Exclu : Ben Mabrouk : "Le public bordelais attend d'avoir une grosse équipe"

24/10 - 13:45 | Il y a 7 ans
Exclu : Ben Mabrouk : "Le public bordelais attend d'avoir une grosse équipe"

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Alim Ben Mabrouk (57 ans), ancien joueur des Girondins de Bordeaux de 1990/91, international algérien, est revenu pour les lecteurs de WebGirondins sur son année bordelaise en livrant quelques anecdotes croustillantes. Cette période mouvementée pour le club a marqué le joueur qui a conservé d'excellents souvenirs. 

Pouvez-vous nous rappeler dans quelles conditions vous arrivez à Bordeaux ? 

J’avais signé trois ans, et je n’ai joué qu’une année à Bordeaux. C’est un club et une région que j’ai beaucoup aimée. Je suis parti à la suite de l’affaire Bez et de la rétrogradation administrative. Je ne pensais pas que Bordeaux me plairait autant. Je suis arrivé en provenance du Matra Racing, en même temps que Didier Deschamps. Nous avions une équipe du feu de dieu. Il y avait Christophe Dugarry et Liza. Je suis resté très amis avec Christophe que je vois de temps en temps. Cette année là, ça n’a pas marché de suite, car les affaires judiciaires se sont immiscées dans le quotidien du club. Nous avons connu trois entraineurs et trois présidents dans la même année. C’est du jamais vu. On avait commencé avec Raymond Goethals, puis Gernot Rohr qui a fait l’intérim, et on a fini avec Gérard Gili. Comme président on a commencé avec Bez, Derose puis on a fini avec Afflelou. C’était du jamais vu. Nous avions mal démarré la saison à cause de tout ça, mais nous avions fini 4e je crois, en gagnant presque tous les matchs retours. Je ne me sentais pas de jouer en 2e division, je suis donc parti à Lyon. J’ai aimé les gens et le club, j’aurai aimé rester plus longtemps.

 

"Claude Bez m'a beaucoup plu"

 

Vous aviez passé 10 ans au Matra Racing, l'adaptation a-t-elle été rapide ?

Il y avait déjà des cadres dans cette équipe, Patrick Battison, Joseph Antoine Bel, Jean-Marc Ferreri, Didier Senac, Jean-Luc Dogon, ou encore Thouvenel. Niveau ambiance cela s’est bien passé, mais nous avons été rétrogradés administrativement, c’est dommage car niveau ambiance c’était super. Cela s’est très bien passé. Quand je suis arrivé à Bordeaux, on m’avait dit, " Claude Bez, méfie toi …". Finalement, Claude Bez s'est révélé être un un homme extraordinaire. J’ai appris à le connaitre. Un homme passionné, franc et direct et loyal. Tout ce que j’ai aimé à Bordeaux. C’était quelqu’un qui n’aimait pas la tricherie. Cet homme là m’a beaucoup plus. J’ai beaucoup de regrets après cette année à Bordeaux. J’aurai aimé faire quelque chose de plus pour le club.

Vous avez donc connu Didier Deschamps, Est-ce que sa trajectoire d’entraîneur vous étonne ?

Franchement, ça ne m’étonne pas. Nous avions un super milieu de terrain. Il y avait lui, moi, Jean-Philippe Durand, et parfois J-M Ferreri. Je jouais en 6 avec lui. Sur le terrain, on sentait qu’il avait cette fibre de dirigeant, d’entraîneur, et de prendre les choses en main. Ca ne me surprend pas du tout. On avait le même caractère, il n’aimait pas perdre, comme moi. C’est ce qui fait que nous étions bien complémentaires sur le terrain. Il avait cette rage de vaincre. Il était motivant, et il commandait certains anciens malgré son jeune âge. Vraiment, il était destiné à diriger. 

Vous partez ensuite à Lyon, une ville dont vous êtes originaire, comme Luis Fernandez

On a grandi aux Minguettes, Luis Fernandez et moi, un quartier de la banlieue lyonnaise. C’était la première banlieue très chaude a avoir éclatée. On a réussi à s’en sortir grâce au foot. On a dû monter tous les deux à Paris pour percer. J’ai ensuite fini ma carrière à Lyon, après les Girondins de Bordeaux je suis parti à Lyon. 

Comment se fait-il que vous n’ayez pas intégré un club ou un staff ?

 J’aurais pu être entraîneur, mais je n’ai pas passé les diplômes car je n’ai pas voulu le faire. Etre dirigeants dans un club, oui,  j’ai un petit regret par rapport à ça. J’ai voulu m’écarter du football, et dans ce milieu la tu es vite oublié, donc c’est pour ça que si j’avais enchainé directement, j’aurai accédé à une équipe dirigeante dans un club, ça m’aurait beaucoup plus. 

 

"Christophe a une facilité à s'exprimer"

 

Avec cette énorme carrière que vous avez eu, quel est le joueur ou la personnalité avec que vous voyez le plus aujourd’hui ? 

Il y a Luis, car on a grandi ensemble, et on se voit régulièrement. Mais le plus proche, c'est Christophe Dugarry. La première fois que je l’ai entendu s’est sur M6. Et là je lui ai dit : « Tu as trouvé ta voie ». Il était déjà hyper à l’aise, très pro. Il a une facilité à s’exprimer, et il est à l’aise sur un plateau. Ca ne m’étonne pas qu’il en soit arrivé là.

Vous avez été international algérien, comme Adam Ounas, avez vous suivi son évolution ?

 Oui, je l’ai suivi quand il était aux Girondins de Bordeaux. Je me suis dit, c’est un jeune joueur prometteur, et je me suis dit qu’il n’allait pas rester longtemps à Bordeaux. C’est dommage d’ailleurs. Il a de grosses qualités, c'est un joueur très intéressant.

Vous avez joué avec Rabad Madjer, légende du foot algérien et nouveau sélectionneur de l’Algérie, est-ce l’homme providentiel pour les fennec ? 

Je l’ai eu hier (ndlr : la semaine dernière) au téléphone pour le féliciter de sa nomination, pour lui dire bravo et qu’il le méritait. En Algérie, on a du mal à faire confiance aux hommes de terrain. Je suis très content qu’il soit sélectionneur. Est-ce L’homme providentiel ? Je l'espère. Ce serait dommage de ne pas participer à la prochaine Coupe du Monde. Il a été pro, et il a les qualités pour évoluer à ce poste et être écouté. 

Lors de la Coupe du Monde 86 au Mexique, vous avez affronté le très grand Brésil, vous ne perdez que 1 à 0, avez vous senti qu’ils étaient prenables ?

A l’époque il y avait un fossé entre les petites et le grosses équipes. On pensait prendre une valise et finalement, on perd à 10 minutes de la fin sur une erreur entre le gardien et le défenseur. Nous avons eu pas mal d’occasions sur ce match là, et la presse a dit que nous ne méritions pas de perdre. Ca faisait plaisir d’avoir joué contre des joueurs comme ca. J’ai marqué Socrates, une de mes idoles. C’est un des plus beaux souvenirs de ma carrière. J’ai échangé le maillot, et je l’ai encadré. C’est mon fils qui a son maillot chez lui aujourd’hui. 

Vous avez partagez ce moment avec votre ami d’enfance Luis Fernandez ?

 Pour Luis avec la France et moi avec l’Algérie, c’était un rêve d’enfance de se retrouver à la Coupe du Monde. C’était quelque chose d’extraordinaire. Je vous raconte une anecdote. Lorsque nous étions enfants avec Luis, on faisait croire à nos parents que nous allions à l’école, et nous allions voir l’OL s’entrainer. Nous avions 8/10 ans. Ca n’a pas été facile devenir professionnel, les centres de formations d’existaient pas. J’avais fait des essais dans de grands clubs sans être pris. J’ai finalement été pris au Paris FC en deuxième division. Luis avait été pris au Paris Saint-Germain à la suite d’un essai également. 

 

"J'ai appelé Zizou pour lui présenter Mbappé"

 

Que peut-on vous souhaitez pour l’avenir ?

 Aujourd’hui je travaille pour l’AS Saint-Etienne avec Bernard Caiazzo le président de Saint-Etienne. Je vais vous raconter une histoire. Le petit Mbappé, je l’ai connu lorsqu’il avait 14 ans. Mon ami c’est Zizou. Je l’appelle et je lui dit : "Zizou, j’ai quelqu'un qu’il faut que tu vois absolument". Mbappé est venu à Madrid, il a fait une semaine d’essais, et au bout d’une semaine il a été vu par toutes les catégories d’entraîneurs, et ils m’ont dit : « On a pas de joueur comme ça dans notre centre de formation du Real de Madrid ». Donc, ils lui font une proposition, Zizou avait dit aux parents de ne pas regarder l’argent tout de suite, car le Real ne met pas beaucoup d’argent sur les jeunes. Les parents ont trouvé que c’était un peu juste. Ils ont fait leurs calculs, et Monaco a donné un peu plus. Il a ensuite rejoint Monaco. Si il avait signé à Madrid, j’aurais été très très bien (rire)."

 

"Le public bordelais attend d'avoir une grosse équipe"

 

Avez vous une anecdote sur votre expérience avec Bordeaux ? 

Lorsque je suis arrivé pour le stage, il y a une soirée à laquelle je suis invité la veille de la reprise. La reprise de l’entraînement, c'était donc le lendemain. Je sors, à noter que je ne bois jamais d’alcool. Le lendemain, à la reprise, Claude Bez qui présentait les joueurs me tend une coupe de Champagne, et je luis dis : « Non président, je ne bois pas d’alcool » Il me répond "Ah, tu préfères le boire en boite". Vous vous rendez compte, j’étais arrivé la veille, le lendemain il savait déjà que la veille j’étais sorti (Rire). C’était sympa. 

Avez-vous un petit mot pour nos lecteurs ? 

Bordeaux ça été un club ou je ne suis pas resté longtemps, mais j’ai beaucoup apprécié. Le public, la région, les gens, la gastronomie, j’ai gardé beaucoup d'amis sur place. C’est vraiment un club qui m’a marqué. Je souhaite que Bordeaux redevienne un Bordeaux de l'époque avec une grosse équipe. Le public est là, je le sais. Il attend d’avoir une super équipe, parce qu’avec un nouveau stade c’est dommage que ce club là n’ait pas la place qu’il devait avoir. Je passe un bonjour à tous les bordelais.

Propos recuillis par J-A Chazeau

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