Interview : "Le projet de l'AS Saint-Étienne n'est pas clairement défini"

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WebGirondins : quel regard portes-tu sur le début de saison de l'AS Saint-Étienne ?
Tibo d'EVECT : La lecture est un peu difficile, parce qu'on a encore une fois raté notre début de saison, même son on s’est assez vite repris. En effet, on a enchaîné une série de 10 matchs sans défaite, qui nous a amenés jusqu'à la deuxième place. Donc on était dans les clous par rapport à l'objectif du club, qui est de remonter en Ligue 1, comme pour Bordeaux. On se dit à ce moment-là que c'est bon, ce sera peut-être la bonne saison. Et puis derrière, patatras, on enchaîne 5 défaites de suite avec notamment une défaite lors du match des 90 ans devant 35 000 spectateurs face au Paris FC. Ensuite, on a perdu deux joueurs majeurs, Larsonneur et Batubinsika, qui étaient à ce moment-là les deux joueurs qui avaient joué l'intégralité des rencontres depuis le début de la saison, en plus de Stéphane Diarra.
"L'objectif affiché par les dirigeants est de vendre le club rapidement"
Comment se traduit la méforme actuelle de l’équipe stéphanoise
Aujourd’hui, il y a beaucoup moins de rigueur, beaucoup moins de sérieux dans l'effectif, beaucoup moins de solidarité, beaucoup moins de tout. Cette cinquième défaite a été fatale à Laurent Batlles. Depuis sa signature, il y a un an et demi, il a quasiment toujours été sur la sellette. C'est un peu le paradoxe. Aujourd’hui, Olivier Dall'Oglio est officiellement nommé, et il a dirigé sa première séance. Il est le choix du consensus, parce qu’ o a deux actionnaires qui ne sont jamais d'accord sur rien. Aujourd'hui, on a trois décideurs différents. On a toujours Bernard Caiazzo d'un côté, Roland Romeyer de l'autre, plus à la tête du club Jean-François Soucasse. Tout ce beau monde, en général, n'est jamais d'accord sur les choix. Donc, il a fallu trouver un profil qui convenait à peu près à tout le monde. C'est en tout cas le choix qui a fait consensus avec la difficulté de prendre quelqu'un pour six mois avec une option d'un an en cas de montée.
Pourquoi 6 mois de contrat pour Dall'Oglio ?
On met six mois de contrat parce que le club est toujours en vente. L'objectif affiché par les dirigeants est de vendre rapidement, parce que sinon cet été, il faudra remettre de l'argent.
Ce match face aux Girondins est donc très important à cet instant de la saison
On est finalement toujours assez proche de la cinquième place qui peut permettre de jouer la montée. Mais on voit qu'on est à six points du premier relégable, Bordeaux. Donc ça peut aller très vite si ce week-end, on perd. On sait que c'est un championnat de série. Il faut déjà sécuriser notre place et ne pas sombrer au classement.
"Laurent Batlles a toujours dû faire face aux différents courants et aux luttes d'influence à l'intérieur du club"
Est-ce une bonne décision pour le club d’avoir écarté Laurent Batlles ?
Je ne sais pas. C'est compliqué à analyser. Sur le dernier match, on a peut-être l'impression que certains joueurs ont lâché le coach. On avait le sentiment qu'il n'avait plus les ressorts pour de nouveau inverser la tendance. Après, Laurent Batlles, depuis qu'il est là, il a toujours dû faire face aux différents courants au sein du club, aux luttes d'influence à l'intérieur. De plus, à part au mercato d'hiver dernier, le club n'a jamais su répondre à ses attentes et à ses besoins en termes d'effectifs. On s'est plus affaibli que renforcé, à part en défense centrale avec l'arrivée de Batubinsika.
Je vois qu'à Bordeaux, il n'y a pas vraiment eu d'électrochoc avec le changement d'entraîneur. De toute façon, il en faut un. Il faut stopper l'hémorragie. Si on veut réussir à jouer une place dans le top 5, il va falloir absolument se renforcer au mercato et combler les manques qu'on va avoir avec les départs à la CAN. De plus, les cadres ont été défaillants en Coupe de France (l'ASSE a été éliminé, NDLR). Ce n'est pas forcément très rassurant.
Quel est le projet de l’ASSE ?
Le projet, c'était de monter en deux ans. Donc là, on est à un an et demi, et on vient de changer de coach. On fait venir un coach pour six mois, vraiment pour six mois, il a quand même un an d'option si on monte. Mais clairement, comme on compte vendre rapidement c'est compliqué d'y voir vraiment un projet.
Monter c’est un objectif, pas un projet, si ?
L'objectif est de réussir à monter parce que si tu montes, tu vas vendre plus cher ton club. Il y a des négociations qui sont en cours. Il y a deux options, et c'est lié au prix, au fait d'être en Ligue 2 ou de monter en Ligue 1. Au final, dans les faits, c'est compliqué de voir véritablement un projet parce que cet été, encore une fois, on a vendu des joueurs clés qui auraient dû être les piliers de la formation. Si tu avais vraiment cette ambition de monter, ça aurait dû être les piliers. Mais le problème, c'est qu'on a une structure comme Bordeaux qui est très énergivore. On est structuré pour de la Ligue 1. Donc, on a un déficit structurel qui est important, qui nous oblige toujours à vendre.
"On est dans une logique où il faut vendre pour que le club soit pérennisé financièrement"
Depuis des années, Saint-Étienne, c'est ça. On vend chaque année. Il y a eu évidemment Saliba, Fofana, Bouanga, Nkounkou, etc. On est vraiment dans une logique où il faut vendre pour que le club soit pérennisé financièrement. Donc c'est assez dur de lire un véritable projet. Batlles avait porté un projet avec un objectif de jeu, de qualité de jeu. Je pense que l'année dernière, beaucoup reconnaissaient que même quand on n'avait pas de résultat, Saint-Étienne jouait bien, était beau à avoir joué. Batlles a totalement renoncé à ce beau jeu en début de saison. Parce qu'on ne lui avait pas donné les outils. Donc, le projet n'est pas clairement défini.
En t'écoutant, on a l'impression que le projet est de vendre le club
C'est de réussir à monter. Au début, c'était vraiment en s'appuyant sur l’aura de Saint-Étienne. Ils se sont quand même rendu compte au bout d'une saison que l’aura, ça ne suffisait pas. On s'était fait marcher dessus une bonne partie de la première saison. Et après, on a un petit peu réagi. Mais malgré ça, on n'a pas tiré les enseignements.
On avait réussi dans l'urgence à trouver les bonnes personnes pour performer. Je parle de Luis De Sousa qui était chez nous (directeur sportif du Pau FC, NDLR). Il suffit de regarder le travail qu'il fait à Pau. Et cet homme-là était chez nous, on ne l'a pas conservé.
"Le public stéphanois a juste envie de retrouver un club sain, un club ambitieux"
Dernière question, comment les supporters vivent-ils cette situation ?
Il y a une crise entre les supporters et la direction. Il y a un désamour aussi avec le Triumvirat incluant Soucasse, mais aussi avec Loïc Perrin. Il y a une vraie cassure, il y a un dialogue qui est pratiquement rompu. Il y a aujourd'hui une fronde. Lors du dernier match, il y a des messages sur des banderoles qui ont été refusés. Les Green Angels ont quitté la tribune. De plus, il y a eu énormément d'actions au cours des deux dernières saisons. Par exemple, les présidents étaient grimés en clowns par les supporters. Il y a un véritable désamour.
Après comme à Bordeaux, il y a quand même le côté populaire qui est resté. Les supporters ont encore envie. Dès que les résultats sont un petit peu là, l'engouement est présent, il est fort. Il y avait 35 000 personnes pour le PFC. Globalement, on fait quasiment toujours plus de 20 000 spectateurs à domicile. Il y a toujours un engouement autour du club. Il y a toujours ce rêve des supporters de revoir le club en Ligue 1. Je pense qu'aujourd'hui, le public est quand même lassé et fatigué du bazar ambiant autour du club. Il a juste envie de retrouver un club sain, un club ambitieux. Mais je pense quand même que Saint-Étienne, comme Bordeaux, a sa place dans l'élite. C'est ce qu'attend le public. La ville a besoin de ça, d'avoir un club fort, d'avoir un club qui performe, qui est au haut niveau et qui tutoie l'Europe. On a envie de fermer ce chapitre, d'en ouvrir à nouveau en retrouvant de l'ambition. Je pense que c'est vraiment ça, le sentiment que l'on retrouve chez les supporters
N.P