Carnet d’entraînement : Oppositions hors confort

14/02 - 16:41 | Il y a 8 ans
Carnet d’entraînement : Oppositions hors confort

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Mercredi 14 février 2018 - Le Haillan : Pluie battante et incessante, froid et long footing étaient au programme pour les joueurs Girondins avant d’enchaîner des oppositions de styles différents. Pendant deux heures, les Bordelais du FCGB ont mouillé le maillot au sens propre comme au figuré.

 

Les espaces verts entre les terrains du centre d’entraînement des Girondins de Bordeaux commencent à se transformer par endroits en mini-marécages. Le temps n’est pas festif. La pluie tombe drue, le vent s’invite parfois dans la partie, et le froid vient renforcer la sensation désagréable provoquée par l’humidité permanente. Le terrain principal des professionnels couvert de plots à différents endroits s’apprête lui à être préservé des crampons des joueurs et à se reposer après un entraînement la veille. Portail grand ouvert, camionnette de location pour transporter le matériel à quelques mètres de là dans la diagonale, pas de doute, les Girondins vont délocaliser leur entraînement sur l’un des terrains voisins qui sied bien à Gustavo Poyet depuis son arrivée. Près de l’entrée, quelques coupelles bleues et blanches délimitent des zones de jeu, dans le sens de la largeur. Quelques mètres plus loin, ce sont des coupelles oranges qui les imitent. Encore un peu plus loin, quatre mini-cages légères, deux par deux et face à face, forment un petit terrain de jeu près de la main-courante. 

 

Franck Chaumin est le premier à pénétrer sur le terrain d’entraînement sous le regard d’une bonne quinzaine de spectateurs, cachés sous des parapluies. L’entraîneur des gardiens ne traîne pas et rejoint l’autre côté du terrain, suivi rapidement par ses gardiens apportant des petites haies pour travailler les appuis. Les joueurs de champ arrivent successivement, accompagnés du staff technique. Les bonnets sont de sortie, les cache-cous ne sont pas encore à ranger au rayon des souvenirs, et Jules Koundé, capuche bien serrée autour de la tête, ne semble pas réchauffé. Gustavo Poyet est lui aussi emmitouflé. « Gaëtan, viens. S’il vous plaît… » L’entraîneur bordelais appelle Gaëtan Laborde et quelques joueurs, les enjoignant à aller récupérer des buts de taille moyenne sur le terrain en face sur lequel s’entraîne l’équipe réserve. Après un temps de réflexion, le coach bordelais rappelle ses joueurs déjà prêts à amener le matériel : « Venez, venez, on le fera après. » Le groupe s’est concentré au milieu du terrain. Valentin Vada, emmailloté dans son k-way, le visage sortant à peine de la capuche, sautille pour se réchauffer . Derrière lui, Cafu bouge aussi tout en fronçant les sourcils face au petit vent lui projetant de la pluie au visage.

 

Pierre Espanol prend la parole : « Allez, avec moi. Restez bien ensemble. » Les joueurs, telle une vague bleue marine, prennent la poudre d’escampette avec leurs coachs et sortent du terrain pour entamer un footing. Sur le pré, plus personne ou presque. Les gardiens poursuivent leur échauffement tandis qu’un enfant habillé d’un survêtement des Girondins, qui était arrivé en même temps que le groupe et avait suivi Mauricio Taricco, s’amuse avec son ballon à jongler et à parcourir le terrain. Les joueurs qui passent près de la main-courante s’esclaffent malgré la pluie incommodante. Du côté des gardiens, un circuit est organisé. Trois petites haies légèrement arquées et décalées sont disposés devant le but, et chaque gardien à tour de rôle saute par dessus chacun des obstacles latéralement avant de capter un ballon à deux mains. Haut de survêtement bleu marine sur les épaules et short en bas, Igor Lewczuk fait son apparition sur le terrain en compagnie de l’un des kinés du club. L’international polonais s’échauffe à coups de passements de jambes dans le vide, de balancements de jambes en l’air - l’une après l’autre - et de petits pas sans ballon. Le défenseur central bordelais commence ensuite à toucher le ballon avec des jongles et monte légèrement en pression. Sous l’impulsion du kiné, l’ancien défenseur de Varsovie mime une défense en reculant à bases de petits appuis et réédite l’exercice avec le ballon en face de lui, dans les pieds de son adversaire du jour. Le visage du joueur bordelais ruisselle, un nuage de vapeur sort de sa bouche à chaque expiration.

 

Les gardiens poursuivent leur entraînement particulier. Après un passage entre deux mannequins, un ballon est capté puis rendu à deux mains, une frappe de près à ras de terre est repoussée instantanément avant de se relever, de se décaler, et de se coucher sur une nouvelle frappe rasante venant d’un coéquipier excentré et plus éloigné. Sur l’un des ballons capté par Poussin, Franck Chaumin s’approche, comme pour simuler l’arrivée d’un attaquant qui roderait pour récupérer un ballon relâché. Après avoir fait les cent pas avec son ballon, l’enfant d’une dizaine d’années présent sur la pelouse est trempé par la pluie et semble s’ennuyer. Igor Lewczuk vient de quitter le terrain et repart vers le centre professionnel pour se mettre au chaud. Le groupe est parti courir depuis une bonne vingtaine de minutes et se fait inlassablement attendre. Les caméras patientent elles aussi au bord du terrain, protégées de la pluie par des toiles spéciales. Les supporters calfeutrés derrière leurs cirés et manteaux se demandent même s’ils reverront les joueurs aujourd’hui. Mais le groupe refait son apparition, arrivant depuis le château à foulées soutenues. Fernando Menegazzo se dirige directement vers le terrain annexe pour récupérer les fameuses cages espérées par Gustavo Poyet et les porte directement sur son dos. Pendant que la plupart des joueurs enfilent des crampons oranges fluos ou blancs et rouges à l’entrée du terrain après avoir laissé leurs baskets de course à pied, Martin Braithwaite est déjà sur la pelouse et échange des passes en une touche de balle avec l’enfant en survêtement des Girondins.

 

Mauricio Taricco installe quelques chasubles sur l’une des mini-cages. Un coup de sifflet donné par Gustavo Poyet retentit suivi d’un « vamos » incitant les joueurs à se mettre rapidement en place. À l’opposé des spectateurs, des ballons jaunes fluos sont alignés, devant la main-courante. Des binômes déjà constitués de mettent en place. Les joueurs doivent se faire des passes de face en une touche. Les positions sont rapprochées. On retrouve des duos par affinités : Lerager et Meïté travaillent ensemble au même titre qu’Otavio et Pablo ou Baysse avec Pellenard. Gustavo Poyet, un peu à l’écart de l’exercice semble s’agiter et fait une demande à Fernando qui vient de terminer de positionner les deux cages sur une partie de terrain non-loin des joueurs. Les binômes se font des passes en jongles avant de prendre leurs distances au coup de sifflet de Maurico Taricco et de se faire des passes longues. Les joueurs sont trempés et leurs vêtements leur collent à la peau. Un nouveau coup de sifflet retentit et les professionnels fusent comme des enfants enthousiastes pour se positionner au niveau des diverses coupelles près de l’entrée du terrain. Deux joueurs chasubles jaunes à la main sont positionnés au centre de chacun des trois groupes, prêts à tenter d’intercepter le ballon du premier tour de toro. Baysse, Koundé et Pellenard  qui sont dans le même groupe ont le sourire accroché aux lèvres.

 

Le jeu débute sous l’impulsion de Gustavo Poyet. « C’est ça, oui, bien. » L’entraîneur girondin essaye d’impulser le rythme. La fine pellicule d’eau présente sur les ballons à chaque frappe rend les passes plus lourde, laissant s’envoler un bruit légèrement sourd et caractéristique. « Pas de ballon arrêté les garçons » demande Pierre Espanol. « Ah lala » s’exaspère Pablo devant un ballon qui file sous son nez sans pouvoir le contrôler correctement. Le défenseur central brésilien prend la place au centre. « Allez, encore, on n’arrête pas » insiste Pierre Espanol, l’un des entraîneurs adjoints de Gustavo Poyet. Le groupe est au complet, seul Younousse Sankharé manque à l’appel et les jeunes Youssouf ou Tchouaméni sont également présents. Lerager, Meïté, Plasil, De Préville ou encore Braithwaite travaillent ensemble, à l’instar de Vada, Malcom, Poundjé ou Otavio. Gustavo Poyet, cahier à planche en main, navigue et reste peu de temps sur le même groupe de joueurs. Pablo qui est de retour au centre du toro s’essuie le visage avec la chasuble. « Bien joué olala » s’enthousiasme Pierre Espanol devant un redoublement de passes en une touche entre Baysse et Koundé. Gustavo Poyet siffle et décrète la fin des toros.

 

Les joueurs se regroupent rapidement et se partagent deux terrains : celui réduit près de la main-courante avec les quatre mini-cages, et celui plus important dans la diagonale où les deux cages de taille moyenne se font face. Théo Pellenard se challenge avec Paul Baysse et tente de trouver une petite cage de loin. Le ballon du jeune joueur bordelais ne trouve pas le cadre et termine dans les pieds d’un spectateur. Sourire aux lèvres plein d’auto-dérision, le défenseur bordelais s’excuse auprès du supporter. Pierre Espanol et Mauricio Taricco supervisent le match qui débute rapidement au niveau du petit espace de jeu. Le groupe des chasubles blancs composé de Lerager, Meïté, Laborde et Otavio affronte Baysse, Pellenard, Sabaly et Braithwaite. De Préville, chasuble jaune sur le dos, joue le rôle de joker et change d’équipe après chaque but. Sans être engagé physiquement, le jeu est animé, notamment par un Paul Baysse qui replace sans cesse. « Ça vient Nico, encore » avertit l’ancien joueur de Malaga. « Paulo ça vient » exprime un Sabaly lui aussi bavard. Braithwaite marque coup sur coup dans les deux cages qui lui font face après deux actions consécutives menées à leur terme par son équipe. Mauricio Taricco décrète une pause et donne quelques consignes en Espagnol que Baysse s’empresse de faire comprendre à ses coéquipiers.

 

Sur l’autre zone d’affrontement, trois équipes sont en compétition. Quand l’un des trois groupes de joueurs n’est pas concerné par l’opposition, les éléments de ce dernier se répartissent de chaque côté et servent de jokers. Deux goals gardent les cages, et un gardien derrière les buts, de chaque côté, sert de point d’appui et ne peut remiser qu’au pied. Le jeu ne s’arrête pas, et Malcom a à peine le temps de donner une accolade à Kamano pour le féliciter d’un bon mouvement qu’une action est déjà en route. Gustavo Poyet siffle et Plasil, Contento, Tchouaméni, Malcom, Koundé, Kamano, Poundjé et Vada qui endosse le rôle de joker rejoignent l’espace avec les quatre mini-buts, échangeant leurs places avec les équipes de Paul Baysse et Lukas Lerager. Gustavo Poyet qui a quitté la zone d’affrontement avec gardiens et a suivi ses joueurs sur la petite surface d’opposition arrête le jeu dès les premiers temps. L’ancien entraîneur de Brighton prend le ballon et donne des consignes : « Si tu ne peux pas jouer, tu reviens derrière, mais ensuite tu vas là, ou là. » Le coach bordelais montre les ailes à ses joueurs, les incitant à repartir proprement avant de lancer le jeu rapidement. L’opposition reprend, et Gustavo Poyet change une nouvelle fois de poste d’observation. L’entraîneur bordelais se place au niveau du match avec gardiens et voit Braithwaite, servi dans un petit espace par Meïté, frapper dans les jambes de Mandanda. « Bien joué Over » se réjouit Franck Chaumin placé à quelques mètres de là. Mais dans la continuité de l’action, côté opposé, Lerager passe à Braithwaite sur la même ligne et l’ancien toulousain marque d’une frappe croisée. 

 

Retour sur le jeu entre les quatre mini-cages. Malcom frappe en force et son ballon part s’aventurer en dehors du terrain. Des enfants frigorifiés et accablés par la pluie se réveillent et partent à la recherche du ballon perdu. Les abords du terrain se sont petit à petit écrémés, les spectateurs ayant été découragés par la morosité du temps. Sur l’autre terrain d’opposition, les joueurs bataillent rudement. Otavio supplée Poussin et sort un ballon sur sa ligne. Sabaly et Braithwaite se tirent les maillots et se poussent pour la conquête d’un ballon. Un énième coup de sifflet vient clôturer les petits matchs. Après un temps de décontraction, voyant Paul Baysse et Benoît Costil quitter ensemble le terrain d’entraînement à petites foulées pour ne pas s’éterniser sous la pluie, la majorité du groupe gagne l’opposé du terrain. Deux cages de tailles normales se font face sur un terrain réduit. Deux équipes s’affrontent et l’équipe qui encaisse un but quitte le terrain pour affronter l’équipe qui patiente sur le côté avec Gustavo Poyet et ses adjoints. Le jeu commence par un but de Malcom d’une frappe sèche. François Kamano, dans l’équipe adverse, tente une frappe enroulée qui semble partir directement en lucarne mais Prior décolle et enlève le ballon de sa main opposée. Tchouaméni sauve sur sa ligne une frappe de Malcom.

 

Diego Contento prend sa chance de loin d’une grosse frappe contrée qui termine sur la barre. Les gardiens Prior, Poussin et Mandanda donnent de la voix. Les joueurs, peut-être lassés par la pluie discontinue, se font discrets. Jaroslav Plasil attaque balle au pied et voit Braithwaite au deuxième poteau. La passe de l’international tchèque termine dans les pieds de son partenaire qui marque de façon sûre. L’équipe adverse réplique et malgré un tacle désespéré de Youssouf pour empêcher le contre, le ballon revient sur Cafu qui marque d’une frappe sèche du pied droit qui ne laisse aucune chance à Poussin. Les joueurs sont consciencieux et continuent sans se décourager. Lerager plein axe décale Laborde en une touche. L’attaquant bordelais trouve instantanément Malcom au deuxième poteau lequel marque à la façon de Braithwaite un temps plus tôt. Valentin Vada, dans l’équipe opposée, enrage. 

 

Très en forme face aux buts, Martin Braithwaite, plein axe, décoche une lourde frappe du pied gauche qui rentre près du poteau de Poussin. Aurélien Tchouaméni vient au duel avec Plasil, les deux joueurs tombent dans le mouvement, mais le jeune joueur formé à Bordeaux s’impose physiquement et repart balle au pied. L’équipe des jaunes qui a perdu est invitée à rejoindre les vestiaires. Malcom reste malgré tout quelques instants pour regarder la fin du match. « Allez ne traînez pas » exhorte Pierre Espanol qui ne veut pas que ses joueurs prennent froid après avoir produit des efforts sous le déluge. Lukas Lerager, amusé par le match et quelques boutades de ses partenaires, finit par prendre la direction de la sortie du terrain. Trois coups de sifflets viennent signer la fin de l’ultime opposition. « Merci coach. » Souhalio Meïté interpelle Gustavo Poyet avec le sourire, le remerciant visiblement d’avoir tranché une décision en faveur de son équipe. Les joueurs, souvent prompt à rester pour frappes des coups-francs, des pénaltys, ou pour allonger des ballons, s’activent pour ranger les cages et quitter au plus vite le terrain. Seul Martin Braithwaite prend son temps malgré la pluie, encore et toujours tenace, et rejoint un enfant qui était resté avec son grand-père en bord de terrain. Le petit garçon, deux petits drapeaux danois dans les mains, est interpellé par l’international girondin. Accoudé à la main-courante, l’ancien toulousain discute en Danois avec l’enfant, émerveillé de partager ce moment simple et privilégié avec l’attaquant professionnel qui ne manque pas d’échanger aussi quelques mots avec le grand-père de l’enfant. Après une séance rendue âpre par les conditions météo mais aussi par la densité proposée par le staff technique, les Girondins continuent de préparer sérieusement le déplacement à Marseille dimanche sans pour autant se rajouter de pression. Pour le moment.

 

Par Florian RODRIGUEZ au Haillan

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