Pourquoi les Girondins peuvent devenir un enjeu électoral ?

18/03 - 19:52 | Il y a 3 ans
Dire que le football et le politique forment à certains égards la double hélice chromosomique du corps social d’un territoire est un poncif sur lequel nous ne reviendrons pas.
Pourquoi les Girondins peuvent devenir un enjeu électoral ?

© Iconsport

Pourtant, sans aller jusqu’à convoquer la mémoire du poète catalan Manuel Vazquez Montalban qui définissait le Barça comme « l’armée démilitarisée de la Catalogne », s’intéresser à l’histoire du sentiment d’appartenance autour du ballon rond dans un territoire revient à appréhender de quelle façon se construisent les identités autour d’une équipe sportive. Depuis notamment les travaux du sociologue américain, Bénédict Anderson, nous disposons de quelques clés pour comprendre les mécanismes de fabrication d’une mémoire collective et de quelle façon les politiques peuvent user de ces ressorts à des fins électorales.

Pierre Hurmic engagé dès le départ

En prenant fait et cause pour les supporters dès le début du conflit qui oppose la majeure partie d’entre eux à King Street, le candidat écologiste Pierre Hurmic s’était assuré une manne électorale qui a sans aucun doute dû peser au moment du décompte final des voix face à Nicolas Florian.

Surement échaudé par ce désaveu, et alors que beaucoup lui avaient reproché sa gestion du dossier « Girondins » en dilettante lorsqu’il était maire, se contentant de rappeler laconiquement qu’il s’impliquerait « personnellement » une fois réélu, l’ancien hôte du Palais Rohan a lancé une petite bombe ces dernières semaines en déclarant explicitement qu’il souhaitait que « les propriétaires cèdent le club et qu'on trouve un nouvel investisseur pour reprendre le club », avant d’ajouter qu’il y « travaillai(t) quand (il) étai(t) maire ». De là à dire que ces ambitions sont restées intactes si d’aventure il venait à être élu président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas.

Le FCGB invité des élections régionales

Pourtant, c’est bel et bien à l’échelon régional que doit se jouer aujourd’hui la bataille de l’influence et pas simplement au niveau de la mairie ou de la métropole. D’abord parce que depuis qu’il est élu maire, Pierre Hurmic essuie les critiques l’accusant de démagogie suite à ses déclarations demandant la démission de Frédéric Longuépée avant de se rétracter et même d’inviter le bras droit de ce dernier lors de la première réunion de conciliation à laquelle participaient les représentants des Ultramarines… qui avaient précisément manifesté leur opposition à ce dernier ! 

Ensuite, parce que depuis la loi NOTRe, les Régions disposent de compétences étendues, au premier rang desquelles figurent le développement économique, la préservation de l’identité mais aussi les orientations relatives à l’attractivité du territoire régional. 

Les Girondins club le plus populaire de Nouvelle Aquitaine

Enfin, parce que même si les Girondins de Bordeaux ont perdu de leur superbe depuis leur dernier titre de champions de France en 2009, ils demeurent le club de football le plus populaire en Nouvelle-Aquitaine, si l’on se réfère à l’enquête menée par Libération et Google News Lab cartographiant les clubs les plus recherchés par les internautes entre octobre 2014 et octobre 2015. Un motif d’espoir pour les amoureux du scapulaire et de visées électorales pour n’importe quel politique qui saura tirer profit de cette information, en l’intégrant dans un projet plus global.

Car le football a cette particularité qu’il demeure un domaine symbolique qui offre aux individus de nombreuses opportunités pour mettre en œuvre des stratégies d’identification à plusieurs niveaux, lesquels se distinguent selon l’intensité à travers laquelle est vécu le sentiment d’appartenance au fanion. De son côté, la politique, entendue comme cercle de pouvoir institutionnel, peut apparaître comme un élément important dans le processus d’identification au blason dès lors que le football est vécu comme le prolongement de conflits physiques à l’intérieur même de l’enceinte sportive.

Ce mantra, Benoit Payan l’a parfaitement intégré à Marseille, lui l’enfant de Pont-de-Vivaux, et qui lui permet d’apparaître dans une posture légitime lorsqu’il explique que Franck McCourt « ne peut pas raconter qu’il ne vend pas le club, qu’il est attaché à la ville, qu’il a envie que ce club réussisse sans investir. Si Frank McCourt ne tient pas ses promesses, il finira avec du goudron et des plumes ! ». 

Un discours on ne peut plus offensif que les déclarations d’un Pierre Hurmic ou d’un Nicolas Florian, davantage passionnés par le ballon ovale que par le ballon rond.

Finance vs "Gaullisme Social"

Pourtant, sans que son seul positionnement sur les Girondins lui permette de faire la différence face à Alain Rousset en juin prochain, l’ancien maire de Bordeaux aurait tout intérêt de s’inspirer des discours issus du « gaullisme social » dont il se réclame, portant sur la société de participation des individus, à rebours du capitalisme financier sans visage dont King Street apparaît aujourd’hui comme l’exemple le plus criant. Une approche qui placerait les notions d’éthique et de proximité comme les deux jambes sur lesquelles les Girondins doivent s’appuyer dans les prochains mois.

Un tel positionnement viserait ainsi à rappeler qu’un club de football dépasse le simple cadre du sport et que le FCGB n'est pas un actif financier mais une structure ancrée.  Il mettrait en exergue la dimension territoriale du club, adossée à sa riche histoire, en faisant des Girondins le porte-drapeau non pas de la seule ville de Bordeaux, mais de toute une région. De Bayonne à Poitiers. Il acterait enfin et surtout le retour de l’approche identitaire du club dans une démarche résolument moderne, en tissant des liens avec les acteurs privés et publics de la région. Un élément essentiel dans la construction du sentiment d’appartenance au territoire visant à forger l’identité d’un club autour de valeurs propres à la culture locale.

Si les Girondins de Bordeaux n’ont pas vocation à devenir « l’armée démilitarisée de la Nouvelle-Aquitaine », ils doivent en revanche devenir de nouveau une source de fierté d’adhésion à la région d’origine. Charge aux politiques et plus particulièrement aux candidats aux prochaines élections régionales de Nouvelle-Aquitaine d’être les moteurs de cette nouvelle dynamique.

P-H R

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