Jean-Louis Triaud, 11 dates et un règne bleu
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À bientôt 68 ans et après 21 ans à la tête des Girondins de Bordeaux, Jean-Louis Triaud a annoncé son départ jeudi après-midi. Retour sur 11 dates marquantes qui ont jalonné le parcours de l’atypique dirigeant girondin.
Saison 1996/1997 : Jean-Louis Triaud, jusqu’ici administrateur du club, est propulsé aux commandes des Girondins de Bordeaux en compagnie de Jean-Didier Lange qui était jusqu’à présent président de l’association des Girondins. Une association qui s’occupait du football amateur et de la formation. Alain Afflelou parti, Bordeaux subit également une fuite de ses plus beaux talents (Lizarazu, Zidane, Dugarry) et doit reconstruire une équipe au complet. Le nouveau duo de direction prend une première décision : rappeler Rolland Courbis qui avait déjà officié au club au début des années 90 pour rebâtir le FCGB. Avec notamment Jean-Pierre Papin dans ses valises, Courbis offre à Jean-Louis Triaud une qualification en Coupe UEFA à la fin de la saison.
12 avril 1997 : La première déception footballistique en tant que président. Bordeaux a réussi à créer une équipe au jeu plaisant, parfois débridé, capable de mener la vie dure à n’importe quelle formation de l’hexagone, mais irrégulière du fait de son manque de vécu en commun. Les Girondins atteignent la Finale de Coupe de la Ligue et se déplacent au Parc des Princes pour y affronter Strasbourg. Le club alsacien remporte la coupe aux tirs aux buts (0-0 ; 4-6 tab). Un an plus tard, Jean-Louis Triaud perdra une nouvelle finale de Coupe de la Ligue, cette fois au Stade de France pour la première finale de l’histoire de l’enceinte francilienne, face à Paris aux termes d’un match d’anthologie (2-2 ;4-2 tab).
Janvier 1998 : Un premier tournant dans la carrière de Jean-Louis Triaud et des Girondins. Le binôme qu’il forme avec Jean-Didier Lange décide de démettre Guy Stéphan de ses fonctions d’entraîneur. Le départ de Rolland Courbis en fin de saison dernière a fissuré de nouveau l’effectif girondin qui avait été reconstruit un an plus tôt. Bordeaux, 7eme à la fin de la phase aller, produit un jeu poussif qui ne convient pas aux dirigeants. Ces derniers pensent que l’équipe peut viser plus haut et donnent les clefs de la maison à Elie Baup, alors adjoint de Guy Stéphan. Une autre décision forte est prise : placer Charles Camporro au poste de directeur sportif après avoir été le directeur de la cellule de recrutement. La collaboration entre Elie Baup et Jean-Louis Triaud durera 5 ans, empreinte d’un respect mutuel et peut-être même d’une amitié qui sera interrompue par le licenciement d’Elie Baup en octobre 2003. Un épisode qui restera une blessure pour les deux hommes.
29 Mai 1999 : L’apothéose pour Jean-Louis Triaud qui décroche son premier titre de champion de France. Le lendemain, dans l’émission TéléFoot, l’homme fort des Girondins, qui n’oublie pas de souligner le travail de Jean-Didier Lange à l’origine du redressement du club au début des années 90, jubile : « La nuit a été belle. Si toute la saison l’équipe a été formidable, le public bordelais que l’on disait froid et distant a été extraordinaire. Je crois que l’on n’avait jamais vu ça à Bordeaux, avec plus de 35 000 personnes pour nous attendre au stade, et les rues de Bordeaux étaient combles». Fier de cette saison où Bordeaux rayonna par son jeu plein de panache, le président fit l’éloge de ses joueurs : « Ce qui a fait la force de notre équipe c’est son talent mais aussi ce collectif, cette solidarité qu’ils n’ont jamais abandonné dans les moments difficiles. Hier face à Paris, on perd le titre à la 85eme minute, et je vois que les garçons continuent à jouer ce foot collectif, technique, sans jeter le ballon n’importe où, en gardant ce qui a fait leur grande qualité tout au long de la saison.»
Juin 1999 : M6 prend la propriété des Girondins de Bordeaux, et Jean-Louis Triaud devient seul président du club après le retrait de Jean-Didier Lange. « On avait envie de pérenniser le club dans les sommets. Pour ce faire même si l’argent ne fait pas tout, nous avons un partenaire qui va arriver et prendre la direction du club » déclarait Jean-Louis Triaud dans TéléFoot. Facilitée par les rapports amicaux entre le président girondin et Nicolas De Tavernost, président du directoire de M6, l’union des deux entités permettra à Bordeaux de stopper la fuite de ses talents qui était régulière et de conserver son ossature post-titre. M6 était en concurrence avec le puissant groupe financier ENIC propriétaire à l’époque des Glasgow Rangers et du Panathinaïkos et détenu par le milliardaire anglais Charles Lewis.
Août 2000 : Après un Euro 2000 où il brille en finale face à l’Italie en égalisant à la dernière seconde pour la France, Sylvain Wiltord ne veut plus rejouer pour Bordeaux. C’est la première gestion de crise majeure pour Jean-Louis Triaud qui se montre inflexible et refuse le transfert de son joueur respectant une ligne de conduite érigée en fin de saison dernière. L’attaquant des Bleus sèche les entraînements, irrite supporters et staff technique, et finit par s’envoler à Arsenal vers la fin du mercato d’été. Aidé par les intérêts appuyés du Real Madrid et de l’Inter Milan, Jean-Louis Triaud négocie un transfert très élevé à près de 17,5 millions d’Euros. Un épisode qui handicapera lourdement le marché d’été girondin même si Pauleta signera dans les dernières heures du mercato pour remplacer Wiltord.
12 décembre 2002 : Dominique Imbault est le nouveau président des Girondins de Bordeaux depuis le mois d’août, Jean-Louis Triaud s’étant retiré pour des raisons professionnelles. Mais l’ancien publicitaire, peu influent auprès du groupe, ne tient pas la cadence et Jean-Louis Triaud est d’abord rappelé au mois de décembre pour assister Imbault. C’est dans ce contexte que Bordeaux est éliminé en 8eme de Finale de Coupe UEFA à Anderlecht (2-2 au Parc Astrid après une défaite 2-0 à Chaban-Delmas). Une bagarre mémorable éclate dans le vestiaire girondin après le match entre Eduardo Costa et Christophe Dugarry. Jean-Louis Triaud est du déplacement, essaye de s’interposer, et se fait bousculer dans l’agitation à l’instar de tous les protagonistes ayant essayé d’éteindre l’incident. Furieux, le président girondin exige le départ de Costa ou Dugarry dès le lendemain. Christophe Dugarry s’envolera au mercato pour Birmingham, et Dominique Imbault rendra le fauteuil de président à Jean-Louis Triaud.
Juin 2007 : Le président girondin frappe un grand coup médiatique et tend la main à Laurent Blanc pour sa première expérience d’entraîneur. Le premier mois de mercato inquiète l’ancien pilier de l’Equipe de France qui monte au créneau dans la presse pour obtenir des renforts capables de servir ses grands projets pour Bordeaux. Jean-Louis Triaud s’émeut de la réaction de son entraîneur, lui aussi par l’intermédiaire des journaux. La tension est palpable, mais Laurent Blanc finit par obtenir gain de cause avec notamment le recrutement d’Alou Diarra. La suite sera glorieuse pendant presque trois saisons, garnie de titres et d’une relation harmonieuse entre les deux hommes, laissant un goût d’amertume après 3 derniers mois où Laurent Blanc n’aura plus vraiment la tête aux Girondins.
31 mai 2009 : 80 000 personnes squattent la Place des Quinconces et attendent la délivrance : un titre de champion de France, 10 ans après. Sur Girondins TV, Jean-Louis Triaud ressent la même exaltation et s’adresse aux supporters : « On va vous entendre si vous nous soutenez. Jusqu’à Caen on va vous entendre applaudir. On va vous entendre soutenir le club. On va vous entendre vous enthousiasmer avec nous.» Après 90 minutes, Bordeaux est sacré champion de France pour la 6eme fois de son histoire, et les caméras de télévision surprennent furtivement quelques larmes couler le long du visage de l’homme fort des Girondins. La carapace se fend. Le lendemain, Place des Quinconces, le public scandera le nom de son président, à l’instar de chaque membre de l’équipe fêté avec passion.
31 mai 2013 : « Notre spécialité c’est d’être éliminé par une équipe de CFA dès les premiers tours analyse cyniquement Jean-Louis Triaud sur BFM TV. La Coupe de France ne nous a jamais réussi. Je suis prudent. On est sur le fil du rasoir : soit on fait une bonne saison, soit on fait une saison médiocre.» La saison sera bonne puisque Bordeaux bat Evian en Finale de Coupe de France (3-2) et offre à son président le seul trophée qui lui manquait dans son palmarès national. Cette récompense est aussi la dernière de son règne. Jean-Louis Triaud termine avec dans sa vitrine 2 titres de Champion de France, 3 Coupes de la Ligue, 2 Trophées des Champions, et une Coupe de France, avec un quart de finale de Ligue des Champions comme cerise sur le gâteau.
23 mai 2015 : Bordeaux entre dans son nouveau stade flambant neuf. Quelques jours plus tôt, lors de l’inauguration officielle du Matmut Atlantique, Jean-Louis Triaud déclarait à So Foot avec son humour teinté d’ironie si caractéristique : « Quelqu’un a dit dans son discours qu’il aimerait que l’opéra de Bordeaux revienne jouer l’hymne de la Ligue des Champions ici, mais j’ai peur que les chanteurs qui étaient là soient à la retraite le jour où l’on aura une chance de se qualifier.» Une forme d’humour pour cacher de vraies émotions, comme le confirme cette phrase, toujours pour le site de So Foot : « C’est une satisfaction de voir ce stade fonctionner, d’arriver aux termes du projet. Ça fait vraiment plaisir de partager l’éblouissement que l’on ressent dans ce stade.» Aimé de la plupart des joueurs qui voyaient en lui un des derniers dirigeants paternalistes, souvent critiqué pour sa communication à l’égard des supporters, le désormais ex-président des Girondins aura beaucoup donné et participé activement à l’histoire des Girondins de Bordeaux à travers 11 dates et plus encore.
Par Florian RODRIGUEZ
Les deux vidéos :
Jean-Louis Triaud : "Dans le domaine du sport... par webtvfoot