Interview - François Grenet : “Bordeaux n’a plus le temps, les résultats doivent vite tomber”

26/10 - 16:55 | Il y a 7 mois
Il a été Champion de France 1999 avec les Girondins de Bordeaux, son club formateur. Ce passionné des Marine et Blanc compte 247 matchs avec les Girondins, et exerce aujourd'hui des responsabilités à la Ligue Football Nouvelle-Aquitaine. François Grenet livre son regard sur l’actualité du club au scapulaire et sur son travail à la LNFA sur WebGirondins.
Interview - François Grenet : “Bordeaux n’a plus le temps, les résultats doivent vite tomber”

© Iconsport

WebGirondins : François, que penses-tu du début de saison des Girondins de Bordeaux ?

François : Je pense qu’il n’est pas bon, c’est un euphémisme. Ce n'est pas du tout à la hauteur des ambitions légitimes du club avant le début de la saison. L'intersaison a été beaucoup moins agitée que les précédentes, avec un recrutement que personnellement j'ai trouvé plutôt cohérent avec des joueurs chevronnés de Ligue 2. Mais pas seulement. Ce sont des joueurs qui ont des qualités, ils l'ont montré dans leurs clubs la saison dernière. De plus, certains étaient capitaines dans ces clubs-là, je pense à Livolant et Weissbeck.

Je me dis en plus d'être de bons joueurs de Ligue 2, ce sont des joueurs de tempérament. Forcément, quand tu as le brassard dans un club, c'est que tu es un leader, peu importe la forme de leadership que tu as, mais tu es quand même un leader, tu as de la personnalité. Donc je me disais qu'on était armé pour être conquérant, être dans le bon wagon dès le début. Malheureusement, c'est loin d'être le cas. Les journées passent, et les points laissés en route, tu ne peux pas les rattraper. Donc je suis inquiet. Ensuite, des décisions ont été prises récemment, le changement d’entraîneur, j'espère que ça ne va pas tarder à apporter des effets positifs et que les résultats s'en feront vite sentir parce que si on ne réagit pas rapidement, malheureusement, je crains que le train ne nous attende pas.

“Bordeaux doit être conquérant et montrer du caractère”

 


Comment peut- on expliquer ces difficultés rencontrées ?

Je pense qu'il y a différents facteurs et c'est toujours difficile d'être objectif. Je ne veux pas faire le donneur de leçon, car je ne suis pas au sein du groupe. Après, tu me demandes mon avis, je le donne. C'est souvent les premiers matchs qui te donnent le ton, qui te lancent sur la bonne dynamique ou pas. Malheureusement, même si la manière n'a pas été mauvaise, mathématiquement parlant, on n'a pas pris les points. Je pense que ça a mis tout le groupe et j'inclus le staff, dans le doute, à tel point qu'ils ont essayé beaucoup de choses qui n'ont jamais fonctionné. Et les résultats ont continué d'être hyper décevants.

On a même senti un coach, et une équipe à l'image de son coach, qui est quand même quelqu'un de très réfléchi, qui connaît très bien ce championnat, qui a fait ses preuves. On l'a senti complètement perdu, lui qui est objectif dans ses analyses, qu'elles soient avant ou après match. Je l'ai trouvé perdu. Et l'équipe était à son image, c'est-à-dire perdue, sans certitude.

"On a manqué de punch"

 

J'estime qu'avec le recrutement qui avait été fait, et les ambitions affichées naturellement avant le début de cette saison, qu'on se devait d'être plus conquérants. Bien sûr que tu analyses les adversaires, ses forces, ses faiblesses, mais quand tu as l'effectif que tu as, que tu en es satisfait, puisqu'il a dit, il faut aller chercher les choses, il ne faut pas être attentiste. On a manqué de punch, de caractère. Il faut imposer aux autres.

À mon sens, tu ne joues pas des matchs dans ta position, avec tes arguments, pour subir, tu joues pour provoquer les choses. J'ai l'impression qu'on a complètement subie au lieu de les provoquer. Même si on a manqué de réalisme, de réussite, ça va toujours un peu ensemble. Mais le résultat est là, donc il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.

“Il n’y a pas d’état d'âme, si X est meilleur que Y quelque soit son âge il doit jouer”

 

Tu as parlé du recrutement de cet été, cette stratégie de recrutement est-elle à remettre en cause ?

J'ai cité les deux joueurs qui me paraissaient cohérents ( Weissbeck, et Livolant, NDLR), je trouvais qu'ils apportaient une plus-value. Je vais aller au bout de mon analyse du recrutement de cet été. Pour moi, il manquait un joueur devant, clairement. Je ne connaissais pas Vipotnik, donc je ne pouvais pas dire que ce n'était pas le garçon qu’il fallait. Je ne sais toujours pas ce qu'il vaut, puisqu'il a très peu joué. Et je ne le vois pas l'entraînement la semaine. Si je ne joue pas, je me dis que l'entraînement ne donne pas satisfaction.

Ce que je regrette aussi, par rapport à la saison dernière, ce qui a fait des forces, ce qui a créé cette dynamique positive dès le début de la saison dernière, c'est la présence de jeunes formés au club. Il y a deux très bons éléments (Mwanga et Bakwa, Ndlr), c'est le marché et la règle, qui sont sollicités, qui ont une valeur marchande. On les vend, on ne peut pas faire autrement. Il y a des gens qui vont s'en offusquer, mais objectivement, c'est difficile de faire autrement. Mais je me dis qu'il y en a d'autres qui s'entraînent régulièrement, qui ont le niveau, et je lis dans la presse que l'entraîneur ne veut pas les brûler, les cramer, et les envoyer au casse-pipe.

Mais bon sang, tu es là pour monter, donc il faut des résultats assez rapidement et être dans le bon wagon, il n'y a pas d'état d'âme. Si X est meilleur que Y, quelque soit son âge, et son pedigree, il doit jouer. Tu crois que pour Zaïre Emery (17 ans), ils se sont posé la question à Paris ? Mais quand j'entends ce discours-là, je me dis non.

Si un joueur de la formation des Girondins est meilleur à l’entraînement que même Weissbek et Livolant, que tu as recruté, tu le fais jouer, parce que tu dois prendre des points, tu dois être conquérant, tu as des ambitions, tu as le plus gros budget. Si tu t'es planté sur un joueur et que ça ne marche pas au début, il faut des résultats, donc tu mets celui qui est performant, même si c’est un gamin du club. Tu dois le faire jouer et lui donner sa chance. L’année dernière, la dynamique des jeunes formés au club était belle, cette année elle est plus ou moins freinée. Peut-être que ça vaudrait le coup de voir si ça ne marche pas mieux avec les joueurs qu'on a à la maison.

Icon_onz_120798_85_15(1).jpg (283 KB)
Francois Grenet - 16.04.1996 - Bordeaux/Slavia Prague - 1/2 Europa League @iconsport

“ Du temps, il n'y en a pas”

 

Aujourd'hui, Albert Riera est arrivé, tu n'as pas joué avec lui ?

Jamais, mais j’ai aimé le joueur sur le terrain. On sentait que c’était un très bon joueur et un joueur intelligent. J’ai entendu que c'était un très bon mec, c'est plutôt des éléments positifs.  L’entraîneur, je ne suivais pas le championnat de Slovénie, je sais qu’il a eu des résultats. Je l'ai trouvé très habile, très spontané et très bon dans ses premières interventions avec les médias.

Maintenant, il est entraîneur d'un club de haut niveau, un club professionnel. On va le juger sur les ambitions, les résultats avant la manière. Il n'y a eu qu'un match, laissons-lui le... Je n'ai pas envie de parler de temps parce que le temps presse. Attendons de voir le second, en espérant que ces paroles se traduisent par des faits, que les joueurs adhèrent à ce beau discours et que ça se matérialise par de belles victoires avant de parler de bons matchs.

"Ce n’est pas un projet à trois ans, c'est un projet à une saison"

 

On dit souvent quand un nouveau coach arrive en cours de saison pour remplacer l'ancien, qu'on voit tout de suite dans les trois matchs si ça va marcher. Qu’en penses-tu ?

C'est ce qu'on peut en déduire quand on juge un coach qui arrive dans cette situation-là. Si on change, c'est qu'il y a urgence et qu'il faut vite retrouver le chemin de la victoire. Donc effectivement, si ça ne se matérialise pas à ce niveau-là, forcément, on va commencer à parler d'échecs. Du temps, il n'y en a pas. C'est ce que je reproche aussi à David Guion dans sa communication. On a frôlé la montée la saison dernière, on repart avec cet objectif, avec un effectif enrichi à hauteur des attentes qu'il avait manifestées. C'est lui qui le disait. On ne peut pas dire à la presse : ”On part sur un nouveau concept de jeu, on veut que ça emballe le public, on veut que je sois plus léché, etc. Donc ça va prendre du temps.” Mais non, jamais de la vie. Comment tu peux dire ça ? Il n'y a pas de temps. C'est un championnat où il faut ferrailler. Tu ne peux pas dire qu'il faut du temps. Ce n’est pas possible.

Et qu'est-ce qu'ils pensent après les joueurs ? “Bon ce n’est pas grave si au début on tâtonne un peu, on fait un nul, on fait une défaite”. Ah non coco, là il faut y aller, il faut tout de suite marquer ton empreinte. On a le plus gros budget, on est prétendant, il faut le montrer. Il n'y a pas de question de temps là. Ce n’est pas un projet à trois ans, c'est un projet à une saison. Une saison pour monter. Je me rappelle aussi que c'était lui qui était entraîneur quand on est descendu, sportivement. On a tendance à oublier aussi.

Et Albert Riera, il a combien de temps ?

Il y a eu un premier match, il n’a pas eu beaucoup de temps pour imprimer sa patte sur le groupe et analyser chacun des joueurs, son état d'esprit, faire de l’individuel, trouver la meilleure formule. Mais lui non plus, il n'a pas de temps, encore moins, puisqu'il y a déjà du débit, donc pour retrouver du crédit. Il a encore moins de temps. Humainement, pour lui, en étant nouveau, bien sûr que tu ne peux pas juger sur un match, mais tu ne vas pas pouvoir juger sur dix. Il faut que les résultats tombent. Après, je vois mal le club, même si les résultats sont négatifs le virer. C'est le coup de poker. Donc on souhaite à tous que ça marche pour lui, mais d'abord pour le club.

“Peu importe la manière, peu importe qui joue, qui va rentrer, il faut que tout l'effectif soit conscient que c'est le début de quelque chose de nouveau”

 


Comment les joueurs et le club bordelais doivent-ils aborder la réception de Rodez ce samedi ?

Sûrement pas en appuyant sur le levier de ce qui s'est passé la saison dernière. C'est fini. Ça ne sert à rien de regarder dans le rétroviseur à part remuer les choses négatives. Donc jouer comme un match qui doit se jouer dans la position dans laquelle ils sont au classement avec l'objectif et les ambitions qu'ils avaient en début de saison. On est au pied du mur. Avec méthode, il ne faut pas s'agir de faire n'importe quoi non plus. Mais il faut être conquérant, je le répète une fois de plus. Il faut montrer que maintenant c'est fini. On n'est plus les gentils garçons à tâtonner. Que la manière ce n'est pas la priorité, que d'abord la priorité c'est de prendre des points.

Et pour prendre des points, il faut montrer à l'adversaire à domicile que c'est chez soi et que quand on joue chez nous, c'est pour nous, pas pour les autres. Donc je te laisse deviner qu'il va falloir tout donner individuellement et collectivement. J'ose espérer qu' ils sauront faire la part des choses. Peu importe la manière, peu importe qui joue, qui va rentrer, il faut que tout l'effectif soit conscient que c'est le début de quelque chose de nouveau. On redémarre, c'est fini maintenant. Ça commence maintenant à la maison contre un adversaire qui est mieux classé que nous, qui va jouer sans pression, à nous de leur mettre la pression.

Ses 3 missions à la LFNA

 

Quelles sont tes missions à la Ligue de Football de Nouvelle-Aquitaine ?

Je suis reparti comme l'année dernière, c'est-à-dire que j'ai plusieurs missions. La première c'est de la représentation. C'est-à-dire que si le président, le président délégué ne peuvent se rendre disponible pour les sollicitations d'inauguration de nouveaux terrains synthétiques, d'anniversaire d'un club, etc. Si je suis disponible, je représente la Ligue sur ses manifestations. C'est la partie représentation.

Après, il y a une autre partie qui me plaît plus avec du terrain. Je suis des générations de jeunes de la région. Par exemple, la semaine prochaine, tant les filles que les garçons, on a les stages de détection qui commencent avec une cinquantaine de joueurs et joueuses sélectionnées pour les catégories U15, notamment, U15 filles, U15 garçons. Je serai par exemple à Puymoyen demain. J'enchaîne la semaine prochaine avec un stage U16. J'ai constaté avec beaucoup de plaisir qu'on avait vraiment beaucoup de bons joueurs dans notre région. Alors, tous n'ont pas la chance d'avoir été repérés par les centres de formation, mais c'est pour eux une occasion de se montrer dans ces stages, car les recruteurs sont là. Donc, je suis cette génération garçon fille. Donc, je suis avec l'entraînement technique, on échange, on prend des notes, je parle aussi de mon vécu, de ma façon de voir les choses, avec tous les gamins et gamines qui sont en stage, c'est toujours un moment d'échange, de plaisir, de partage.

La deuxième chance du Pôle Espoir de Talence


Enfin, je suis parallèlement le Pôle Espoir Talence qui ressemble un peu à un centre de formation, avec Benoît Michelena et son staff qui sont très compétents. Les enfants sont logés au CREPS, ils ont des cours, et des horaires aménagés toute la semaine. La seule différence avec un centre de formation, c'est qu'ils rentrent dans leur club jouer le week-end. Ils s'entraînent tous les jours. Ils ont des matchs le mercredi, soit contre d'autres pôles, soit contre des équipes de centres de formation du même âge. C'est-à-dire qu'ils jouent contre les Girondins, le TFC, Clermont, Lorient, et paradoxalement, moi je les ai suivis toute la saison dernière, et ils battent tout le monde. Ça interpelle. Ce sont des U14, U15, des gamins qui de fait n'ont pas été repérés par des recruteurs de centres de formation, qui bossent bien et qui ont de la qualité, puisqu'ils arrivent à les battre en compétition. Et c'est là où on parle de deuxième chance. Donc c'est chouette.

Une dernière chose, on m'avait demandé, avec bien sûr les compétences et la logistique au sens large de la ligue, d'organiser des stages de vacances d'été pour nos licenciés et nos non-licenciés, des stages de foot, garçons, filles, sur les deux sites : pour la partie sud au Haillan à côté du Girondins, et on à côté d'Angoulême à Puymoyen la partie nord. On est partis de feuilles blanches, on a fait des stages qui ont super bien marché, avec un très beau taux de satisfaction, donc c'est chouette, parce qu'on partait de rien. C’est une belle réussite. Donc, on va renouveler ça,

Ça fait beaucoup de missions

Je suis content. Je découvre le fonctionnement du foot amateur avec les associations et le bénévolat d'un côté, et le côté fonctionnement de la Ligue, avec une cinquantaine de salariés, c'est comme une PME. Donc c'est très intéressant de découvrir ce mix entre les bénévoles, les commissions, l'associatif, et une vraie entreprise, parallèlement, qui doit fonctionner dans l'intérêt de l'institution. Il y a vraiment de bonnes personnes qui sont investies pour l'institution, qui ont conscience de travailler, de fonctionner comme dans une entreprise, pour un truc particulier, qui est le football, ils en ont conscience. Ils ont conscience du privilège qu'ils ont d'être là, il y a une belle émulation, une belle dynamique, et l'ambiance est vraiment positive.

N.P