Entretien - Éric Guérit : "Gaëtan Weissbeck est un affectif"

16/10 - 11:30 | Il y a 7 mois
Éric Guérit (59 ans) a tout connu ou presque dans le football professionnel : joueur, entraineur, adjoint d'entraineur et recruteur. Il a joué avec Zidane, Dugarry et Lizarazu à Bordeaux (1992), a occupé le poste de coach (1995), puis de recruteur aux Girondins (2016), sans oublier sa dernière expérience dans le staff du FC Sochaux la saison dernière. Il répond aux questions de WebGirondins.
Entretien - Éric Guérit : "Gaëtan Weissbeck est un affectif"

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Dans cette interview, Éric Guérit revient sur son expérience à Sochaux et livre son analyse du jeu de Gaëtan Weissbeck. Il revient sur son arrivée aux Girondins et sa prise de poste sur le banc bordelais en 1995 pour succéder à Toni. Enfin, il évoque le métier de recruteur qu'il a exercé aux Girondins de 2016 à 2021 sans oublier son regard aiguisé sur les Girondins en Ligue 2.

WebGirondins : Bonjour Eric comment allez-vous et quel est votre quotidien aujourd'hui ?

Éric Guérit : je vais très bien, je suis en pleine santé. Dans mon quotidien, j'ai trois objectifs. Mon premier objectif est de me maintenir en forme physique, avec la préparation d'un semi-marathon à Nice le 5 novembre. Mon deuxième objectif est de rester au contact du terrain dans l'éventualité d'une prise de poste. Donc je m'occupe des moins de 14 ans, trois fois par semaine à l’US Chauray. De plus, je fais une intervention avec les moins de 17 ans le lundi et les moins de 16 ans parfois le vendredi. Enfin, tous les matins, je les consacre à la recherche d'un poste. J'ai deux orientations dans cette recherche c'est soit une place dans le recrutement ou accompagner Olivier Guégan dans un club.

"Gaëtan Weissbeck est d'une précision chirurgicale sur coup-de-pied arrêté"

 

Vous avez été adjoint d'Olivier Guégan la saison dernière à Sochaux. Comment avez-vous vécu cette fin de championnat ?

Il y avait très longtemps que je n'étais pas revenu sur le terrain, donc il m'a fallu un temps d'adaptation. Au début, c'était superbe parce qu'on avait des résultats, on marquait des buts, on avait un jeu très attractif. On avait un coach, Olivier Guégan, qui partage beaucoup. Je le connaissais parce que c'était mon capitaine à Angers, mais que je n'avais pas eu l'occasion de travailler avec lui en tant qu'adjoint.

Et avec l'ensemble du staff, il y a eu une osmose qui s'est faite très rapidement grâce à l'entraîneur. Malheureusement, on est tombé sur une année où, dès qu'on a décroché, on a lâché complètement parce qu'il n'y avait pas de barrage. S'il y avait eu une troisième, quatrième ou cinquième place, peut-être qu'on se serait ressaisi en se disant que tout n'est pas perdu. Mais on était prévenu, car on savait que si on avait un coup de mou, on aurait peut-être des difficultés parce qu'on avait une équipe avec peu de volume de jeu pour tenir sur la durée.

Qu’entendez-vous par une équipe avec peu de volume de jeu ?

De quantité de course et d'intensité de course.

Par rapport aux joueurs qui composaient l'effectif ?

Oui, exactement. Il y a une plateforme qui est dédiée aux clubx de Ligue 1 et Ligue 2, et on voit tous les aspects athlétiques des équipes et de chaque joueur. Nous on y avait accès en plus de nos données de nos propres préparateurs physiques avec les GPS. On voyait qu'on était une équipe qui ne courait pas énormément en volume de jeu et en intensité, c'était contrebalancé par notre capacité à garder le ballon et à être en possession du ballon. Quand on a perdu un peu la possession du ballon et qu'il fallait mettre d'autres qualités en route, on était en difficulté.

Mais quand on avait la possession du ballon, on y arrivait parce que c'est nous qui donnions le tempo, ça demande un peu moins d'effort, encore qu'il faut du mouvement. Mais on savait que cette difficulté dans le volume de jeu pouvait interférer sur une fin de saison.

Vous avez donc côtoyé Gaëtan Weissbeck la saison dernière à FCSM qui est aujourd'hui un joueur des Girondins. Comment pouvez-vous décrire le type de joueur qu'il est ?

C'était pratiquement un des seuls qui avait un gros volume de jeu. Il a une grosse qualité technique, sur les coups de pied, il est d'une précision chirurgicale. Il faisait des séries de coups francs où il y avait un battement de 5 à 10 centimètres en chaque frappe. Il est d’une grande précision. C'est un joueur technique avec la capacité de jouer les deux pieds. Après il peut jouer 8, il peut jouer en position de 10. Il a besoin d'activité, il a besoin de toucher le ballon pour être en confiance. Il a du mal à rester dans une position de 10, mais il faut qu'il touche le ballon, qu'il se déplace, qu'il coure. C'est un joueur qui nous a manqué à la fin de saison parce qu'il a eu un problème musculaire. Ça nous a handicapés sur la fin à un moment donné où on avait besoin de lui et on ne l'avait pas.

"Gaëtan est un relayeur, un box-to-box"

 

Quel est son meilleur poste selon vous ?

Je pense que c'est un relayeur. Parce que c'est un box-to-box, il est capable de courir, de venir chercher les ballons. Et puis il a besoin de cette activité. Si on le limite à un poste un peu moins énergivore, je pense que ça sera peut-être un peu plus difficile. Il a les qualités techniques pour le faire, mais il n'a pas l'habitude de le faire.

Et ce n'est pas à 26 ans qu'on change complètement les habitudes. Mais techniquement, c'est lui qui a fait basculer notre début de saison. Parce qu'on a commencé moyennement, parce qu'on avait fait une grosse charge d'entraînement. Et c'est lui, par ses coups de patte avec Moussa Doumbia, qui nous ont fait basculer la saison dans le bon sens à un moment donné. Il a mis des coups francs importants, des coups de pied arrêtés importants. Mais il avait connu l'année dernière une saison avec des hauts et des bas en raison de quelques blessures. Il est arrivé à Bordeaux et il n'avait pas joué toute la fin de saison.

Comment expliquez-vous son adaptation un peu difficile à Bordeaux ?

Déjà, c'est un changement de club, de statut. Les Girondins de Bordeaux sont supérieurs en statut, en objectif. Il a besoin d'un peu de temps d’adaptation parce que c'est un affectif. Il arrivait dans la plénitude, il connaissait parfaitement le club. Il avait un statut de capitaine. Là, ça change, ce ne sont pas les mêmes joueurs, ce ne sont pas les mêmes statuts.

Il y a déjà des mecs qui sont installés, qui auraient pu monter l'année dernière, et qui étaient beaucoup plus près de monter que nous à Sochaux. Il y a des gens au milieu de terrain qui ont une autre personnalité. Il y a déjà un capitaine qui est installé qui s'appelle Barbet, qui a une autre personnalité. Il n'y a pas une hiérarchie qui s'est installée devant lui. Avant il avait un gros relationnel avec Rassoul Ndiaye au milieu de terrain et avec Tony Mauricio sur le côté droit. Il avait ses repères avec ces gens-là. Et ça met un peu de temps à se mettre en place ici. C’est peut-être aussi à lui de se faire violence.

Aux Girondins, on s’interroge sur son placement sur le terrain

Gaëtan parfois passait, c'est vrai, sous l'attaquant avec deux numéro 6. Gaëtan avait une position un peu plus offensive. Un peu plus haut.

Et vous avez dit : "C'est un affectif". C'est vrai qu'on sent qu'il  y a chez lui une sensibilité un peu plus poussée que d'autres joueurs.

Quand on perdait, il était touché. Il mettait du temps à récupérer émotionnellement. Parce que c'était son club, c'était lui le capitaine. Il prenait beaucoup de choses. Il prenait en charge trop de choses. Et il voulait tout gérer. La charge se disperse entre les différents éléments de l'équipe. Donc, lui, il prenait tout à 120%. Et donc à la fin des matchs, quand on perdait... je voyais qu'il prenait ça à cœur. Ça lui tenait à cœur de pouvoir faire quelque chose avec le FC Sochaux. C'était tout à son honneur.

Après, il faut être capable de nettoyer tout ça. De ne pas trop être impacté par une désillusion. De pouvoir rebondir rapidement. Parce que ça demande beaucoup d'énergie. Et il n'y a pas que la dépense énergétique sur le terrain qui est à prendre en compte. C'est une dépense aussi au niveau de la pression, des nerfs, de la gestion. Et donc ça, c'est une énergie qui n'est pas comptabilisée par des stats. Mais qui est très importante.

"Il ne faut pas mettre des tuteurs partout. Chacun doit se prendre en charge"

 

On entre sur le terrain de la préparation mentale des athlètes.

On met tout dans la préparation mentale. Mais c'est simplement du bon sens. Parce que quand tu as été joueur, physiquement, je n'ai jamais eu de problème. C'est mentalement. C'est dans la capacité à résorber tout ce qui a été fait en compétition. Et de le transformer en énergie positive pour le match d'après.

Les joueurs doivent-ils être accompagnés pour faire ce cheminement ?

Il y en a qui sont capables de le faire seul. Il y en a qui sont obligés d'être accompagnés. Maintenant, il y a une grande ouverture du monde du football concernant la préparation mentale. Parfois, il suffit d'un mec à côté qui permette la parole pour poser des mots sur quelque chose qui n'a pas fonctionné. De plus, il y a des professionnels pour le faire. Il faut que cela vienne du joueur, chacun fait comme il veut.

Pourquoi ça doit venir du joueur ? Pourquoi ne serait-ce pas aux clubs de les mettre dans les meilleures dispositions mentales ? Car si le joueur ne le fait pas alors qu'il en a besoin, c'est peut-être l'équipe ou le groupe qui en pâtit.

Vous avez raison. Maintenant, il ne faut pas se substituer aux joueurs. Attention. Parce qu'on parle de joueurs qui doivent prendre des responsabilités sur le terrain. Il ne faut pas mettre des tuteurs partout. Chacun doit se prendre en charge. Alors parfois, c'est vrai qu'il y a des joueurs qui n'ont pas conscience de ça. Mais vu les staffs qui sont en place, les médecins, les kinés, les préparateurs physiques, les adjoints. Il faut tenir compte de la personnalité du joueur. Et peut-être l'amener à. Mais il est préférable que ce soit le club qui prenne en charge ça que des éléments extérieurs.

Je comprends. C’est très intéressant.

Les acteurs, c'est les joueurs. Ce sont les joueurs qui prennent la responsabilité. Sur le terrain, quand il faut décider d'une passe dans les dixièmes de seconde, ce n'est pas moi qui vais dire qu'il faut faire la passe.

Il faut responsabiliser les joueurs ?

C'est un mélange. En fait, il n'y a pas une cartographie du joueur type. C'est une individualisation au millimètre près, une individualisation pour amener à la performance. Et dans le but de mettre le joueur dans les meilleures conditions. Ça demande des compétences.

Éric, on parle des Girondins maintenant. Vous avez occupé plusieurs postes aux Girondins de Bordeaux, ceux de joueur, d'entraîneur, et de recruteur. Un mot simple, que représentent pour vous les Girondins de Bordeaux ?

C'était un rêve de jouer aux Girondins de Bordeaux. J'ai joué à Angoulême. Angoulême, c'est à 100 kilomètres des Girondins de Bordeaux. Et à l'époque, c'était les grands Girondins de Bordeaux. Je n'aurais jamais pensé jouer aux Girondins de Bordeaux. Et en fait, c'est le rêve qui s'est réalisé. C'est LE grand club. Il y a des lumières partout.

En fait, c'est le fait de pouvoir aller jusqu'au rêve. Quand tu es joueur à Angoulême, tu as envie de jouer aux Girondins de Bordeaux. C’est très personnel. Tu as envie de jouer aux Girondins de Bordeaux. Quand je jouais à Angoulême, j’allais voir les matchs des Girondins de Bordeaux à Lescure. J’ai mis fin à ma carrière de footballeur aux Girondins de Bordeaux, tout un symbole.

Donc vous arrivez aux Girondins de Bordeaux en 1992, en même temps que Zinédine Zidane, c'est bien ça ?

C'est Roland Courbis qui fait le transfert. On est trois à partir de l’AS Cannes, Zinédine Zidane, Jean-François Daniel et moi. On fait une saison catastrophique où on descend en Ligue 2, alors qu'on a un effectif pour jouer la Coupe d'Europe. On part tous les trois. Zidane il fallait qu'ils partent de Cannes. J'avais dit à ses parents, il faut qu'il aille à Bordeaux. Je ne sais pas pourquoi. Parce que c'est un grand club, parce que ceci… C’est un concours de circonstances qui fait que j'arrive aux Girondins de Bordeaux.

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AS Cannes 27/07/1991 @iconsport

Votre rêve devient réalité à ce moment-là.

On change de braquet. C’est un club structuré. Bordeaux vient de remonter en Ligue 1, il y a des joueurs comme Lizarazu, Dugarry, Senac, Dogon, Gaëtan Huard, Philippe Sens etc.

Et vous prenez la succession de Toni comme entraîneur en fin de saison, comment cela s’est-il passé ?

J'ai connu émotionnellement, pendant cette saison-là, des trucs de fou... Parce qu’on m'annonce que j'ai un problème de santé... que je peux y passer ! Et que je n’y passe pas...Mais ça met une interruption à ma carrière. J'étais parti quand même pour jouer jusqu'à 34 ans, peut-être même plus...j'avais 29 ans... C'est brutal, une brutalité extrême... Et en fait, je suis passé d'une dose d'adrénaline tous les jours, à un manque terrible... à un manque de compétition... Quand vous l'avez plus, quand vous avez été formaté toute votre vie à aborder les matchs et les compétitions, et qu'à un moment donné on vous dit stop, brutalement, sans préparation, c'est très violent.



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22/08/1992 Bordeaux-Toulon @iconsport

"Je me suis attrapé avec Dugarry"

 

Est-ce que c'est une dépression ?

Oui, c'est limite la dépression. Heureusement que j'avais rencontré mon épouse. Je n’avais pas de suivi et d’aide. On m'a proposé de faire du recrutement sous la responsabilité de Patrick Battiston. On m'avait donné comme mission de faire du recrutement. Et donc j'avais commencé. Et puis il arrive que les résultats ne sont pas bons avec Toni (Entraîneur des Girondins) qui n'a pas été aidé. J'ai fait un match avec Toni à Rennes, où j'ai pris un bouillon pas possible. Il s'avère que j'étais là, je ne sais pas qui a eu cette idée-là, si c'est, Jean-Didier Lange ou Patrick Battiston. Ils m'ont dit, mais pourquoi tu ne prendrais pas l'équipe. Ils recherchaient un choc psychologique. Il y avait quand même deux anciens qui étaient à mes côtés, Dominique Dropsy qui m'encadrait, et puis M. Michelena. J’ai dit, pourquoi pas, je n’ai rien à perdre, j'étais complètement innocent. Je ne connaissais rien à l'entraînement. Donc, j'y suis allé, j'ai tout de suite vu la différence.

La différence entre coach et joueur ?

Ah, mais j'ai tout de suite vu la différence. Tout de suite, j'ai fait un truc naturel, j'ai mis une distance entre les joueurs et moi.

Et ça s'est bien passé ? Comment ça a été accueilli ?

Non, ça ne s'est pas bien passé. Il y en a qui ont compris, il y en a d'autres qui n'ont pas compris, et moi je disais les choses. Je me suis attrapé avec Dugarry, bien sûr. On s'est attrapé. Donc, il y avait des interventions extérieures pour faire jouer Christophe Dugarry, mais moi, comme il ne m'avait pas respecté, je ne le faisais pas jouer. Ma femme aussi a vu des changements avec les autres femmes de joueurs, c'était la femme de coach. Et puis, je me suis aperçu qu'il fallait travailler.

Les résultats en sont là, puisque le bilan est bon

On avait une vraie équipe, quand tu as Zidane dans ton équipe, Laurent Fournier, Philippe Lucas, Didier Sénac, Valdeir, Bixente Lizarazu, Christophe Dugarry, c'est plus facile d'obtenir des résultats. C'est pour ça qu'ils m'ont mis, ils se sont dit que même un branquignol, avec le choc psychologique, peut obtenir des résultats. J'ai obtenu des résultats, sauf le match de Lille, où on doit passer, si on passe Lille on est qualifié directement pour la Coupe d’Europe. On dormait. Et là, j'ai poussé une gueulante dans le vestiaire, j'ai vu que j’étais passé de l'autre côté. Les mecs étaient étonnés que je gueule. J’étais vraiment passé de l'autre côté.

C’est cette saison que vous vous qualifiez pour la Coupe Intertoto qui mène Bordeaux en finale de la Coupe d’Europe en 1996. Pourquoi décidez-vous de partir à la fin de cette saison ?

Je pense que c’est l’une de mes plus grandes erreurs. Mon épouse m'a averti et m'a dit que je faisais une grosse erreur de partir des Girondins. On m'avait proposé de rester, d’aller à la formation pour passer mes diplômes d'entraîneur. Et je pense qu'à ce moment-là, j'avais un égo surdimensionné. Et puis, j'avais comme objectif de me reconstruire en tant qu'être humain, et en tant qu'entraîneur. Donc, j'ai décidé de partir à Angoulême parce qu'il y a mon mentor, qui était à Angoulême, monsieur Guy Latapie. Je voulais repartir sur une feuille blanche auprès de celui qui m’avait formé. Je pense que j'aurais dû rester aux Girondins parce qu'il y avait de la bienveillance autour de moi. Je pense que j'ai fait une erreur.

Vous revenez aux Girondins en 2016 comme recruteur. Comment s'est passé votre retour et pourquoi ?

C'était Jean-Louis Triaud, le président, et Jérôme Bonnissel qui était au recrutement arrête sa collaboration avec Bordeaux. Ça tombe au moment où je pars de Rennes, et j’appelle Jean-Louis Triaud que j'ai connu lorsque j'étais joueur aux Girondins afin de voir s'il recherche un recruteur. Au bout d'un certain temps que je harcèle Jean-Louis Triaud, Deveseleer (Directeur Général) et Jean-Louis Triaud décident de me prendre aux côtés de Paul Marconi et Thierry Bonalair sous la responsabilité d'Ulrich Ramé qui était directeur technique. Jean-Louis Triaud s'en va, après le changement de président, ça change de propriétaire (octobre 2018).

Ensuite, vous quittez le club en 2021 après la vente à Jogo Bonito et à l'homme d'affaires Gérard Lopez. Est-ce que c'est vous qui avez décidé de partir ?

Non. C'est une question de stratégie. Le recrutement c'est des postes stratégiques. Vous le voyez dans tous les clubs qui sont repris. Tous. Ils viennent avec leurs hommes. Je trouve que ce n’est vraiment pas déconnant. Après, ça s'est bien passé. Je n’ai eu aucun souci. On a négocié et on a trouvé un accord. Si j'achetais un club, je pense que je ferais la même chose. Je mettrais des mecs à moi au recrutement.

"Il faut être fou pour être recruteur"


Juste un mot sur votre rôle au recrutement. Vous aviez une zone définie quand vous étiez recruteur à Bordeaux ?

Quand on était Paul, Thierry et moi, on avait des zones préétablies. Après, on était toutes les semaines au téléphone à discuter de ce qu'on avait vu, etc. On faisait le planning ensemble. Il y avait Ulrich Ramé au-dessus. On faisait nos plannings nous-mêmes, et on avait des réunions tous les mois à Bordeaux. On avait une base de données propre au club.

D'accord. Le club de Bordeaux avait sa propre base de données ?

Oui, sa propre base de données qui avait été mise en place par Jérôme Bonnissel. Ça a duré un an et demi. Thierry et Paul sont partis avec le rachat par GACP et King Street et l’arrivée d’Eduardo Macia comme directeur sportif. Je suis resté avec Macia. Je ne sais pas pourquoi.

Avez-vous utilisé la base bordelaise ou il y avait d'autres méthodes avec Macia ?

Non. Ollie Waldron qui était directeur du recrutement a mis une autre base de données en place. Mais c'était le même principe. On avait des zones. Moi, j'avais la France. Mais c'était les mêmes principes. Et donc, vous écumez les stades avec des joueurs à suivre, vous faites des rapports, vous alimentez la base de données. Et après, il y a un tri qui est fait par la hiérarchie. Quand on n'était que trois, Thierry et Paul, c'est nous qui donnions les joueurs. Après, c'était plutôt Ollie Waldron qui faisait le tri, parce qu'il y avait plus de scouts. C'était une autre méthodologie, mais ça tenait la route.

"La Ligue 2 correspond au niveau des Girondins de Bordeaux"

 

Lequel de tous ces postes avez-vous préféré entre joueur, adjoint d'entraîneur, entraîneur, recruteur, car vous avez une expérience assez large de métier dans le football professionnel ?

C’est très facile de répondre. C’est celui de joueur, car c'est le moins difficile. On n'a qu'à s'occuper de soi. Où est-ce qu'on doit intervenir ? Sur sa propre performance. Donc, sur soi. C'est très facile. Il n'y a pas plus facile que d'être joueur. Qu'est-ce que tu dois maîtriser ? L'alimentation, l'hygiène de vie, le sommeil, l'entraînement. Le plus complexe, c'est l'entraîneur.

Et on prend du plaisir quand même, comme entraîneur ?

Oui, on prend du plaisir. C'est des bribes de plaisir, de partage avec son staff. Mais ça te bouffe une énergie. C'est pour ça qu'il faut être très respectueux du métier d'entraîneur. La chance que j'ai, c'est que j'ai tout fait. Je connais la difficulté de chaque poste.

Recruteur, c'est autre chose. Recruteur, c'est un travail de l'ombre. C'est ardu. On nous prend pour des touristes parce qu'on voyage, mais on ne voyage pas. On écume, on fait des matchs, on fait des programmations, deux, trois, quatre matchs par week-end, on doit prendre l'avion. Et personne ne le voit. Ce n’est pas mis en valeur. Et on ne veut pas l'être valorisé parce que... C'est nous, ça. C'est un travail de l'ombre. Il faut être acharné. Je lisais un article de Florian Maurice. Il dit qu'il faut être fou pour être recruteur. Mais il a raison. Il faut être fou pour être recruteur. Surtout parce qu'il faut aller fouiner, il faut aller chercher, il faut être en éveil continu. On est toujours sur l'ordinateur quand on n'est pas sur les routes, etc. Et les mecs, ils pensent qu'on dort. Et on ne parle jamais de nous. Si on parle de nous quand ça ne va pas dans le recrutement. On a de très bons recruteurs en France.

Et entraîneur, c'est autre chose. J’ai le plus grand respect pour le métier d'entraîneur. Je vois comme ils sont maltraités. Maltraités ! C'est une honte.

Comment trouvez-vous la situation du club aujourd'hui ?

La Ligue 2, ça ne correspond pas au statut du club. Mais maintenant, tous les statuts sont chamboulés. On voit bien que les Girondins de Bordeaux étaient un grand club. Mais on s'aperçoit que maintenant les Girondins de Bordeaux sont en Ligue 2. Il y a un changement de structuration des clubs. Les Girondins de Bordeaux, ils sont en Ligue 2. Ça correspond au niveau des Girondins de Bordeaux. C'est tout. Parce qu'il n'y a pas de miracle, il y a une logique. Le terrain reste le terrain. Mais bon, il existe encore un club. Donc, déjà en Ligue 2, il y a toujours la possibilité de monter en Ligue 1.

"Le traitement de David Guion a été violent"

 

Un mot sur l'arrivée d'Albert Riera comme entraîneur à Bordeaux. Que pensez-vous de ce choix ? Et est-ce que, selon vous, il peut redresser le bateau bordelais pour aller accrocher une des 5 premières places ?

C'est l'avenir qui nous le dira. Je ne sais pas. Je ne le connais pas du tout en tant qu'individu, et aussi en tant qu'entraîneur; je n’ai jamais vu jouer une de ses équipes en Slovénie. Le mieux est d'attendre de voir ce qu’il va faire. Il y a un propriétaire qui a choisi, avec un directeur sportif, un entraîneur. J'espère de tout cœur qu'il va réussir sa mission, c'est-à-dire amener les Girondins de Bordeaux dans le peloton de tête de Ligue 2. Pour l'instant, on dit que c'est la faute de David Guion mais on verra par la suite si c'est le cas. Et même s’il réussit et que David Guion n'a pas réussi, ce n’est pas parce que David Guion est à un moment donné moins bon.

Ce sont les circonstances qui font qu'à un moment donné, il y a l'usure du poste, etc. J'espère que David Guion va rebondir ailleurs. Mais son traitement a été dur. Quand les supporters invectivent l'entraîneur, ils se mettent une balle dans le pied. Moi, j'étais entraîneur sur le banc de touche, ça te touche. C'est violent. C'est violent. C'est le métier. Les gens vont me dire « Si tu fais ce métier-là, tu sais à quoi tu peux t'attendre. » Ouais, mais quand même. Il y a un homme derrière. Il y a une famille. Il y a des amis. Il y a des supporters. Je pense que David Guion et Denis Zanko ont fait le maximum. J'en suis certain.

Maintenant c'est Riera

Oui, et je souhaite aux Girondins qu'ils aient des résultats. Parce que c’est le club où j'ai encore des racines. L'identité des Girondins me convient parfaitement. J'ai accédé à un rêve. Je suis mort avec ce rêve dans le même club. Et je continuerai à suivre les Girondins de Bordeaux parce que c'est comme ça. Ma vie, elle est faite avec Bordeaux avec cette histoire-là. Donc, je ne pense pas que j'y reviendrai. C'est terminé maintenant. Mais je vais les accompagner. On discute des Girondins de Bordeaux avec les potes. Et j'espère qu'ils vont vite revenir. Parce qu’ils méritent. J'ai connu une histoire plus facile avec les Girondins.

N.P