Interview - Pascal Rigo : "J'ai trouvé ce processus de vente des Girondins extrêmement violent"

29/03 - 18:06 | Il y a 1 mois
L’entrepreneur girondin Pascal Rigo est aujourd’hui administrateur du Paris FC, où il peut, grâce à son investissement, mettre en œuvre sa vision d’un club de football. Cet homme d'affaires hyperactif détaille pour WebGirondins son action dans le club parisien avec des projets innovants. De plus, il revient sans détour sur l’été 2021 et sa participation au processus de rachat des Girondins. Il dresse aussi le bilan de l'ère Gérard Lopez à Bordeaux.
Interview - Pascal Rigo : "J'ai trouvé ce processus de vente des Girondins extrêmement violent"

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WebGirondins : Bonjour, Pascal, comment allez-vous et quelles sont vos activités aujourd'hui ?

Pascal Rigo : Je vais très bien. Je deviens le nouvel administrateur du fonds de développement de la boulangerie-pâtisserie en France, c’est une grosse responsabilité avec 34 000 boulangers et 30 millions de consommateurs au quotidien. Je vais essayer de les aider dans la reconnaissance du métier et le lien avec le monde agricole. C’est un métier et un écosystème que j'adore. J’ai finalement trouvé ma voie à gros impact en France. Parallèlement, j'ai une entreprise qui aide les boulangers à ouvrir leur second magasin dans la grande distribution, et j’ai une petite entreprise du côté de Bordeaux. Nous avons des boulangeries (Cap Ferret, Bacalan, Cauderan, Fondaudège) avec des spécialités régionales comme la Maison Seguin. C’est en profit partagé. C’est une façon de redonner à ma région (Pascal Rigo est originaire de Paillet, près de Cadillac en Gironde, NDLR). Puis, 10 à 20 % de mon temps est consacré au Paris FC. Je ne m’ennuie pas (rires).

"J’essaye d’imaginer un club de football un peu différent de ce qui existe aujourd’hui"

 

Quelle est votre motivation pour investir dans un club de football en France ?

C’est assez simple et fort à la fois. J’essaye d’imaginer un club de football un peu différent de ce qui existe aujourd’hui. Il y a tout un écosystème du football que j’adore. Nous voulions aller plus loin au Paris FC, comme donner l’accès libre au stade, y compris à des gens qui restent devant leur télé, qui ne participent pas ou plus à des moments d'émotions collectives, et qui ne font plus partie d’une communauté. De plus, nous avons facilité avec Rai le Socrates Humanitarian Award à l’intérieur de la cérémonie de remise Ballon d’Or pour remercier les footballeurs qui s’engagent le plus dans leur quotidien. On n’en parle pas assez.

Enfin, je trouve aussi que les joueurs des centres de formation font partie des jeunes les plus matures qu’on puisse trouver dans notre société. Ils parlent plusieurs langues, et ils ont des responsabilités incroyables sur leurs épaules dès leur plus jeune âge. Ils ne savent pas si le dimanche ils vont retrouver leur poste de travail. Eux, cela va dépendre de ce qu’ils ont fait pendant la semaine. C’est aussi se servir du sport le plus populaire du monde pour être un porte-voix territorial et de valeurs à ne pas oublier dans un sport où il y a beaucoup d'argent aujourd’hui.

Dynamiser le football féminin également ?

J'adore aussi le football féminin. Lorsqu'on cherche le foot féminin sur l'application de L'Équipe, on ne le trouve pas facilement. Comment les mettre en première page ? Est-ce que les filles pourraient jouer avant les garçons en instaurant des matchs d'ouverture ? Il y a tout un tas de choses à faire autour du foot qui m'intéresse. J'y vais doucement avec mes moyens, et c'est intéressant. Essayer de mettre en application certaines valeurs ce sont les raisons qui m’ont poussée à m’investir dans un club.

Et concernant les Girondins c'était plus émotionnel que pour le Paris FC, c’est normal, car c’est mon pays, mon territoire. C’est là ou j’ai vu pour la première fois une pelouse de football professionnel ! La première chose que j’ai vue en arrivant à Lescure avec mon père, je devais avoir 7-8 ans, c’est le rectangle vert. C'était extraordinaire.

"Le Paris FC est le premier club au monde à faire l’accès libre au stade sur toute une saison"

 

Quelles sont les idées que vous avez mises en pratique au Paris FC depuis votre arrivée en 2022 ?

Par exemple, l'accès libre au stade, nous avons été le premier club au monde à le faire sur une saison complète. Environ 40 000 personnes supplémentaires sont venues voir les matchs du Paris FC grâce à cette gratuité. On ne se rend pas compte de la détresse économique d’un certain nombre de nos concitoyens. On s’assoit sur une partie de la billetterie, mais on récupère tellement de partenaires intéressés pour donner l'opportunité à ces gens de partager des moments d'émotion, de faire partie d’une communauté. On a réussi à embarquer toutes les équipes. Cela a multiplié par 5 ou 6 la fréquentation de Charlety. On a fait le premier match à guichet fermé du Paris FC avec plus de 20 000 personnes cette année. Ce sont de petites victoires que j’adore partager.

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@iconsport Stade Charlety supporters

Est-ce qu'il y a d’autres innovations à venir ?

On va créer la plus grosse friterie gratuite du monde à partir du mois de septembre à l’intérieur du stade. Nous faisons aussi la Lucarne d’Évry à tous les matchs. C’est génial. On s’amuse beaucoup et on les aide à développer leur modèle. On travaille sur des innovations et sur l’expérience du spectateur.

"Être le mieux placé pour essayer de monter en Ligue 1"

 

Quel est le projet du Paris FC cette saison ?

Comme toutes les saisons, gagner le maximum de match et être le mieux placé pour essayer de monter en Ligue 1. C’est notre sujet et notre envie pour cette année. On n'a pas été gâté en ne pouvant pas jouer à domicile en début de saison (à cause de la pelouse, NDLR). En outre, on a été handicapé par les blessures (Chergui, Hamel, Gueye, Lasne). Ça a permis à des jeunes de s’affirmer. Il reste 9 matchs, ce championnat est complètement fou, car tout le monde peut battre tout le monde. On a de l’espoir.

"On ne serait jamais descendu en Ligue 2, car on aurait eu le bon discours. On aurait été présent"

 

En 2021 votre nom était associé à un projet de reprise des Girondins de Bordeaux, quel souvenir gardez-vous de cette période ?

De très mauvais souvenirs. C’est sûrement le plus mauvais souvenir de ma vie professionnelle. C'était un secteur d'activité que je ne connaissais pas. Il y a une violence et un manque d'éthique de la part de tout le monde : banquier d'affaires, mandataires, et de toutes les personnes qui ont fait partie de cette aventure. Personne n’est capable de tenir sa langue, il faut absolument donner des informations aux journalistes... J'ai trouvé ce processus extrêmement violent. Cela m’a marqué pendant longtemps, et même encore un peu aujourd’hui. J'étais peut-être un petit peu fleur bleue. Je pensais que le meilleur dossier, comme toujours dans ma vie professionnelle, l’emporterait. Cela n’a pas été le cas. C’était une énorme déception, car on avait un super groupe, une vraie stratégie. On investissait dans une quinzaine de clubs régionaux. C’était investir de l'argent en faisant monter en compétence et en niveau de football toute une région. Car lorsqu’on est le club phare d’une région, il faut amener les clubs et les joueurs à un niveau de compétence supérieur. On faisait ça avec d’anciens joueurs des Girondins très connus.

Néanmoins, il fallait se séparer de 50% des gens qui travaillaient au Haillan, ça ne plaisait pas au mandataire, il fallait payer 1,4 M€ de loyer et pas 4,9M€, on avait négocié tout ça. On avait même un accord verbal avec la mairie pour le rachat du Haillan. On était bien parti. On pensait qu'on avait le meilleur projet possible. On a eu la faiblesse de penser qu'on pouvait s’associer avec Gérard Lopez. Finalement, il a tout accepté (les conditions du vendeur, NDLR), et a déposé un dossier tout seul. Le raccourcissement du délai de due diligence (vérifications nécessaires, NDLR) nous a coupé l'herbe sous le pied.

"Énormément de regrets quand je vois ce qu'il se passe aujourd'hui"


Avez-vous des regrets ?

Énormément. Surtout quand je vois ce qu’il se passe aujourd’hui. Sans jeter la pierre à quiconque, car cela reste du sportif avec toutes ces incertitudes, on ne serait jamais descendu en Ligue 2, car on aurait eu le bon discours. On aurait été présent. Pour les matchs les plus importants, on aurait dû être 40 000 dans le stade face à Lorient (0-0) et inviter tout le monde, créer une dynamique pour la saison suivante. Finalement, le match se joue avec des banderoles assassines, un président absent, et les joueurs font le boulot à moitié. Je suis persuadé que nous ne serions pas descendus en Ligue 2. Aujourd’hui, je suis triste de voir les féminines, l’équipe professionnelle, de voir la situation du centre de formation, de voir l’état dans lequel se trouve le Haillan, d'observer la relation entre les Girondins et les clubs de la région.

Après 3 ans de présidence de l'homme d'affaires Gérard Lopez, quel regard portez- vous sur son action aux Girondins de Bordeaux ?

Si on s’attache aux chiffres, on est 13e de Ligue 2, l’équipe féminine va descendre en Division 2, la réserve n’est pas loin de descendre, l'effectif et le centre de formation ne valent plus grand-chose. Il y a des dettes abyssales. Aujourd’hui, le club pense à ajouter des dettes supplémentaires, si on remet 30 ou 40M€ de dette dans ce club, il va se retrouver avec une dette supérieure à celle présente au moment où Frédéric Longuépée a mis le club sous la protection du tribunal de commerce (avril 2021, NDLR).

"Qui veut être actionnaire minoritaire avec Gérard Lopez aujourd’hui ?"

 

Cette situation est affolante

Je vous garantis que je ne suis pas loin de la réalité. Il y a les loyers du stade , les dettes fournisseurs, le déficit de la saison, la dette au propriétaire, la dette Fortress et King Street, la réserve pour Vladimir Petkovic. Qui veut être actionnaire minoritaire avec Gérard Lopez aujourd’hui ? On peut se le demander. Les partenaires intéressés pour devenir minoritaires regardent deux choses : premièrement le côté financier et économique de la société, et deuxièmement les états de service des gens avec lesquels ils veulent s’associer. Lorsqu'on accepte d’être minoritaire, on regarde à deux fois avec qui on s’associe. Je ne dis rien que personne ne sait, simplement beaucoup de gens ne le disent pas.

Dans le football, il faut s’impliquer, il faut être là, présent, et donner de sa personne. Pierre Ferracci, le président du Paris FC, n’a pratiquement jamais manqué un match de son équipe à domicile comme à l’extérieur depuis qu’il est aux commandes du club. Le football, ce sont des gens qui donnent tout ce qu'ils ont pour un club et une région.

"Diriger un club de football, c'est s’impliquer et être là au quotidien. Il faut donner de sa personne, et pas simplement signer des chèques"

 

Est-ce que vous vous dites que vous auriez fait mieux si vous aviez pris le contrôle et la direction des Girondins de Bordeaux depuis 2021 ?

J’en suis persuadé pour plusieurs raisons. Déjà avec de l'empathie et un amour pour la région et le club. Diriger un club de football, c'est s’impliquer et être là au quotidien. Il faut donner de sa personne et pas simplement signer des chèques. C’est la seule façon de réussir. Je suis persuadé que nous aurions fait beaucoup mieux avec l’équipe que nous avions. Ça peut paraître comme un manque d’humilité, peut-être. Mais, j’ai fait pas mal de choses dans ma vie et je me suis rarement trompé.

Le Paris FC va affronter les Girondins samedi soir pour la 30e journée de Ligue 2, est-ce particulier pour vous de jouer contre Bordeaux ?

Non, je ne serais pas au stade ce samedi. C’est un match comme les autres. Il reste 9 matchs de Coupe pour nous. On va essayer d’être les meilleures possibles, comme d’habitude, de tout donner. Je suis tendu, car c’est la fin de la saison et on aimerait bien faire les playoffs. Bordeaux est un match comme tous les autres pour nous. Je le regarderai à la télévision comme un actionnaire du Paris FC.

Propos recueillis par Nicolas Pietrelli