Carnet d’entraînement : Opération reconquête

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Vendredi 26 janvier 2018 - Le Haillan : Répartis en trois groupes, les joueurs Girondins de Gustavo Poyet se sont entraînés sur un terrain habituellement dédié à l’équipe réserve, permettant une vue dégagée pour les spectateurs. Sous un soleil franc et généreux, l’entraîneur uruguayen de Bordeaux a mis de la vie dans la séance, avec une prédilection pour les attaquants sous sa coupe.
Le Haillan est paisible, presque habituel en cette avant-veille de match. Un rayon de soleil complète le tableau rassurant de ce cadre d’entraînement. Les jardiniers travaillent la pelouse des professionnels et donnent eux aussi l’impression que rien n’a changé. On s’attendrait presque à voir sortir Eric Blahic, prêt à disposer les chasubles et à repositionner quelques mannequins. Mais un détail intrigue : aucun accessoire d’entraînement n’orne la pelouse. Une homme à la silhouette inhabituelle, en survêtement bleu marine et rose passe, cheveux mi-longs couleur caramel clair, et adresse un bonjour aux quelques personnes présentes. Mauricio Taricco, entraîneur adjoint de Gustavo Poyet, arrive de nulle part et marche en direction des vestiaires. Première preuve palpable que la nouveauté est belle est bien là. Peu de temps après, les joueurs sortent, par groupes et se dirigent vers le fond du terrain, passant par un portail qui donne un accès vers l’extérieur. Et pour cause : l’entraînement est délocalisé sur un terrain habituellement occupé par l’équipe réserve, exactement dans la diagonale à partir du portail.
Journalistes et supporters emboîtent le pas des joueurs, dans une ambiance particulière, presque champêtre. Ici, pas de grillage pour perturber la vision. À mesure qu’ils passent, les joueurs serrent la main de journalistes déjà présents. Les spectateurs, avant-bras posés sur la main-courante, sont à quelques mètres des joueurs. Deux filets de tennis-ballon sont sur le terrain. Et des mannequins attendent à l’opposé. Quelques chasubles et ballons sont au sol près de l’entrée de l’aire de jeu. Les gardiens, fidèles à leurs habitudes, vont se réfugier au fond du terrain avec Franck Chaumin et Paulo Fernandes, ce dernier arrivé dans le staff de Gustavo Poyet. À mesure que les joueurs prennent place, des groupes de discussion se forment sur le terrain. Pierre Espanol et Eric Bedouet conversent. À quelques mètres d’eux, Fernando Menegazzo, Mauricio Taricco et Gustavo Poyet échangent en petit comité. Les joueurs qui se sont emparés des ballons et tapent avec légèreté sont rapidement appelés par Pierre Espanol qui les incite à rejoindre Eric Bedouet près de l’entrée du terrain, le long du grillage qui délimite l’extrémité de l’espace de jeu. Eric Bedouet mime les mouvements à effectuer avec les bras et les joueurs commencent à enchaîner les aller et retour deux par deux, en se suivant. L’échauffement se compose d’un travail de bras fait de moulinets puis de gestes de balancier direction le côté opposé. Les genoux sont aussi levés, puis également lancés d’un côté puis de l’autre à l’instar de bras. Viennent ensuite les pas chassés. Le groupe est silencieux, et les survêtements qui frottent à l’unisson se font entendre.
Gustavo Poyet qui est resté seul avec Fernando, se livre à des explications avec force gestes. Pierre Espanol met fin au long échauffement. Deux groupes se forment, mélangeant joueurs offensifs et défensifs. À l’opposé des spectateurs, Gustavo Poyet, Fernando et Mauricio Taricco se chargent d’une équipe, tandis que Pierre Espanol et Eric Bedouet supervisent la deuxième proche de la main-courante. Dans les deux groupes, le travail est le même : une variante du toro, avec plus de joueurs impliqués, un cercle agrandi, et trois joueurs au milieu, chasubles jaunes à la main. Un joueur en position de joker se situe au centre des débats. Pierre Espanol, près des joueurs est prolixe : « Venez au ballon, déplacez, mettez-vous en route. » L’entraîneur adjoint bordelais motive Koundé : « Allez Jules on se réveille. » Le but de la séance n’est pas de faire courir les joueurs adverses en restant figés, mais de faire bouger le bloc à mesure que les passes s’enchaînent et de jouer rapidement pour les joueurs situés à l’opposé. Un challenge est aussi mis en place avec les joueurs qui comptent le nombre de passes effectuées avant l’interception. « Déplacez-vous côté ballon, ne restez pas en place » insiste Pierre Espanol. Gustavo Poyet qui vient de délaisser son groupe et s’est rapproché de celui de Pierre Espanol et Eric Bedouet, siffle et explique aux joueurs ce qu’il attend en termes de déplacements en se servant de quelques gestes. Le jeu reprend et l’entraîneur bordelais s’exprime avec un accent sud-américain peu prononcé, encourageant Baysse au passage : « Ça joue, là, ouais. Paul, c’est ça ! »
L’entraîneur bordelais ne s’éternise pas auprès du groupe Laborde, Baysse, Pellenard, Tchouaméni ou Kamano, et repart déjà au trot vers l’autre équipe. Paul Baysse, chasuble à la main, place un tacle offensif tonique qui racle l’herbe et envoie le ballon plus loin. Pierre Espanol fait bouger son groupe dans le sens vertical à mesure que les passes s’enchaînent, puis le fait revenir à sa position initiale. Intenable, Gustavo Poyet est de retour et fait les cent pas. Les yeux noirs de l’entraîneur au teint hâlé ne loupent pas une miette des mouvements des joueurs. Après un ballon intercepté, l’entraîneur corrige : « Ah, il faut basculer de suite. » « 13, 14, change ! » Paul Baysse compte les passes et n’oublie pas de diriger en même temps. À l’instar de l’ancien défenseur niçois, Théo Pellenard tacle de façon rageuse. « Allez mieux que ça, mieux que ça » demande Pierre Espanol qui enfonce le clou : « Soyez exigeants avec la passe, qualité de déplacement. » Trois coups de sifflets brefs sonnent la fin du jeu. Prior et Costil arrivent en courant accompagné de Paulo Fernandes pour prendre possession de la cage tandis que les joueurs se regroupent autour de Mauricio Taricco qui annonce les groupes. Otavio, Pablo, Cafu et Pereira affronteront Baysse, Sabaly, Kamano et Sankharé au tennis-ballon. Fernando s’est rapproché du contingent et parle en Portugais à Otavio. Vada, Malcom, Laborde et De Préville, à quelques mètres de là se sont positionnés à la sortie de la surface de réparation et vont travailler avec Gustavo Poyet. Le reste du groupe est géré à l’opposé par Mauricio Taricco.
Le ton est de suite donné du côté des attaquants. Gustavo Poyet, accroupi, ramasse ballon sur ballon et donne des passes avec les deux mains à ses attaquants qui frappent de volée. Aucun répit, les joueurs doivent enchaîner. Prior se détend sur une frappe flottante de Malcom. Paulo Fernandes, accent brésilien marqué, commente : « Ouais, quel arrêt. » Le nouvel entraîneur des gardiens est excité et motive ses gardiens à l’envi, répétant « zéro, zéro » tant que les goals n’ont pas encaissé de buts. L’exercice est dynamique et bruyant avec des joueurs exprimant leurs émotions au fil de leurs fortunes diverses. Vada marque près du poteau. « Bien joué » exprime Poyet tout en continuant à alimenter les attaquants de ballons. Malcom marque du gauche en lucarne. L’exercice évolue. Gustavo Poyet distribue toujours les ballons près des joueurs, mais ceux-ci doivent d’abord effectuer une touche en l’air avant de frapper. « Ouais Costil. Zéro. » Paulo Fernandes continue de mettre une pression positive avec une grosse voix accentuée. À l’opposé Franck Chaumin, supervise les gardiens Poussin et Mandanda, mains dans le dos. Les joueurs effectuent un une-deux depuis le côté gauche, le latéral prenant appui sur un joueur un peu à l’intérieur, et centrent pour deux hommes ayant croisé leurs courses pour partir premier et deuxième poteau. Mauricio Taricco participe à l’exercice et place une tête puissante sortie par Poussin.
Du côté des attaquants, pas de place pour le relâchement. Gustavo Poyet, au niveau de la ligne de sortie de but, enchaîne les passes à l’entée de la surface pour ses joueurs. De Préville, Laborde et Vada marquent tous les trois de tirs à ras-de-terre. Les joueurs se posent quelques instants et s’étirent avec Eric Bedouet. Gustavo Poyet récupère des ballons, les regroupe, et marche rapidement vers ses joueurs pour leur adresser quelques mots avant de se repositionner du côté de la ligne de sortie de but, mais côté opposé. Les ballons sont délivrés au niveau de l’arc de cercle et les joueurs allument littéralement les gardiens qui ne s’en laissent pas compter, à l’image d’un Costil dont le haut de survêtement bleu et blanc a pris des teintes marrons à force d’accumuler les plongeons. Gustavo Poyet met la pression en répétant des « vas » de façon mécanique après chaque passe. Après plusieurs phases alternant entre arrêts des gardiens, séries stériles pour les attaquants et quelques ballons fuyant le terrain en passant par dessus le grillage, mais aussi enchaînements de buts, les joueurs ont droit à un temps de latence. Laborde prend Malcom dans ses bras. Ce dernier en fait de même avec Vada. Plus loin, les joueurs de Mauricio Taricco échangent leurs places avec les joueurs présents au tennis-ballon où deux équipes vont s’affronter désormais : Pellenard et Jovanovic contre Koundé et Youssouf et Tchouaméni, Poundjé accompagnés de Pierre Espanol face à Contento Plasil et Gajic.
Les attaquants poursuivent leur inlassable travail sous l’impulsion d’un Gustavo Poyet, toujours placé près du but, mais qui envoie maintenant des ballons à mi-hauteur assez forts, dans un mix entre la passe et le dégagement. Aux attaquants de se débrouiller pour gérer la situation. De Préville contrôle et place une frappe lourde dans le petit-filet, à mi-hauteur. Un « oh bien joué Nico » retentit de la bouche de l’un de ses coéquipiers. Laborde, inspiré par son partenaire, marque et serre le poing. Après plusieurs frappes, le groupe discute, donnant l’air d’être resserré, les uns proches des autres. Gustavo Poyet rejoint ses joueurs et parle avec eux, prenant le temps de s’étirer quelques secondes à leurs côtés. L’entraîneur bordelais rigole un peu, et repart se positionner dans la surface de réparation pour une série de passes au niveau du point de pénalty. Vada marque, Malcom frappe au dessus, De Préville, chirurgical trouve l’espace près du poteau. Les « vas, vas, vas » de l’entraîneur des Girondins continuent d’imprimer le rythme. Sur le tennis-ballon, un joyeux conflit naît entre l’équipe Koundé et Youssouf et l’équipe Pellenard-Jovanovic. « Elle n’est pas dedans, elle est là la trace » indique Youssouf à Jovanovic avec le sourire en lui montrant l’extérieur du poteau tenant le filet. Après plusieurs pourparlers, les joueurs décident de faire une balle de match alors que l’autre équipe est en train de plier bagages. Contento range les piquets dans une housse, avec l’aide de Plasil. Chez les attaquants, Gustavo Poyet siffle sous les cris enthousiastes. L’entraîneur se dirige vers ses attaquants, serre la main de chacun, et migre en trottinant vers l’atelier de Mauricio Taricco et Fernando. Pendant que les attaquants terminent en tirant des pénaltys, la balle de match se joue au tennis-ballon. Koundé surpris par le coup adverse remet tant bien que mal à Youssouf qui sent le ballon lui échapper, pousse un « aïe, aïe » et ne peut sauver son équipe malgré un tacle désespéré. Le point est gagné par la paire Pellenard-Jovanovic.
Alors qu’Otavio marque d’une volée impeccable du côté de chez Maurico Taricco, Gustavo Poyet siffle. L’entraîneur uruguayen des Girondins fait évoluer l’exercice en se plaçant à l’entrée de la surface. Équipé de plusieurs ballons, l’ex-coach de Sunderland distribue des passes en retrait que le joueur doit décaler en une touche dans la profondeur pour un coéquipier chargé de frapper au but. Sankharé trouve les filets d’une frappe sèche qui rase le terrain. Le jeu se termine par des passes en hauteur pour des remises poitrines et frappes au but. Alors que Pablo remise pour Paul Baysse qui place une grosse frappe au dessus, Pellenard, mollets saillants et congestionnés par la séance, allonge de passes avec Jovanovic quinze mètres plus loin. « Ouais, ouais » Gustavo Poyet félicite Pablo après un but d’une frappe sèche suite à une remise poitrine de Baysse. « La ultima* » retentit du côté des coachs, pour une dernière frappe. Trois coups de sifflets retentissent suivis d’un « merci beaucoup » de la part de Gustavo Poyet. Les joueurs se regroupent rapidement à l’entrée du terrain, y compris ceux qui travaillaient au fond, et se saisissent de bouteilles d’eau.
Gustavo Poyet siffle d’un coup sec en passant devant les récalcitrants qui tiraient leurs pénaltys. Ces derniers cessent immédiatement. Pendant que François Kamano est sorti du terrain pour prendre une photo avec quelques jeunes compatriotes Guinéens présents au Haillan, d’autres joueurs lui emboîtent le pas et s’acheminent vers le terrain principal pour regagner les vestiaires. Mais quelques personnes sont encore sur le terrain d’entraînement. Tchouaméni, Koundé, Vada, De Préville, Mandanda et Poussin sont en équipe et tirent la première cage pour la ranger sur un côté du terrain. À l’opposé, Malcom, Fernando, Mauricio Taricco, Youssouf, Pellenard et Prior se serrent les coudes pour déplacer l’autre but. Sous un franc et chaleureux soleil, le terrain redevient paisible après une séance d’une heure vivante. Dernier des derniers à quitter le terrain, profitant de son retour à Bordeaux, Fernando Menegazzo serre la main d’un journaliste qu’il connaît bien et qui lui souhaite un « bon retour à la maison. » Tout sourire, l’ancien milieu défensif des Girondins salue avec une joie sincère les gens encore présents dans la zone entre le terrain de jeu du jour et l’espace professionnel et s’en va rejoindre le centre de vie de l’équipe. À quelques jours de rencontrer Lyon, l’ambiance apaisée autour du groupe girondin et l’enthousiasme des nouveaux entraîneurs devrait constituer un premier socle de nature à rassurer les supporters forcément inquiets par la fragilité récente de leur club.
*La dernière en Espagnol
Par Florian RODRIGUEZ au Haillan