Interview - Alain Bauderon : “Je suis attristé de la situation aux Girondins de Bordeaux”

25/03 - 09:29 | Il y a 1 mois
Sa voix a marqué plusieurs générations de supporters qui ont écouté ses commentaires à la radio lors des matchs des Girondins Bordeaux. Cet amoureux du foot et du FCGB a conjugué passion et carrière professionnelle. Il a répondu aux questions de WebGirondins. Ses souvenirs, sa vision des Girondins, de la présidence Gérard Lopez et de la situation actuelle, c'est à découvrir dans cet entretien.
Interview - Alain Bauderon : “Je suis attristé de la situation aux Girondins de Bordeaux”

© Iconsport

WebGirondins : Bonjour, Alain, comment vas-tu et que deviens-tu ?

Alain Bauderon : Tout va bien. Je suis à la retraite depuis le mois de décembre 2022. De plus, je suis coach U16/U17 et adjoint sénior R2 à l'Union Saint-Bruno. J’ai aussi site qui s’appelle Bordeaux Le Mag.fr où je fais des podcasts, et j’interview d’anciens joueurs.

"J'ai été entraîné par le plus célèbre des Girondins, Alain Giresse"

Le foot c’est une passion totale chez toi ?

Oui, j’ai joué au foot aux Girondins de Bordeaux jusqu'à l'âge de 16 ans et au Stade Bordelais jusqu'à l’âge de 32 ans. J’ai commencé une carrière professionnelle en créant ma propre radio en 1981/1982, puis je suis rentré à Wit Fm en 1990, j’ai travaillé 4 ans à Eurosport dans les années 1996-2000, je suis ensuite revenue à Wit Fm, puis à Goldfm jusqu'à la fin de ma carrière.

On te connait publiquement comme journaliste, et on voit dans ton parcours l'omniprésence du football et des Girondins de Bordeaux où tu as joué. C’est une révélation que tu nous fait.

Oui, j’ai joué aux Girondins de Bordeaux à partir de 9/10 jusqu’à l'âge de 16-17 ans. Je jouais principalement comme défenseur central, mais je jouais aussi milieu défensif et latéral. À l’époque, il n’y avait pas de centre de formation. Je me suis inscrit aux Girondins, et après selon les progrès, il nous gardait ou pas. Le jeudi, c'était les professionnels qui nous faisaient l'entraînement. Par exemple, j'ai été entraîné par le plus célèbre des Girondins, Alain Giresse.

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@iconsport 24/04/1984 Bordeaux-Juventus

On peut dire que tu es un Bordelais pur souche

Oui, je suis né à Bordeaux, je suis un Bordelais pur souche effectivement.

Que représentent pour toi les Girondins de Bordeaux ?

Ça représente mon club, car j’y ai joué. C’est le club d’une ville, c’est une passion. Même si celle-ci a tendance à s’atténuer du fait de ce qui se passe actuellement. J'aime encore voir les Girondins jouer. Je n'y vais pas régulièrement, car je suis sur les terrains avec l’Union Saint-Bruno, mais je ne rate aucun match soit au stade soit à la télévision en direct ou en différé.

Tu es un fanatique des Girondins

J'aime mon club, j’ai fait deux déplacements gamins, à Nantes notamment. Je n'ai pas la fibre pour faire des déplacements même si je suis supporter. Par exemple, je n'ai pas participé aux manifestations organisées par les ultras. Si je n’avais pas couvert professionnellement ces événements, je n’y serais pas allé, j’aurai regardé les images sur internet.

"Les relations journalistes-club sont plus difficiles aujourd’hui"

 

Tu as réussi à faire ta carrière professionnelle autour de ton club de cœur les Girondins

À l’exception des 4 années à Eurosport, oui. Depuis 1990, jusqu'en 2022, j'ai vécu de ma passion du football avec les Girondins de Bordeaux. Vous savez, lorsque je vivais à Paris, je suis allé seulement 2 fois au Parc des Princes, c'était pour voir les Girondins de Bordeaux. Or, j'habitais à 300 mètres à pied du stade, j'aurais pu aller voir le PSG, mais non. Je ne suis allé voir que les Girondins de Bordeaux. Ma carrière et ma passion ont été mêlées autour des Girondins. Cela a été un avantage.

C’est formidable

Oui, on ne peut pas mieux espérer.

En plus, de par ton métier, tu as accès aux coulisses du club, ce qu’un supporter ne peut pas avoir. Donc on peut dire que tu connais très bien les Girondins de Bordeaux.

Oui, je les ai bien connus. Aujourd'hui, je les connais moins bien. Les relations journalistes-club sont plus difficiles aujourd’hui. Je pense que si je devais encore travailler aujourd'hui, je ne ferais plus les Girondins de Bordeaux. Parce que cela a complètement changé. Ce n'est pas dans la philosophie de ce que j’ai connu. La fameuse phrase c’était mieux avant, je dis oui, c'était mieux avant. Je me rappelle avoir fait Z.Zidane sous l’arbre au Haillan quand il sortait du vestiaire. Il disait oui ou non. D’autres fois, on le faisait lorsqu’il rentrait dans sa voiture. Ce côté-là n’existe plus, c’est ce qui me gêne aujourd’hui dans le football professionnel. Cette professionnalisation que l’on a connue existait déjà dans les grands clubs beaucoup plus tôt. Par exemple en 1996 pour les matchs européens face à l’AC Milan, pour interviewer Georges Weah j'avais dû faire une demande de rendez-vous plusieurs semaines à l'avance, insister. Alors qu'à Bordeaux à cette époque ce n'était pas le cas.

"Laurent Croci à chaque but montait presque sur la table de commentateur, il faisait valser son micro, il criait “On va aller en finale, on va aller en finale”

 

Tu as vécu des années folles des Girondins, quel est ton meilleur souvenir professionnel ?

Il y en a plusieurs. Tout d’abord la Coupe de France 2013, le dernier titre remporté, je l’ai vécu. Il y a eu des Coupes de la Ligue, le titre de champion de France en 2009 avec Laurent Blanc et J-G Gasset, et l’épopée européennes jusqu’à la finale en 1996. Mais le plus gros souvenir est le match européen Bordeaux-Milan en mars 1996. Parce que le scénario était incroyable, parce que c’était à Bordeaux, l'atmosphère était exceptionnelle. Les titres je les ai vécus passionnément, sauf celui de 1999, car je n’étais pas à Bordeaux. De plus, j'avais vécu le titre de champion de France de Bègles face à Toulouse que j’ai commenté à la radio, souvenir incroyable. Ce sont des moments importants de ma carrière. C’est passionnant d’avoir vécu ces titres avec ces équipes-là.

Le match Bordeaux-Milan tu l'as commenté sur Witfm à l’époque ?

Oui, avec Laurent Croci aux commentaires, car il était suspendu pour cette rencontre.

Est-ce que tu arrivais à contrôler tes émotions au micro ?

C'était compliqué, car Laurent Croci à chaque but montait presque sur la table de commentateur, il faisait valser son micro, il criait “On va aller en finale, on va aller en finale”. Un tel rendez-vous, lorsqu’on commente sur la radio des Girondins (WIT FM était la radio officielle des Girondins de Bordeaux, NDLR), on est forcément derrière les Girondins de Bordeaux. Même si quand ils n'étaient pas bons, on le disait. On était derrière eux, on poussait avec eux. Au niveau de l’émotion quand on en reparle, on a quelques frissons. Ce sont des moments exceptionnels qu’on n’oublie pas. On en a rarement dans une carrière. Oui, j'ai vécu des grands moments.

En plus avec Bordeaux.

Oui. Par exemple avec Eurosport, j'ai vécu des matchs de coupe d’Europe de clubs français, il y avait la passion. On était derrière les clubs français. Mais ce n’était pas pareil.

“Beaucoup de supporters ont demandé le départ de M6, car l’actionnaire n'investissait plus”

 

Que penses- tu de l'évolution du club depuis 2018 et le départ de M6 ?

Mon regard est triste par rapport à ce qui s’y passe. Pas du fait que Bordeaux soit en Ligue 2, car cela peut arriver dans l’histoire d’un club. Il y a des cycles. Je me rappelle que beaucoup de supporters ont demandé le départ de M6, car l’actionnaire n'investissait plus. On entendait des “direction démission”. Ils ont été quelque part poussés vers la sortie. À force , je pense que cela a incité l’actionnaire numéro un, les allemands, à dire à Nicolas De Tavernost, tu as fait ton temps... Ils ont vendu à qui ils ont pu, peut-être trop vite. Depuis ce moment-là, c’est tout et n’importe quoi. Gérard Lopez est arrivé, c’est le sauveur, il a mis de l'argent, et je ne pense pas qu’il gère le club comme il le devrait. Alors, c’est facile à dire derrière un micro, mais en réalité on ne sait pas comment il gère le club. On ne connaît pas les finances. Donc, mon regard est attristé. Je suis le premier à critiquer la gestion actuelle et ce qu'il s'y passe. Pour autant, je leur laisse volontiers la gestion du club, c'est trop compliqué. Les footballeurs sont trop difficiles à gérer, c'est devenu le football business, et ça ne me correspond pas.

“C'est opaque. Il est difficile de saisir le personnage Gérard Lopez”

 

Quel regard portes-tu sur la présidence de Gérard Lopez, personnage qui dénote depuis son arrivée ?

Il a pris une situation très difficile. On peut mettre à son crédit d’avoir diminué la dette. Il a essayé des choses. Il a mis de l’argent, mais il ne peut pas tout faire seul. Il n’a pas la surface financière du Qatar. Il est donc obligé de chercher des partenaires parce qu'il est tributaire des résultats. Si l’équipe était montée en Ligue 1 l’année dernière, la situation serait sûrement moins compliquée. Mwanga et Bakwa n’auraient pas été vendus, Gregersen aussi. C’est vrai que c'est opaque, on n’y voit pas clair, et il ne s’exprime pas beaucoup. Il intervient par communiqué, parfois lors de conférences de presse. Il vend “sa soupe”, sa façon de voir. Il est difficile de saisir le personnage.

“ Je suis désolé de le dire, c’est mon club, mais Bordeaux est un club lambda”

 

Comment expliquer l'échec de cette saison ?

Je serai tenté de dire comme Fabien Galthié à propos de l’Équipe de France lors du tournoi des 6 nations : “On n’a pas digéré ce qui s’est passé à la Coupe du Monde, on n'était pas prêt à reprendre la compétition”. Peut-être que Bordeaux n'était pas prêt à reprendre si tôt. On n'avait pas digéré cet échec, je parle de Barbet et de Nsimba même si ce dernier a eu des blessures cette saison. La dynamique était tout autre cette saison. On sentait que ce serait dur dès la présaison bordelaise. Dès le match à Pau, ça tourne mal et la dynamique négative s’enclenche. À la 10e journée, on est 13, comme aujourd’hui.

Est-ce que si Guion était resté jusqu'au bout il aurait fait mieux ? Là aussi, la vindicte populaire poussait au départ de Guion. Le club, je ne sais pas s'il est influencé par les réseaux sociaux, a décidé de changer et on a perdu 2 mois avec les systèmes de jeu d’Albert Riera. Je suis désolé de le dire, c’est mon club, mais Bordeaux est un club lambda. On ne peut pas faire comme Saint-Étienne qui a vécu pendant des années dans le passé avec les poteaux carrés de 1976 contre le Bayern Munich. Il faut dire que Bordeaux est redevenu un club lambda comme je l’ai connu dans les années 1970 où on jouait le maintien.

Bordeaux est-il capable de jouer le maintien ?

Oui, je pense qu’ils sont en mesure de se maintenir. Il est important de gagner les matchs face à Dunkerque, Bastia et Concarneau. Ils sont capables de le faire.

As-tu souvenir d’un coach avec la même énergie qu’Albert Riera aux Girondins ?

Avec Paulo Sousa et Gustavo Poyet c'était pas mal niveau énergie. Par le passé, Rolland Courbis avait une belle énergie aussi. C’est un coach que j’aimais bien, il était ouvert. Si vous ne compreniez pas ce qu’il voulait faire, il vous l’explique. Avec un confrère de Sud-Ouest et un autre, nous avons été convoqués dans son vestiaire au Haillan pour un schéma tactique. Nous avons eu une explication. C'était très agréable. On ne le voit plus aujourd’hui. Le discours de Courbis touchait ses joueurs. Jean-Louis Gasset a aussi un discours particulier.

“Albert Riera ne rentre pas suffisamment dans le détail de ses choix”

 

Riera croit dur en ce qu’il fait, c’est bien, mais il a mis du temps à s'adapter à son effectif. Finalement, à part entendre que Riera s’en prend à tel ou tel coach, est-ce qu’on parle du jeu de Bordeaux ? Je trouve qu’il n’en parle pas très souvent. Il ne rentre pas suffisamment dans le détail. En tant que journaliste je serais déçu, car il n’y a pas grand-chose à manger. Guion donnait des choses. J’aimerais qu’il nous explique plus ses choix. Pourquoi il se prive de Vipotnik à Annecy ? Pourquoi Vipotnik ne joue pas tous les matchs ? On ne peut pas se priver de cet attaquant. C’est notre meilleur espoir de marquer des buts. Peut-être que s’il nous explique, on ne critiquera plus ses choix.

“Gérard Lopez veut prouver qu’il peut réussir”


Que peux-tu souhaiter aux Girondins pour les 4 mois à venir ?

Le maintien, et surtout un passage devant la DNCG plus agréable et avec moins d’incertitude. Que Lopez, soit vende le club, soit qu’il trouve une aide financière pour relancer le club avec un véritable objectif, une véritable équipe et en finir avec le purgatoire qui va se prolonger une troisième saison. Gérard Lopez veut récupérer de l'argent, mais surtout prouver qu’il peut réussir, c’est pour cette raison qu'il veut rester.

Nicolas Pietrelli

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