Ce Rennes étrange
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En position de jouer le podium avec sa 4eme place, Rennes semble bien se porter. Pourtant, le licenciement de Philippe Montanier pour installer Rolland Courbis à sa place laisse planer quelques doutes sur la suite des évènements.
La forme de Rennes depuis le match aller
Lors de la 14eme journée, au coeur du mois de novembre, les Girondins avaient décroché un nul intéressant à Rennes (2-2) au sein d’un match qui a laissé des traces pour Nicolas Pallois (grave blessure et longue suspension). Depuis cette période, Rennes a vécu au gré de résultats ni satisfaisants ni vraiment alarmants. Trois matchs nuls et deux défaites ont mollement accompagné les Rennais vers une fin de première partie de saison plus pétillante. Victorieux de Guingamp au Roudourou lors du derby (0-2), les Rennais sont partis en vacances l’esprit plus léger. Philippe Montanier, fragilisé depuis un bon moment en interne, et isolé au sein du club, a ensuite fait repartir ses troupes du bon pied en obtenant la qualification à Nice en 32emes de finale de Coupe de France (2-2, victoire aux tirs au but). Un nul ensuite arraché contre Lorient (2-2) et une large victoire à Troyes (2-4), n’étaient pas spécialement encourageants, mais pas non plus dramatiques pour une équipe alors classée 6eme du championnat. Mais une défaite en Coupe de France en 16emes de finale face à une équipe de Bourg-en-Bresse loin d’être ridicule en L2 (1-3) a replongé Rennes et ses décideurs dans leurs doutes. Philippe Montanier qui devait composer depuis deux semaines avec Rolland Courbis au dessus de son banc de touche en tant que « conseiller » du président, a du rendre son tablier. Un tablier repris par l’ancien coach bordelais et montpelliérain qui s’est empressé d’offrir une courte victoire face au Gazélec au Roazhon Park à ses nouveaux employeurs. Un succès pas plus convaincant que les derniers résultats de Philippe Montanier, qui aura eu le mérite de placer Rennes en 4eme position en embuscade du podium (à deux points de Nice, 3eme). Avant cette 23eme journée de L1 face à Bordeaux, il est toujours aussi compliqué de savoir où se situe le potentiel réel du Stade Rennais.
Le point sur l’effectif
Yoann Gourcuff est évidemment l’homme médiatique de ce groupe. L’ancien bordelais ne compte que quelques minutes dans les jambes depuis le début de saison. Des minutes de jeu obtenues face à Lorient, avant de se faire tacler par son propre coéquipier, Cheick M’Bengué, et de se blesser à la cheville. L’ancien bordelais ne devrait pas retrouver son ancienne équipe et fera encore défaut à sa nouvelle écurie. Il faudra attendre pour pouvoir constater le potentiel offensif de feu attribué au Stade Rennais avec une association Yoann Gourcuff-Diego Quintero. Le jeune meneur de jeu colombien prêté par Porto, considéré comme une pépite capable de briller de mille feux du côté e Rennes, n’a pas beaucoup joué sous les ordres de Philippe Montanier. En 10 rencontres, le milieu offensif a quand même marqué une fois et délivré deux passes décisives. Accompagnés de joueurs comme Abdoulaye Doucouré (16 matchs, 2 buts, 2 passes décisives) ou Kamil Grosicki (19 matchs, 6 buts, 1 passe), Gourcuff et Quintero ont une belle concurrence pour les postes offensifs du milieu. En plus de Paul Georges Ntep attaquant star, devenu un peu fragile physiquement, Rennes peut compter sur Giovanni Sio (5 buts, 4 passes) et le jeune et puissant Jérémie Boga prêté par Chelsea (2 buts). Comme si cela ne suffisait pas au niveau du potentiel offensif, Rennes a sorti cette saison Ousmane Dembélé, jeune feu follet, plutôt attaquant de couloir, capable de dribbler et marquer (4 buts, 2 passes décisives, 10 matchs). Ces éléments offensifs, sont également portés par un milieu de terrain cohérent avec Gelson Fernandes et Benjamin André devant une défense composée de quelques briscards comme Sylvain Armand et de bons joueurs de couloir comme Mehdi Zeffane. En rajoutant la cerise sur le gâteau, le gardien Benoît Costil, le projet rennais a une allure solide sur le papier. Mais le papier ne suffisant pas, le Rennes de Rolland Courbis va devoir se trouver une identité que Philippe Montanier n’a pas réussi à faire appliquer jusqu’à son remerciement, lui qui avait brillamment amené la Real Sociedad en Ligue des Champions.
3 questions à... Benjamin Idrac (Journaliste sportif pour le quotidien Ouest France - Spécialiste du Stade Rennais)
WebGirondins : Rennes était plutôt bien classé sous l’ère Philippe Montanier. Le remplacement par Rolland Courbis s’imposait-il ? Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Benjamin Idrac : Rennes était 6e lorsque Philippe Montanier a été limogé. De l’extérieur, cela peut sembler étrange effectivement. De près, on s’aperçoit que cette décision ne répond pas simplement à une logique sportive et inhérente à l’unique championnat (pour lequel il faut d’ailleurs considérer le bilan de Philippe Montanier depuis son arrivée à l’été 2013 - 12e puis 9e de Ligue 1 - et pas seulement cette saison). D’abord, Philippe Montanier a payé le parcours dans les deux Coupes et surtout l’élimination en Coupe de France, une compétition très importante pour le club, désireux d’effacer les deux camouflets en finale face à Guingamp (2009 et 2014). Tomber face à une équipe bis de Bourg-en-Bresse, en plus au Roazhon Park, c’était trop pour les dirigeants. Ensuite, Philippe Montanier a effectivement laissé le Stade Rennais à la sixième place, mais l’équipe sortait de deux matches où elle avait été menée 0-2 rapidement (face à Lorient, score final 2-2 puis à Troyes, victoire 4-2) et surtout les dirigeants pensent que Rennes peut faire beaucoup mieux que sixième d’un championnat très resserré. Par ailleurs, le style de jeu était jugé trop défensif fin 2015. Philippe Montanier a alors pris un virage, mais cela a déséquilibré l’équipe. Enfin, troisième problématique : l’attelage avec Rolland Courbis (d’abord conseiller sportif du président René Ruello) ne fonctionnait pas et n’était pas viable sur le moyen terme, alors qu’il était prévu en théorie jusqu’à la fin de la saison. Très vite, Montanier et Courbis sont apparus incompatibles dans les fonctions qu’ils avaient, il est vrai au sein d’un schéma très singulier. Philippe Montanier pouvait réussir cette année, mais les blessures et certains choix tactiques comme de joueurs, ajoutés à un certain entêtement, l’en ont empêché.
WebGirondins : Pourquoi le club rennais qui donne une image si tranquille de l’extérieur est-il au final assez instable ?
Benjamin Idrac : Loin de la Bretagne, Rennes n’est pas toujours perçu en fonction du poids réel qu’il occupe dans sa région. Le Stade Rennais est un club historique, véritable vecteur social et politique en Bretagne. Son environnement proche concerne des sphères variées aux influences multiples. Frédéric Antonetti avait parlé de « forces obscures ». La présence de la famille Pinault comme actionnaire élargit également le cercle de gravitation autour du club. Rennes est le Marseille breton, sans la même pression populaire, cependant proche dans l’intérêt et les convoitises qu’il suscite. Pour durer au club sans avoir de résultats, la problématique s’avère complexe.
WebGirondins : Comment voyez-vous ce prochain Bordeaux-Rennes ?
Benjamin Idrac : Le Stade Rennais reste sur dix matches sans défaite à l’extérieur, record du club. Il a l’occasion d’aligner un troisième succès de rang loin du Roazhon Park. C’était avec un entraîneur désormais loin du club. Rolland Courbis veut imposer un autre style, plus fluide au niveau du jeu collectif, moins direct. Le match de Bordeaux en dira plus sur la capacité des joueurs à assimiler les nouvelles attentes. J’imagine un match revanchard des Bordelais après la gifle reçue à Lille, face à un Stade Rennais désireux de poursuivre sa bonne marche à l’extérieur, redoutable en contre. Sans Carrasso, cela peut s’avérer compliqué pour les Bordelais, Dembélé marchant sur l’eau depuis ses débuts en Ligue 1 en novembre… Il sera intéressant d’observer le match dans le match entre les deux pépites formées au club, Ousmane Dembélé d’un côté, Adam Ounas de l’autre. Je dirais que Rennes peut affirmer ses ambitions de podium à Bordeaux. Ce sera un premier test révélateur.
Par Florian RODRIGUEZ