrais partir.  A ce moment là, Bordeaux s’est à nouveau annoncé. C’était un club intéressant, et j’étais impatient de découvrir le football français, et surtout le vin de Bordeaux (Rire).

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Avez-vous conservé des affinités avec d’autres joueurs de l’époque, comme J-F Domergue par exemple ? 

Jean-François Domergue, j’ai vécu ses débuts, assez étonnant. Jeff était le talent bordelais, et d’autres moins talentueux lui sont passés devant. Par exemple, Jean-Marc Furlan, moins talentueux, lui est passé devant. Il n’a pas réussi d’un coup. On s’est retrouvé à Toulouse, je l’ai eu comme joueur, et je pense qu'il n’était pas dans sa meilleure position comme latéral. Sur le plan offensif, il était exceptionnel, mais il peinait à faire des allers retours pendant tout le match. Quand je l’ai fait jouer dans l’axe à Toulouse, il a eu son déclic de joueur. Il sentait les coups, et c’est là qu’il est devenu international, en jouant central à Toulouse. Il a concrétisé cette belle carrière en équipe de France avec son fabuleux pied gauche. C’est une histoire assez étonnante. Il a relancé ma carrière d’entraineur en France.

 Après votre grave blessure, comment se fait-il que vous ayez quitté Bordeaux ?

Je me souviens avoir discuté avec le président Jean Roureau qui pensait me conserver dans le club, et me trouver une nouvelle fonction à la fin de ma carrière de joueur. Pour lui ma carrière de joueur était terminée avec ma fracture. C’est ce que tout le monde disait. Je n’y croyais pas et je voulais encore jouer. J’en avais envie. Alors que j'étais en vacances en Espagne avec Alain Giresse et sa femme, j’ai eu un coup de téléphone de Sion, j’avais 30 ans. J’étais sollicité pour entraîner en première division en Suisse par un ancien de mes coéquipiers, J'y suis donc allé dès 1979 pour entraîner.

Vous avez eu le coup de foudre pour le métier d’entraîneur ensuite, c'est bien ça ?

J’ai toujours pensé que j’allais être entraineur. J’ai essayé de m’appuyer sur mon vécu de joueur, et de m’appuyer sur ce que mes entraîneurs m’avaient apporté. Au début de ma carrière, je dirais que j’étais plutôt en avance sur mon temps. J’avais vécu les méthodes d’entraînement d’André Meneau qui étaient différentes. J’avais aussi accepté Sion sachant que j’avais l’intention de rejouer par petite touches. Mais, je n’ai plus rejoué un match entier depuis ce match contre Marseille (ndlr: 1977).
J’ai été obligé à réfléchir a ce que j’avais vécu comme joueur. Et comme je n’avais pas un volume de jeu exceptionnel comme joueur, ça m’a obligé à réfléchir. Par exemple, quand je suis arrivé à Toulouse nous faisions des footing, je ne m’étais pas préparé pendant les vacances C’était la première fois de ma carrière que je faisais un footing de trois kilomètres. Je n'étais pas un joueur de longue course, mais plus un joueur de sprint. J’avais pris mes pulsations et André Menaut me demande combien et je luis dis : « Je n’ai pas réussi à toutes les compter ». Je devais être à 53/54 sur 15 secondes, soit plus de 200 ! Tous les joueurs qui avaient déjà l’habitude de fonctionner avec Menaut m’ont regardé bizarrement (rire). Ils sont du se dire : »C’est qui ce gars-là. Il n’a pas le niveau pour jouer au foot » . En m’entraînant avec Menaut, j’ai comblé une partie de mon déficit. J’ai donc développé la compréhension du jeu. 

 

"De tout temps, l’immigration a offert de bons joueurs aux nations"

 

Vous avez joué avec la sélection Suisse, quel été l’aura de la sélection à l’époque ? 

Mon époque n’était pas forcément une bonne époque, car nous nous sommes jamais qualifiés pour un Championnat du monde, ou un Championnat d’Europe. Il faut remettre les choses dans le contexte. Il y avait 11 qualifiés pour le Championnat d’Europe et 24 pour la Coupe du Monde. C’est beaucoup moins que maintenant. Aujourd’hui la Suisse se qualifie régulièrement à l’Euro et au Championnat du Monde. Quand j’ai été coach de l’équipe Suisse (1985/1990), il y n’y avait pas de formation, c’était un football complètement différent. Un football complexé, car on perdait contre les grandes nations avec un but d’écart. Il n’y avait pas de petites nations que nous pouvions battre deux fois de suite. On était entouré par l’Allemagne, l’Italie …

Est-ce que vous suivez les exploits d’un attaquant comme Guillaume Hoarau Youngs Boys de Bern par exemple ? 

Non. J’habite en France depuis plus de 25 ans, et je suis le football français au travers la presse française. Je ne suis pas plus que ça le football suisse. De temps en temps, je regarde l’équipe nationale qui passe sur les chaînes de télé. Je regarde de temps en temps un match de Bâle en ou Ligue des Champions ou en Europa League. Je sais au travers d’amis de longue date, qu’il y a eu un très bon travail de fait dans le football suisse. Il y’a eu un renouveau de la formation en suisse. On remarque que les internationaux sont souvent des fils d’émigrés, des joueurs qui sortent des classes populaires. Comme en France finalement. On ne sait plus comment parler des joueurs, si ils sont d’origines africaines ou noires. Ce n’est pas à cause de la couleur De tout temps, l’immigration a offert de bons joueurs aux nations. On peut parler de la France avec Kopa, Platini ou Zidane. Ils sortent toujours du même endroit. Ce n’est pas une question d’origine géographique mais plutôt d’origine sociale.

Il y a quelques années Willy Sagnol avait fait un dérapage qui n’était pas intentionné sur ce sujet.

J’avais écrit à l’époque à Willy Sagnol pour le soutenir. Parce que tout ce qu’il disait me paraissait juste. Je ne pense pas que le joueur africain soit moins intelligent. Le joueur africain est moins formé, donc forcément il n’est pas dans le même contexte. Il est donc moins intelligent dans son action de footballeur et dans le collectif. En France on a toujours été complexé par le contexte athlétique de départ. Puis, s’est imposé une football de force. Maintenant le football a changé grâce aux espagnols. 

 

"Ce que Gourvennec a fait à Guingamp était remarquable"

 

Vous avez connu Lucien Favre (coach de Nice) comment vous le voyez  ?

 Je le vois comme un mec qui a perdu 4 matchs de suite (rire). Comme quelqu’un qui peut être en danger. Je pense ce rêve non réalisé d’entraîneur Dortmund pèse. Il a vraiment une méthode, il fait progresser ses joueurs, mais chaque année il perd ses meilleurs éléments. Il a une exigence, une vision, il a un passé. Il fait des miracles avec cet équipe qui a gagné souvent avec un but d’écart. Aujourd’hui l’écart est dans l’autre sens. C’est là que l’entraîneur montre son métier. Il doit repartir de l’avant, recréer une confiance. Parce que quand on a confiance, forcément les joueurs l’ont. Sinon, on cherche la solution … la presse critique Favre parce qu’il change de système tous les matchs, et  la presse critique Bielsa parce qu’il ne change pas de système tous les matchs. Ils regardent les résultats et commentent...

Avez-vous suivi le parcours des bordelais ?

Oui, j’ai regardé des bouts de matchs. Bordeaux est en crise, Monaco est en crise. Nice est en crise …. Il y a toujours la crise. Comme entraineur, plus vous perdez, plus vous êtes proche de votre prochaine victoire. Et oui !

Gourvennec est de plus en plus remis en question, puisqu’il du mal à trouver la bonne formule. Est-ce que le style Gourvennec vous plaît ? 

Oui, ce qu’il a fait à Guingamp était remarquable. Financièrement, vous ne rivalisez pas derrière les deux premiers (Monaco et le PSG). Vous êtes est loin derrière Lyon, vous pouvez être derrière Marseille, de temps en temps derrière St-Etienne. Après je ne connais pas exactement les moyens dont-il dispose à Bordeaux. Après, il ne faut pas oublier que Gourvennec arrive dans un moment qui n’a pas été si favorable que ça. C’est dommage, parce qu'il a un joueur formidable, Malcom. Mais, il ne va pas le garder 3 ans … Et quand vous êtes dans un club comme ça, dès que vous avez un bon joueur il part. Vous aurez de l’argent pour Malcom, mais on ne peut plus dire les tarifs aujourd’hui . Mais Malcom ne restera pas une saison de plus. 

 

"Il y a eu une cassure lors des 6 derniers mois du mandat de L.Blanc"

 

Est-ce que vous voyez Malcom dans un gros club Européen ?

Ce sera certainement en Angleterre, car ils ont de gros moyens financiers. Le 5e ou 6e en Angleterre a plus de moyens que peut-être le Borussia Dortmund, qui lui remplit son stade à tout les matchs. C’est comme ça aujourd’hui. C’est une question de droits télé.. 

Les Girondins de Bordeaux sont-ils à leur place entre la 5e et 8e place ?

Ils sont à leur place entre la 3/4e et 8/9e place. Comme souvent après de grands résultats, il y a eu une cassure, comme par exemple lors des 6 derniers mois du mandat de L.Blanc. A partir de ce moment là, on a eu des joueurs qui méritaient de grosses primes pour les résultats réalisés en Championnat et en Coupe d’Europe, mais, pas forcément des longs contrats avec des gros salaires. Un joueur dès qu’il a gagné beaucoup d’argent avec les primes, il considèrent qu’il doit gagner ça en fixe. C’est souvent ce qu’il se passe, et finalement malgré ça, ceux qui restent au club, sont ceux qui en donne le moins... Les joueurs qui donnent satisfaction partent quand même, et il ne reste que de gros salaires sur des joueurs qui ont accompagné le succès et pas forcément provoqué. Ce ne sont pas des joueurs cadres. Quand les joueurs cadres sont partis, les joueurs qui n’étaient pas cadre doivent le devenir. Mais tout le monde ne nait pas leader. Dès, qu’on commence à faire des résultats les présidents ont tendance à augmenter les salaires des joueurs de façon inconsidérés, je l’ai vécu comme conseiller du président du Mans.

Aimeriez vous revenir dans le milieu du foot ? 

Non, je considère que j’ai assez travaillé. je préfère améliorer mon swing (Rire) ! 

Avez vous un petit mot pour les lecteurs de WebGirondins ?` 

Pour ceux qui ne m’ont pas oublié, je leur dis de bien profiter de leur retraite et de continuer à supporter es Girondins.

Entretien Réalisé par J-A Chazeau 

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