Finances, DNCG, voilà l’été aux Girondins

13/06 - 21:08 | Il y a 11 mois
Faute de pouvoir affronter sur le pré ses rivaux historiques, le mano a mano annuel avec la DNCG est tristement devenu le vrai « classico » des Girondins. Déjà abasourdi par la confirmation de sa participation au championnat de Ligue 2 la saison prochaine,  le club au scapulaire se serait bien passé de ces redondantes et ennuyeuses péripéties estivales. Par chance et sans dédramatiser la situation financière du club outre mesure, les soucis actuels semblent, sur la base des informations à disposition, moins nombreux que l'an dernier ce qui devrait augurer d'un passage DNCG moins ardu à défaut d'être serein.
Finances, DNCG, voilà l’été aux Girondins

© Iconsport

Gérard Lopez le judoka

Gérard Lopez peut en vouloir à Vincent Pajot. Sans son finish victorieux au Parc des Sports d’Annecy, notre président aurait réussi un coup de maître que l’on pourrait qualifier de véritable « ippon financier ». Ajustez votre casque, c'est parti pour un peu d’archéologie.

À l’été 2021, profitant de l’absence de repreneurs immédiatement solvables, de l’urgence vitale de la situation et d’une zone grise dans l’application des textes « Covid », Gérard Lopez sut convaincre avec brio et persuasion les différents intervenants qu’il était le seul et unique chirurgien capable de sauver le patient girondin. Les Américains ? Fastoche, Fortress était même convaincu d’augmenter son exposition (de €7.5m) et King Street, après avoir avalé plusieurs dizaines de millions d’euros de pertes, de financer la reprise du club à hauteur de €12.5m. Argument massue : « Si le club coule, vous n’aurez rien ». Bien vu, finement joué même et pour un investissement initial de €10m (soit moins de 15% du prix d’achat), l’ancien propriétaire du LOSC se retrouvait à la tête d’un club qui, s’il voyait sa structure financière s’alourdir plus encore avec cette reprise (la dette financière augmentant d’environ 25% à €53m), présentait des opportunités financières certaines (voir plus bas recettes de la vente de joueurs).

Poursuivant sa pertinente (financièrement tout du moins) stratégie d’ « après moi le déluge », Gérard Lopez sut, une fois la descente entérinée, utiliser la pression exercée par la DNCG pour forcer ses deux créanciers à effacer une majeure partie de la dette (qui, clause de retour à meilleure fortune incluse, s’élèverait désormais à €10m) au dernier round. Tel un judoka, il a utilisé la force apparente de ses adversaires pour gagner le combat. Gagnant sur le plan financier, mais aussi sur le terrain médiatique. Grâce à une communication agressive et adroite, l’homme à la casquette fut considéré comme le sauveur de la maison girondine.

Peu importe qu’il ait emmené le club de la 12e place de L1 à la 3e de L2, que son investissement personnel (bien que considérable aux alentours de €25m) soit finalement bien moins important que le fruit de la vente des produits du centre de formation (frisant la cinquantaine de millions) ou que l’annulation du principal de la dette consentie par les prêteurs américains (dépassant la quarantaine de millions) ou même que s’assurer de la pérennité de son entreprise relève du devoir si ce n’est économique au moins moral de la part de son dirigeant, le sauveur c’est lui.

En cas de montée, attendue et budgétée avec le budget le plus important de l’histoire de la L2, un prévisionnel tablant sur une seconde place sans oublier les références au « meilleur effectif de Ligue 1 », Gérard Lopez aurait remis sportivement le club là où il l’avait trouvé tout en apurant la structure financière du club et en limitant son apport personnel. Si l’on ajoute un élan populaire retrouvé : Masterclass comme disent ceux qui passent, comme l’auteur, trop de temps sur l’Oiseau Bleu.

Sauf que Vincent (NDLR Pajot le buteur d’Annecy face aux Girondins) est arrivé, sans se presser et ceci nous pousse à examiner le prochain passage devant la DNCG (dont la raison d’être, rappelons-le, est de s’assurer que tous les participants à la course puissent la finir) sous 3 angles distincts.

La dette : plus la priorité, mais...

Ayant le vent en poupe l’été dernier, la problématique de la dette ne sera vraisemblablement plus à la mode cette année. Si son poids continue à peser sur les finances girondines (via la charge d’intérêts que ces derniers soient capitalisés ou pas) et si sa présence peut limiter les options de couverture du déficit (voir ci-dessous), la maturité est en 2025.

De plus, maigre lot de consolation, le remboursement de la moitié du capital restant dû prévu en cas de montée n’est plus à l’ordre du jour. Si Fortress et King Street peuvent tenter de céder leurs créances (même à un montant inférieur au nominal ou « à la décote » dans le jargon financier), le manque d’attractivité du club en L2 devrait décourager les prétendants.

Un budget à financer

Pour parler crûment, si la montée permettait au club d’être « à jeu » ou « flat » (à l’équilibre) comme disent les joueurs de poker, la non-montée entraînerait un trou dans la raquette d’une grosse quinzaine de millions d’euros dans le budget 23/24 (pour reprendre les estimations de Vincent Romain dans Sud Ouest utilisées dans un très clair résumé de la situation financière bordelaise paru le 2 juin dernier).

Il est à noter que ce montant est évalué en prenant l’hypothèse d’une masse salariale égale et d’un budget de fonctionnement stable (donc ambitieux, car collant aux objectifs de remontée immédiate). Ce besoin de financement provient directement du manque à gagner lié à la non-atteinte des objectifs sportifs. Entre droits TV et revenus issus de la billetterie revus à la baisse et absence de sponsor maillot (qui s’explique cependant par la stratégie pertinente de la direction qui attendait une remontée pour engager le club avec un sponsor sur plusieurs saisons pour un montant supérieur), ce sont quasiment €20m qui n’arriveront pas dans les coffres girondins.

Question cruciale : comment garantir le financement de ce trou devant la DNCG ?

1 L’augmentation de capital

C’est quoi ? Une émission d’actions au profit de l’émetteur qui permettrait d’injecter de l’argent frais dans le club.

C’est probable ? Gérard Lopez avait promis une augmentation de capital supplémentaire de €15m (source : article de Sud Ouest précité) qu’elle soit effectuée par un investisseur extérieur ou par lui-même. À la lumière du timing serré et de la complexité de la situation, une augmentation de capital de l’actionnaire majoritaire reste l’option la plus vraisemblable.

2 La vente de joueurs pré-DNCG

C’est quoi ? Tout simplement vendre/transférer les joueurs les plus demandés du club (Mwanga, Bakwa, Gregersen) pour combler partiellement ou en totalité le trou.

C’est probable ? Oui et ce serait pertinent dans la mesure où une décision négative de la DNCG serait catastrophique en termes de valorisation d’actifs comme en témoignent les offres « à la casse » reçues l’été dernier. Un billet (sans mauvais jeu de mots) sur les derniers produits solvables de la formation : Bakwa-Mwanga.

3 Le préfinancement des ventes

C’est quoi ? La mise sous séquestre par l’actionnaire majoritaire du montant du besoin de financement à combler afin de rassurer la DNCG sur l’existence des ressources et de se donner du temps pour trouver l’été dernier des sources de financement alternatives (ventes notamment). C’est une solution qui a été imposée par la DNCG en dernier recours et qui avait permis à Gérard Lopez de se rembourser avec la vente de Mara à Southampton.

C’est probable ? Oui et ça pourrait être une solution d’appoint si tant est que les ventes arrivent rapidement. Les clubs acheteurs n’hésiteront pas, et c’est compréhensible, à jouer la montre afin de faire baisser le prix de vente.

4 La dette financière additionnelle

C’est quoi ?  un prêt supplémentaire accordé par un acteur financier (banque, fond de dette) permettant de couvrir le déficit prévisionnel.
C’est probable ? : non, car les prêteurs actuels n’accepteront pas l’apparition de prêteurs de même rang (remboursable en même temps en cas de défaut/liquidation) tandis que l’absence de revenus et la diminution graduelle de la valeur des actifs sont autant d’éléments négatifs qui pénaliseraient le club dans sa recherche de nouveaux créanciers.

5 La Lettre d’Intention

C’est quoi ? : une sûreté qui permet à une société mère de garantir les besoins de financement futurs de sa fille (comme des parents qui se porteraient cautions pour le paiement du loyer de leurs enfants)

C’est probable ? Non, car la DNCG n’accepte plus ou rarement ce mécanisme ne valant pas plus « que le papier sur lequel il est décrit ». Dans le cas de Jogo Bonito (la maison mère de la galaxie footballistique Lopez), la relative faiblesse de la surface financière, la situation préoccupante de Boavista qui pourrait avoir besoin d’une injection de fonds rapide (voir article FootMercato de Dabia Hattabi du 7 juin dernier), la difficulté de l’activation de la sûreté (droit luxembourgeois) rendent cette option illusoire.

6 La garantie bancaire à première demande

C’est quoi ? Une banque tierce se porte garante du comblement du déficit prévisionnel.

C’est probable ? Non pour les raisons évoquées sous « dette financière additionnelle » ci-dessus.

Des cadavres encombrants


Si la question primordiale de l’été girondin reste, comme expliqué plus haut, le financement du déficit prévisionnel, le tapis du château du Haillan commence à gondoler suite à l’accumulation de poussière empilée à la va-vite.

Provision Petkovic (importante-€13m-mais encore hypothétique si nous gardons en tête le précédent Bielsa), loyers repoussés (mais que fera la mairie devant le poids électoral des Girondins et l’absence de locataire de substitution ?), options d’achat délirantes pour un club de L2 à lever (quasiment €8m dont une bonne moitié pour le seul Badji) sont autant d’épées de Damoclès qui pourraient hypothéquer, si ce n’est le futur au moins l’attractivité des Girondins.

Comment séduire un investisseur si l’argent injecté sert non pas à créer de la valeur, mais à solder les erreurs du passé ?

Conclusion

Pour résumer, la stratégie financière du club pouvant être comparée à un pistolet à deux coups (dont la première balle a frôlé la cible sans la toucher), la qualité de la formation girondine combinée à l’intervention de l’actionnaire (dont la fortune, ou en tout cas la valeur cumulée des parts de la centaine de sociétés dans lesquelles il est actionnaire, a été estimée à €10Mds par Le Monde) devrait pouvoir faire vivre le club en l’état encore 12 mois et lui éviter de rester à quai (ou hacké si l’on se veut badin).

12 mois pour réellement se réinventer bien loin des politiques trading discount tuées dans l’œuf par manque de moyen financier et humain et des slogans promouvant la formation qui n’a été qu’une planche de salut pour éviter la noyade. 12 mois c’est court et long à la fois, mais c’est tout ce que nous pouvons espérer, faute de mieux comme souvent.

David Gluzman