Exclu – Yannick Stopyra : « Nous cherchons un phénomène tout en respectant l’être humain »
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Ancien joueur bordelais (1988-1989), Yannick Stopyra est aujourd'hui responsable du recrutement au centre de formation des Girondins. En exclusivité, il évoque son minutieux travail de détection. Entretien.
Vous êtes responsable du recrutement au centre de formation des Girondins de Bordeaux. Comment est venue cette opportunité ?
C'est lors d'un match amical entre un pôle espoir et un club professionnel. Patrick Battiston m'a alors confié que Philippe Goudey allait partir à la retraite. J'ai dit : « Je postule ». Sept mois se sont alors écoulés avant que je sois contacté. Je ne voulais pas rester à la Fédération. J'avais fait dix ans de pôle espoir, où j'ai d'ailleurs vu démarrer Ludovic Obraniak.
Depuis l'arrêt de votre carrière de joueur professionnel, en 1994, quel a été votre parcours ?
J'ai terminé à Mulhouse et j'ai ensuite joué trois années en amateur. Puis, je suis monté à Paris pour passer mes diplômes d'entraîneur, à Clairefontaine. Avec d'autres internationaux, comme Battiston, Tigana, Bats ou Bossis, j'ai passé tous mes diplômes de façon accélérée. En parallèle, j'entraînais un ou deux clubs amateurs. Lorsque s'est ouvert le pôle Espoir de la Madine, j'en suis devenu le responsable. J'ai également passé cinq années au Qatar et aux Émirats, où j'ai monté une académie. J'ai amené ce que je ressentais au niveau de la formation à Abou Dabi. J'ai travaillé pour la fédération du Qatar. J'ai eu toutes les équipes jusqu'aux professionnels. Malheureusement, j'ai eu des problèmes familiaux. Ma fille s'est faite opérée et j'ai dû rentrer en France. Sans cette mésaventure, je serais certainement encore au Qatar. Je me suis alors installé à Castelmaurou, à côté de Toulouse.
Quelles sont les principales missions qui vous ont été confiées par votre direction ?
Je repère des jeunes qui ont 11 ou 12 ans. Il faut que je détecte les meilleurs Bordelais dans cette tranche d'âge. Ces jeunes doivent pouvoir aller à l'école facilement, on ne les retire pas de leur cocon familial. Je gère tout ce qui est contrat aspirant, stagiaire... Le plus vieux joueur que j'ai recruté a 23 ans : c'est Cédric Yambéré. L'objectif, c'est de former des bons jeunes. Si je recrute un joueur de plus de 20 ans, c'est également pour qu'il puisse éventuellement dépanner le groupe professionnel sur un match. Un peu comme Fabrice Apruzesse à l'OM. Tout le monde a allumé Élie Baup lorsqu'il a fait rentrer ce joueur. Mais, il s'agissait d'un cas d'urgence. Quand on arrive à une telle situation, cela veut dire qu'il y a un problème. A Bordeaux, nous ne nous sommes jamais retrouvés face à ce genre de mésaventure. Lorsque je suis arrivé, en 2011, l'effectif était très riche. Il comportait plus de 30 joueurs professionnels. Aujourd'hui, de nombreux jeunes ont été intégrés. Concernant le recrutement des joueurs professionnels, je n'y touche pas. C'est la cellule de recrutement des professionnels qui s'en charge.
Y a-t-il un pays ou un continent en particulier dans lequel vous comptez approfondir votre travail ?
Je suis allé en Martinique et en Guadeloupe. Marius Trésor est notre ambassadeur aux Antilles, dans lesquelles je me rends une fois par an. J'y vais d'ailleurs le 2 mars prochain pour observer les 40 meilleurs joueurs nés entre 2000 et 2001. Je suis également allé au Sénégal et en Argentine. Le club est propriétaire d'un centre dans ce dernier pays, où se trouvent 90 joueurs. C'est ce qui explique que nous avons régulièrement des joueurs qui signent en provenance d'Argentine. Quand je pars à l'étranger, je suis accompagné par un préparateur physique ou un éducateur des Girondins. Sinon, j'ai un projet en Afrique du Sud. Je ne vais pas aller y chercher un joueur de 14 ans, c'est interdit. Ce sont des joueurs majeurs qui nous seront proposés. En Afrique du Sud, ils suivent une formation à la britannique. Au Sénégal, j'ai vu 325 joueurs. Seulement un seul va signer stagiaire. Il faut attendre qu'il ait 18 ans et lui donner un contrat de travail. Nous cherchons un phénomène tout en respectant l’être humain. Le président Triaud et Patrick Battiston sont très attachés à ce principe. On ne fera pas signer un joueur si ça n'est pas « réglo ».
« On ne peut pas recruter si on ne connaît pas son propre effectif »
A quoi ressemble une journée-type de Yannick Stopyra ?
Je vais à tous les entraînements. On ne peut pas recruter si on ne connaît pas son propre effectif. J'ai aussi une partie de mon travail qui touche à l'administratif, pour lequel un secrétaire m'aide. J'ai des observateurs qui me font des rapports et dont je prends notes. Je vais voir des matches, je reçois des tonnes de CV, environ 50 par semaine. Des gamins de 12 ou 13 ans me demandent de faire des essais. Certains joignent même leur bulletin scolaire. Je travaille sept jours sur sept. Le mercredi, la journée est souvent consacrée aux détections de jeunes. J'arrive à 8h15, je prends la température, on parle des joueurs avec mes collèges, je regarde la CFA, les U19 et les U17. Après manger, j’enchaîne avec le bureau. Je m'occupe des tournois, notamment pour mettre des joueurs à l'essai. J'envoie des courriers, je récupère les adresses des parents. Je suis souvent en contact avec des agents qui disent posséder la perle rare. Il faut toujours aller vérifier si c'est le cas. Parfois, c'est une perte de temps. En tout cas, aucun joueur ne signera si je ne l'ai pas vu !
Par rapport aux anciennes générations, comment ressentez-vous les jeunes d'aujourd'hui ?
Il faut avoir une grande approche psychologique avec eux. Ils sont beaucoup plus impatients que nous au même âge. Les jeunes sont très perturbés par les histoires de téléphone par exemple. Si on leur supprime, il sont perdus. Quand je suis arrivé en équipe de France, je me levais pour aller chercher le café de Marius Trésor. Il y avait un respect des anciens qui s'est un peu perdu de nos jours...
Vous avez passé une saison sous les couleurs girondines au cours de votre carrière, lors de l’exercice 1988-1989. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Ce n'est pas vraiment la meilleure de ma carrière. Nous n'avons pas obtenu de bons résultats. Cela correspond au début du déclin des Girondins, après que le club ait remporté plusieurs titres pendant plusieurs année. Malgré une grosse ossature, la mayonnaise n'a pas pu prendre. Il s'agit peut-être de l'une des moins bonnes saisons de ma carrière. J'ai gardé contact avec Bruno Bellone. On ne s'était pas vu pendant trois ans et on s'est embrassé comme si on s'était quitté la veille.
Comment jugez-vous la saison de l'équipe professionnelle ?
Il y a de la qualité, l'entraîneur fait bien son travail. Nous avons réussi à gagner la Coupe de France l'année dernière. Je connais les compétences de Francis Gillot, surtout que j'ai joué avec lui. Nous sommes l'un des clubs en Europe qui fournit le plus de joueurs. Je pense que nous allons vers de belles années, une dynamique s'est instaurée. Je ne regrette pas d'avoir quitté le giron fédéral. Aujourd'hui, je me bats pour faire signer les meilleurs jeunes joueurs français. Je souhaite recruter des éléments qui porteront les maillots d'équipes nationales.