Girondins interview - Franck Chaumin : “Ça ne fait jamais plaisir de se faire dégager de cette manière”

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Franck Chaumin (55 ans) est natif de Blois. Après avoir été joueur pendant une dizaine d’années, il est devenu entraîneur des gardiens de but à Guingamp, Nantes, à Vannes et avec la sélection du Mali avant de rejoindre les Girondins de Bordeaux en 2011. Nous vous proposons un entretien à lire et à écouter en podcast en bas de cet article.
WebGirondins : Franck, comment et pourquoi arrivez-vous à Bordeaux ?
J'étais avec la sélection du Mali d’Alain Giresse. Malheureusement, Dominique Dropsy avait un problème médical et on m’a contacté. Franck Manteau avec qui j'avais travaillé à Nantes, est monté chez les pros et je suis arrivé à la formation où il manquait une personne. C'était une grande fierté de rejoindre les Girondins de Bordeaux en 2011.
Qu’avez-vous ressenti lors de votre départ récent des Girondins ?
Compliqué. La manière dont cela a été fait a été un peu brutale. Le jeudi matin, je suis à l'entraînement avec les gardiens de but et en séance vidéo pour préparer le match contre Blois avec le groupe. À midi, je rentre et vois un mail du club me stipulant que mon contrat s'arrête ce soir. Il n’y a eu aucun délai. Cela été brutal. Ça ne fait jamais plaisir de se faire dégager de cette manière. Je souhaite du bonheur au staff et à l'équipe actuelle, mais j’ai une grosse amertume.
Vous étiez en CDD ?
Oui, ils se terminaient le 31 juin. Je ne suis pas le seul concerné, car les autres entraîneurs de la formation ont reçu cette nouvelle par mail le midi pour nous dégager.
Que retenez-vous de votre parcours à Bordeaux lors de ces 13 années ?
Intégrer les Girondins de Bordeaux était énorme pour moi. L’ambiance pendant 8 ans a été exceptionnelle, remplie de valeurs et de solidarité, de bienveillance. Comme le disait un collègue : “être sérieux sans se prendre au sérieux”. Les résultats étaient présents avec Patrick Battiston aux commandes, avec Jean-Luc Dogon, Philippe Lucas, Pierre Espanol, Matthieu Chalmé. Il y a eu 8 années exceptionnelles. Après, on a vu comme tout le monde le club changer de politique et de profil. Les valeurs, comme la bienveillance, et la considération de la formation ont disparu. Les relations entre le sportif et l’administratif étaient une force, mais ils ont divisé pour mieux régner peut-être.
“Tous les jours je regardais le scapulaire sur ma poitrine et j'étais fier”
Quels sont les moments forts que vous avez envie de retenir ?
Il y en a eu tellement. Notamment lorsque l’on gagne le Championnat de France U19 Nationaux avec Jean-Luc Dogon (2017), ou quand on gagne la Gambardella en 2013 avec le doublé en Coupe de France. C’était un gros moment pour tout le monde. Les bons moments étaient quotidiens avec mon collègue François Bommé et nos gardiens. Tous les jours, je regardais le scapulaire sur ma poitrine et j'étais fier d'être là. L'ambiance était géniale et nous avions des résultats, c’est important.
Quels joueurs ou personnalités vous ont marqué dans votre parcours aux Girondins ?
C’est compliqué comme question, il y a plusieurs gardiens qui sont concernés. J'ai eu la chance d’avoir des gardiens de but motivés et motivants, à l’écoute. Nous étions heureux de voir nos gardiens de but intégrer l’effectif pro. C’était notre objectif pour nos joueurs, on était content pour eux, et du travail accompli.
Je peux citer un gardien comme Davy Rouyard qui avait un potentiel énorme et qui n’a pas été compris. Jérôme Prior n’a pas été accompagné comme il aurait dû l'être et avait un potentiel hors norme. Je peux citer aussi Gaëtan Poussin ou Corentin Michel, mais je ne veux pas en oublier comme les jeunes qui sont au club aujourd’hui.
Vous avez créé un lien affectif avec vos gardiens ?
Oui, on est obligé. Notre maître mot avec François Bommé c’est de les mettre en confiance, même si chacun travaille différemment. Il faut apprendre à les connaître sur et en dehors du terrain pour avoir une bonne pédagogie. Ce rôle de formateur et d'éducateur est passionnant. J'ai pris un pied énorme.
Qu’a-t-il manqué à Davy Rouyard ?
Il lui manquait un accompagnement, une forme de considération. Je ne veux pas parler de ce qu’il s’est passé (Vol de chaussure, NDLR), mais, quand il est arrivé chez les pros, il n’a pas été accompagné, il faisait même peur. Il a fait des bêtises. Certains en ont fait des beaucoup plus graves et on n’en a pas entendu parler. Il n’est pas trop tard pour lui. Son potentiel est énorme. Il doit être plus conscient de son potentiel, et s’arracher un peu plus. Le club est passé au travers de ce jeune comme beaucoup d’autres. Jérôme Prior c’est la même chose, son arrivée chez les pros a été compliquée. Maintenant, il s'éclate en Écosse (Livingston FC), je l’ai souvent au téléphone et il est heureux.
Vous avez aussi fait un passage dans le staff du groupe professionnel
Oui, je suis arrivé chez les pros avec Jocelyn Gourvennec. Après son éviction, les staffs sont venus avec des entraîneurs étrangers. J’ai eu la chance d'être reclassé à la formation que j’aime beaucoup. J’étais présent à l'arrivée de Costil.
“On n’enlève pas 13 ans au club du jour au lendemain”
Qu’allez-vous faire maintenant ? Quelles sont vos envies ?
Vu comment les derniers mois se sont passés avec la perte du statut pro appris par la presse ainsi que la fin du centre de formation c’est chaud… toutes les places ont été prises dans les autres clubs, et on se retrouve le bec dans l’eau. L’important a été de trouver un club à nos jeunes, maintenant, nous, on est sur le côté. Il faut digérer. On n’enlève pas 13 ans au club du jour au lendemain. Je suis à l’écoute. L'échéance la plus importante est de pouvoir s’inscrire officiellement à France Travail. (Les salariés en rupture de contrat n'avaient pas encore reçu leur solde de tout compte en début de semaine, NDLR).
Je vais retrouver ma famille, car le football c’est du lundi au dimanche. C’est un bouffeur d’énergie et de bonheur aussi. Il faut faire des sacrifices, donc je vais profiter de ces moments-là.
“Le principal n’est pas d'être grand, mais d'être à la hauteur”
Allez-vous venir au Matmut Atlantique voir jouer l’équipe à domicile ?
Non. On m’a fait comprendre que je n'avais plus ma place. Je suis les résultats, car j'ai travaillé avec l'équipe première depuis le 11 juillet et aussi avec le nouveau staff Bruno Irles et Dado Prso. j’étais dans mon élément, le groupe est sain. Ça fait du bien de voir un groupe sans dans ce club. Je souhaite au staff aux joueurs du bonheur. Nous sommes nombreux à avoir été mis à la porte. Il faut digérer.
Il va vous falloir du temps
Je ne comprends pas que les autorités aient laissé faire ce monsieur au sein d'un club comme Bordeaux, un patrimoine du football français, un patrimoine bordelais et régional. Bordeaux c’était le 8e club formateur de 2000 à 2020 en Europe, dans les tops clubs formateurs en France.
Que pensez-vous de Lassana Diabaté et de son style de jeu, il n'est pas très grand (1,83m) ?
Il a une bonne mentalité, c’est un bon gardien. On n’a pas besoin d'être grand. Je reprends une phrase de Gaëtan Huard : “le principal n’est pas d'être grand, mais d'être à la hauteur”. C’est ce qu'il a fait. Il a un bon jeu au pied, il n’a pas de stress, il est rassurant et son début de saison est exceptionnel avec ce but marqué de la tête contre Poitiers. Ça donne un capital confiance. Il répond présent aujourd'hui et rend service au club. Les autres gardiens de but qui l'accompagnent sont autour de lui (Georges Grimaud, Over Mandanda, Damien Lecroart, Tom Ducou) sont présents, et il n’est pas prétentieux. On a créé un esprit de famille des gardiens de but et il est entré dans cette famille, c’est génial, je suis très content pour lui.
N.P
Rééditon article du 20 novembre 2024.
Écoutez le podcast de cet entretien :