Bordeaux : une saison à l’envers

03/06 - 12:57 | Il y a 1 an
Billet d'humeur de Samuel Vaslin, journaliste.
Bordeaux : une saison à l’envers

© Iconsport

Ça y est, c’est (presque) fini. Bordeaux ne retrouvera pas la Ligue 1. Depuis le 25 juillet 2022 et le cadeau du Comex, Bordeaux n’avait qu’un seul adversaire, lui-même. L’incident d’hier en est le triste symbole. Dans une Ligue 2 au niveau général assez faible, avec des moyens humains et financiers bien supérieurs à la grande partie du championnat, et en ayant très bien démarré la saison malgré l’été ultra-mouvementé et un contexte horrible, ne pas monter est plus qu’un échec, c’est une faute.

Il suffit de regarder les promus, ceux qui ont pris la place des Girondins. Commençons par Le Havre, qui démarre la saison sans moyens, mais avec des idées, incarnées par du sang neuf dans le football (Mathieu Bodmer, Julien Momont). Un coach (Luka Elsner) choisi pour tirer le maximum de son groupe, avec comme ligne de mire un projet de jeu et surtout un projet club. Comme quoi… l’argent ne fait pas le bonheur dans le foot. En revanche, prendre du plaisir ensemble sur un terrain y contribue largement.

Metz maintenant… qui a démarré sa saison en décembre, avec un effectif bien plus triste que les Girondins et un coach tellement recyclé qu’il pourrait plaire à Pierre Hurmic, a su construire autour d’un talent incroyable, Georges Mikautadze. Oui, ça aide d’avoir le meilleur joueur du championnat, faut-il tout de même savoir l’encadrer et le mettre dans des conditions optimales pour en tirer le meilleur. Oui, ces 2 équipes ont bien mieux bossé que Bordeaux, dont le coach a confié les clefs du jeu à Fransergio, un joueur qui a littéralement manqué de respect au club pendant un an en Ligue 1 et qui s’est octroyé le droit d’être concerné 1 match sur 5 en Ligue 2… avec un crédit illimité.

David, la tête dans le Guion


David Guion, sûrement la plus grosse déception de cette saison. Pourtant, son travail et sa gestion du terrible été 2022 étaient quasi parfaits. Il a su garder un groupe concentré, soudé, avec (enfin) l’incorporation des jeunes talents du centre, qu’on snobait depuis des années malgré leur réussite dans les grands championnats européens. Avec ce mélange, Guion a créé un collectif scolaire, mais solide pour démarrer la saison. Et le départ « canon » en championnat symbolise la victoire de sa méthode. Dommage, ce sera la seule fois de la saison. Car derrière, la boutique tactique de Guion a baissé le rideau jusqu’à mi-mars.


Dès l’arrivée ou plutôt l’officialisation des recrues (le 31 août à 23h50 quoi, la patte Gérard) comme Barbet et Nsimba, combiné à la renaissance de Maja et les débuts intéressants des jeunes talents comme Bakwa-Zuriko, le coach bordelais s’est assis sur ses acquis. Un plan A et c’est tout. Si ça marche, c’est bien. Si ça ne marche pas… il n’a pas de solutions. Que de points perdus de cette façon avant la Coupe du Monde et au retour de la trêve avec une gestion effrayante des 2e mi-temps et un coach qui ne réagit jamais. Le premier match où Guion a décidé d’être maître de son match malgré un scénario compliqué, c’est à Amiens. Et bizarrement… ça gagne.

Et pourtant, que ce soit sa direction ou même une grande partie de ses supporters, aucune remise en question de ses idées et ses choix. Pas étonnant que lui n’ait pas cherché à se remettre en question non plus, ni une partie de ses cadres. Pourtant… il a fallu attendre 6 mois pour voir un Ignatenko, cataclysmique à chaque match, faire un tour sur le banc. On en a déjà parlé plus haut, mais considérer Fransergio comme le joueur qui va dicter le tempo de ton équipe… il faut être un kamikaze ou otage de sa direction pour faire un tel choix.

À l’inverse, les jeunes qui ont tenu la baraque (Ekomie, Delaurier-Chaubet) ou qui apportent du talent et de la fraîcheur en fin de match (Pirringuel, De Lima) disparaissent sans raison. Quelle hypocrisie de nous avoir fait croire que le projet s’articulait autour d’eux. Mais ce n’est pas grave, comme Nsimba et Barbet, ils reviendront dans 10 ans au club, quand ils auront réussi ailleurs.

La gestion de la saison parle d’elle-même pour faire le bilan de Guion. Départ canon, bien géré et ensuite ? Quel jeune termine mieux la saison qu’il ne l’a commencé ? Aucun. Mwanga et Bokele sont cramés, la tête de Bakwa est à Lorient depuis janvier, Poussin a explosé dans sa coquille. Le reste… sur le banc ou en réserve.

Fransergio, le symbole de l’échec


S’il y a bien un joueur qui incarne le bilan mitigé de Guion cette saison, c’est Fransergio. Ce mystère footballistique, qui peut se targuer d’avoir un ratio embrouilles avec les supporters/bons matchs aux Girondins à l’équilibre.

D’ailleurs, l’attitude de Guion vis-à-vis de « Fran » cette saison a été assez drôle, ou désolante, tout dépend de votre humeur. À chaque conf de presse, cette volonté de nous rappeler qu’il est ultra-important, qu’on n’y comprend rien, qu’on n’est pas coach, limite c’était Yaya Toure prime à City. Ce combat inutile, pour ne pas se désavouer, pour faire plaisir à un joueur qui s’en fout. C’est tellement symbolique de la gestion de cette équipe, de ce club.

«AirFranse» (ne prenez jamais cette compagnie) qui se permet de venir donner la leçon et faire des combats sur Twitter avec les vrais supporters de ce club. Le seul combat des supporters, c’est Bordeaux et son rayonnement. Et pour les supporters, il dure toute une vie. Donc monsieur Fransergio, vous qui disiez ne connaître que le bon de notre belle ville et région, votre seul droit dans ce club, c’est de la fermer et de faire votre boulot.

Lopez et Lopes, seuls two


Ensuite, parlons du duo comique à la direction du club, les Eric et Ramzy de Wish, nos 2 illusionnistes. Lopez et Lopes. Gérard et Admar. Un numéro incroyable, entre celui qui se trompe de comptes sur Twitter pour insulter les arbitres (NDLR L'entourage du président a indiqué qu'il a dénoncé le piratage de son compte et qy'ul va poursuivre ces auteurs), qui porte plainte contre un « supporter » qu’il connaît très bien, et l’autre qui perd son passeport, le spécialiste de la poudre… aux yeux, bien sûr.

Premièrement et sincèrement, je trouve que l’été de Gérard Lopez l’an dernier a été plutôt cohérent, même s’il avait sa part dans la situation et la relégation. Mais dans une situation de crise profonde, il a mis les sous, il a porté le combat et a « réussi » sa mission : sauver le club. Et derrière ? Il a bombé le torse comme s’il avait gagné la C1 et a voulu rester l’homme qui contrôle tout. Exit l’idée d’avoir un vrai président à ses côtés, il a refait les mêmes erreurs que l’année d’avant, que ce soit en termes d’ingérence dans le vestiaire, de copinage avec les ultras, l’incident d’hier est en partie son œuvre.

Je vous épargne la liste de ses sorties catastrophiques cette année. Toujours à des moments stratégiques (Le Havre, Annecy, sa note vocale surjouée avant Rodez…) toujours avec un effet néfaste derrière. C’est drôle, lui qui pense que la terre entière veut le tuer, il le fait très bien tout seul. Le comble de l’ironie.

Concernant Admar, ses mercatos sont mitigés. De trouvailles intéressantes (Pitu, Zuriko), mais aussi des échecs (Michelin, Lossl qui n’a jamais signé) et des lacunes criantes (n’importe quel amateur de foot savait qu’il manquait un milieu créateur à cette équipe) jamais corrigées. Et je ne parle même pas du passeport gate… enfin si on va en parler quand même. Comment tout un club n’a pas pu se soulever contre cet homme quand il a osé nous sortir cette excuse ?

Les joueurs, merci pour ce moment !


Un point positif cette saison : le groupe. Il y en a beaucoup que je veux remercier pour leur performance et leur attitude. Barbet, Gregersen, Maja, Nsimba font une saison de patrons. N’importe quels observateurs des Girondins avaient envie de voir ces mecs monter en Ligue 1. Mention très spéciale aussi à Junior Mwanga, la vraie pépite de la saison, peut être le joueur le complet parmi les talents sortis par Bordeaux depuis plusieurs années. Mais le pauvre… quand Guion s’est rendu compte que son défenseur central était techniquement bien au-dessus de tous ses milieux, Junior a été baladé partout… pas étonnant de le voir cramé au mois de mai.

Je voudrais aussi saluer la saison très honnête de Bokele, Bakwa, les recrues Zuriko et Pitu.

Le reste de l’effectif n’était, soit pas au niveau pour une équipe qui veut monter en Ligue 1 (Ignatenko, Lacoux, Poussin, Sissokho à cause de son physique) soit placardé sans raison (les jeunes).

Avertissement Travail


La déception l’année (et la gestion des jeunes en est le meilleur exemple), c’est que Bordeaux n’a pas assez travaillé. Dès la trêve de décembre, Guion aurait dû préparer la Ligue 1, proposer des variations dans son système, corriger ses lacunes, incorporer des jeunes talents qui avaient fait leurs preuves (Pirringuel qui sauve les fesses de l’équipe contre Pau). Il n’en est rien. Le plan A et basta. Bordeaux a pris le risque d’être sur un fil jusqu’à Annecy, et le fil a craqué.

L’inconnu, encore…


Maintenant, un nouvel été de galère. Bordeaux a une grosse dette, suffisamment importante pour pénaliser l’effectif, voir son avenir. Le tout combiné aux achats obligatoires (Michelin, Badji, Zuriko)… le souffle de la DNCG va chauffer le cou des Girondins pendant tout l’été. L’avenir est encore flou ce matin, mais une chose est sûre : il est temps pour les responsables des 2 plus grands échecs du club (en seulement 23 mois de présidence) de quitter leur poste. Bordeaux doit avoir un actionnaire et un président, pas les deux en même temps. Ce sera à lui de choisir et gérer les besoins de la direction sportive et du coach, qui doivent impérativement être changés aussi.

Il ne serait pas concevable que Bordeaux conserve, pour une deuxième année consécutive, ses bourreaux à la tête du club et de l’équipe première.