Entretien - Romain Molina : "Je fais mon travail par amour"

22/11 - 13:30 | Il y a 6 mois
On ne présente plus Romain Molina ou presque. Ce journaliste d'investigation et auteur sort son 8e livre, "L'Industrie du football #1". Il se livre pour WebGirondins sur son goût des enquêtes, avec des anecdotes, sa vision du foot et de sa financiarisation. Il parle aussi des Girondins de Bordeaux et de l'homme d'affaires Gérard Lopez, le président propriétaire avec qui il a eu un démêlé en justice.
Entretien - Romain Molina : "Je fais mon travail par amour"

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Nous avions reçu Romain Molina sur WebGirondins dans notre Talk en 2018. Disponible, il avait accepté notre invitation et avait été le premier à nous mettre en garde sur la vente de M6 à GACP King Street. Découvrez ce nouvel entretien.

Son dernier livre : "L'industrie du Football #1"

"C'est le silence qui permet l’impunité"

 

WebGirondins : Romain, d'où te vient ce goût de l’investigation ?

Romain Molina : Depuis tout petit, j'ai toujours voulu savoir le pourquoi du comment, dès l'école maternelle. Donc, je dirais qu'il y a la curiosité naturelle d'aller au bout des choses et de comprendre. C'est le premier point. Deuxième point, ça fait 12 ans que j'ai commencé à travailler autour du monde du sport, notamment du foot. J'ai une énorme passion pour les divisions inférieures, britanniques, anglo-écossaises, les petites nations. J’ai commencé en faisant beaucoup d'entretiens avec des joueurs français ou francophones, des divisions inférieures.

C'était des longs entretiens, Anthony Andreu, Maxime Blanchard, Farid El Alaghi, qui d'ailleurs vient de Bergerac, qui a joué à Brentford et à Falkirk en Écosse. Et en fait, on parlait de tout, et là, rapidement, tu te rends compte à quel point il y a un écart entre ce qu'on te raconte, et réellement, comment les joueurs et les acteurs du milieu en parlent sans micro. Tu vois qu'il y a un écart béant. Abyssal. Donc forcément, ça suscite la curiosité. Je vais te prendre un exemple concret.

J'ai un pote à moi, Stéphane (Nom anonymisé, NDLR) qui jouait en 6e, 7e, division anglaise. Je tenais à l'époque un blog. On s'était vu sur Londres, avec un autre joueur qui jouait dans le même club. C'est un autre joueur français passé par Cannes. Et on parlait, on parlait, et Stéphane, à un moment donné, raconte une histoire qu’il a vécue lorsqu’il faisait un essai dans un club. Il y a un joueur qui avait un énorme bandage sur la main, comme s'il était brûlé. Un défenseur. Mais en fait, il n’était pas brûlé.

En résumé, le mec, dans un match, il met un but sur corner, la balle ricoche sur lui et rentre, c'est un grand costaud, un défenseur. Et il ne le célèbre pas. Le mec est ensuite bizarre pendant le match. Il fait d'énormes conneries dans cette rencontre. Après le match qui se termine par un score nul, ce gars-là va à l'hôtel avec un gars d'origine asiatique. En fait, le match, il devait plomber son équipe, truquer le match et le mec ne le fait pas. Ils lui ont pété les os de la main, et ils ont fait passer ça pour un accident domestique.

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C’était dans quelle division ?

Sixième ou septième à l'époque en Angleterre. Ce que je te dis, ça a 9-10 ans. Quand tu entends ce genre d'histoire, quand tu aimes le sport, quand tu aimes le foot, tu ne peux pas tolérer ça parce que c'est le silence qui permet l’impunité. Je fais ça uniquement par amour. Si je n'aimais pas le sport, si je n'aimais pas les gens, je ne le ferais pas. Je le fais par passion. Par exemple, j’ai fait des choses liées à l'escrime, au Kick-boxing, au basket, au paralympique.

Il y a un double devoir sur des disciplines moins médiatisées ou des clubs de foot moins médiatisés. Parce que, moins on en parle et plus c'est facile pour détourner de l'argent, avoir du trafic d'influence et d'autres choses parfois terribles.

Et je pense qu'on le voit en France notamment à travers la commission d'enquête liée aux dysfonctionnements des fédérations sportives. On se rend compte que le mouvement sportif en France est incapable de se réguler et cache énormément de choses. Donc, au final, si je n'avais pas l'amour du sport et des gens… je vais te parler en tant que fan de Bordeaux. GACP quand ils arrivent, tu peux t'en rappeler. Je suis le seul qui sonne l'alarme à l'époque. Je me suis fait insulter tous les jours.

"Je recevais des torrents d'insultes. Maintenant, est-ce que tu mens aux gens ?"

 

On t'avait invité dans notre émission de radio. Je m'en souviens très bien.

Et j'avais dit, "Varela, ce n'est pas possible" (Hugo Varela, conseiller de Joe DaGrosa à Bordeaux). Rappelle-toi à l'époque, je recevais des torrents d'insultes. Maintenant, est-ce que tu mens aux gens ? Parce que tous les gens qui ont vendu du rêve sur GACP, soit ils n'ont pas fait le boulot, soit ils sont mentis. De la même manière avec ce qu'il se passe vis-à-vis de Lyon, de Nîmes, de Niort. Tu n'as pas envie que ton club soit gangréné par des gens comme GACP. Par contre, est-ce que tu crois que ça me fait plaisir de recevoir des flots d'insultes, de me faire passer pour un taré ou je ne sais pas quoi ?

Comment fais-tu pour résister aux pressions des réseaux sociaux ?

Je ne lis pas, parce que ça va m'énerver. Même si je peux comprendre, les gens aiment leur club, c'est presque un membre de leur famille. Donc, ils ne vont pas accepter la moindre critique à ce sujet-là. Alors que ce n'est pas le club qui est en question. Ce n'est jamais contre un club. Je n'ai rien contre le club. C'est juste les gens qui se servent du club. Le problème, c'est qu'il y en a énormément qui estiment qu'on ne peut pas toucher leur club. Et c'est justement les dirigeants qui se servent de l'amour naïf que beaucoup de fans ont à Bordeaux comme ailleurs. Ce n'est pas un problème bordelais. Il suffit de voir Saint-Étienne, et Orléans par exemple. Donc, je ne lis pas. Ensuite, il y a des clubs qui utilisent des boîtes de communication pour créer aussi de la diffamation pour me faire passer pour un taré.

En outre, ce qui m'énerve le plus, c'est l'incapacité des instances à réguler le milieu et le nombre d'obstacles que tu as, notamment dans tous les dossiers que je traite de pédocriminalités.

Là, je vais te donner un exemple concret qui arrive. La lenteur administrative et bureaucratique de grandes organisations. Quand tu as un joueur dont je tairai le nom, et quelqu’un qui me contacte pour l’exfiltrer. Parce qu'autrement, il va mourir. Tu n'imagines pas la lenteur qu'il y a derrière. Et c'est moi que le mec contacte. Ça, c'est plus pesant. C'est beaucoup plus pesant de voir le silence des instances qui sont au courant de certaines choses et qui ne disent rien.

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Es-tu épaulé dans ton travail, et as-tu une équipe qui collabore avec toi ?

J'ai mon pote qui me fait les vignettes YouTube. Il y a des fois des enquêtes que je fais à deux. Dans The Guardian, on a beaucoup collaboré avec Ed Aarons. Dans le New York Times et la BBC aussi je fais des collaborations. J'ai fait un livre avec Benjamin Henry. Il y a des projets avec Josimar. Des fois, on me demande autre chose. Là, c'est The Inquisitor qui est une plateforme notamment sur le multisport et l'investigation. Donc, si tu veux, des fois, on s'entraide avec d'autres. Normalement, ce ne sont que des personnes à l'international. Sinon, je travaille tout seul. Je n'ai de compte à rendre à personne.

Tu gardes ton indépendance ?

Toujours. Autrement, est-ce que tu penses qu'on me dirait de faire autant de sujets sur des clubs de National ? Il y a beaucoup de gens qui parlent sans savoir ce que je fais réellement. Si tu veux aller voir la chaîne YouTube , il y a plus de sujets sur des clubs moins connus que connus. J'ai fait Bourg-en-Bresse, Martigues, Concarneau, Poitiers. Rien que ça. L'an passé, j'ai fait Dunkerque, Versailles, le FC Sète, Niort, Nîmes. Si je n'étais pas indépendant, jamais on ne me dirait de passer autant de temps pour cela.

Tu sors ton 8e livre, "l’industrie du Football #1". Qu'as-tu voulu raconter comme histoire dans ce livre ?

Déjà, c'est une série de livres. L'idée, c'est de le rendre accessible avec un petit prix, 11 euros. L'idée est d'avoir une certaine diffusion et de faire une série complète comme une collection de ce qu'est l'industrie footballistique. Le numéro 1 c’est du factuel, avec pas mal de documents. Je reviens sur le FIFA Gate, car les gens soit ils ne le connaissent pas, soit ils l'ont oublié, soit ils n'ont pas tous les tenants et les aboutissants.

C'est-à-dire que ce livre, c'est une enquête qui reprend aussi toute la somme de boulot depuis que je suis dans ce milieu. On va aller dans les coursives du milieu journalistique, des instances footballistiques, de la très haute politique qui finalement est intrinsèquement liée au football. Et c'est pour poser les bases de la série.

Ce n’est pas du réchauffé comme la série Netflix. Par exemple, j’ai écrit un chapitre sur Patrick John qui est l'ancien Premier ministre de la Dominique qui était président de la fédération de la Dominique. Il a été mis au panthéon de la CONCACAF alors qu’il a tenté un coup d'État avec le l’aide du Ku Klux Klan, cette organisation suprématiste blanche et meurtrière dans bien des cas. C'est un livre très factuel, ça montre un peu toute l'hypocrisie qu'il y a et les liens avec la grande politique un peu comme un thriller. Donc j'espère que ça va plaire.

"La DNCG a sauvé John Textor "

Est-ce qu'il y aura un numéro 2, un numéro 3, etc. ?

Oui, ce n'est pas très long à lire. Il n'est pas non plus tout petit. Il est entre les deux. La version e-book est à 8€. Il y aura par exemple un livre complet sur l'évolution de la financiarisation des clubs, le modèle des clubs aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, on peut le dire clairement, le football et les clubs, notamment européens, sont aux mains de la très grande finance et les fonds vautours. Bordeaux est un exemple. Et encore, Bordeaux, ce n'est pas grand-chose. Comprendre comment on est arrivé là. Car les ligues professionnelles se vendent à ces gens-là.

Aujourd'hui, il y a des clubs comme Lyon qui ne parlent plus que de dette, de rachat de dette...

La grande finance a racheté les clubs et maintenant les Ligues.

CVC, on a l'exemple en France. C'est en train de très mal se passer. C'est de voir réellement ce que sont devenus les clubs. Aujourd'hui, il y a des clubs où on parle de marque. Le football est un enjeu de pouvoir, tu le vois le même en bas. Je vais te prendre un exemple. Il y a de plus en plus d'argent aujourd'hui en N2, N3. On remarque qu'il y a une course à l'armement et des salaires mirobolants pour le niveau. Par exemple, le club de Chartre qui a été rétrogradé dans la division régionale. Le président c’était Gérard Soler. Il y a eu énormément de problèmes au club. Ils avaient pris des points de pénalité par la DNCG. Mais le maire de la ville a donné une subvention de plus de 1 M€ au club. Il avait toujours ce soutien politique.

Il suffit de voir le sauvetage miraculeux de Sochaux alors qu'ils n'ont pas l'argent. Sochaux, c'est un club historique. C'est un très beau club. Super public, tout ce que tu veux. C'est génial, Sochaux. Mais maintenant, Sochaux ne peut pas avoir un traitement différent des autres clubs. C'est comme Lyon. Lyon, normalement, ils sont en Ligue 2. Parce que l'argent qu'on a demandé de mettre sur le compte OL Group, il n'a jamais été mis sur OL Group. La DNCG a sauvé John Textor.

Il y en aura aussi livre spécial sur les matchs truqués. Là, je suis en train de faire une enquête sur un président de fédération en Asie qui a truqué les matchs de sa sélection nationale. Et la FIFA est au courant et n'a rien dit. Au final, c'est des enquêtes qui ont une action super importante pour l'intégrité de ce sport-là. Et donc, plus je fais des sujets à l'international, plus je suis contacté.

"Aujourd'hui tu as plus de 20 dirigeants ou coachs emprisonnés, suspendus ou mis en examen à la suite de mes enquêtes en trois ans et demi"

 

J’ai l’impression que tu as acquis une réputation sur ces enquêtes. Est-ce que tu le ressens ?

Il y a la perception du grand public. Elle est forcément différente des gens du milieu. Les gens du milieu, globalement, ils sont très flatteurs, ce qui est très dangereux. C'est justement là où tu dois être doublement vigilant, car j’ai réussi à faire bouger les lignes. Parce que quand même, aujourd'hui tu as plus de 20 dirigeants ou coachs emprisonnés, suspendus ou mis en examen à la suite de mes enquêtes en trois ans et demi. Notamment pour les affaires pédocriminelles et également de matchs truqués. Avec les matchs truqués, on doit être à 25% à 26%.

La super Coupe de Tunisie à l'époque, il y a 4 ans, elle est annulée à cause d’une de mes vidéos YouTube.

Et je vais même aller plus loin, mais quand je vois aujourd'hui la libération de la parole en France sur le thème de la pédocriminalité dans le sport, je pense modestement que c'est mon influence.

Je vais te donner un exemple. Aujourd'hui, tu as quelqu'un qui est presque sur le point de mourir et un de ses amis m'a contacté, il m'a dit “il veut te parler avant de mourir”. En gros, c'est pour se libérer spirituellement. Émotionnellement, c'est fort. Surtout, c'est sur des thèmes terribles. Oui, je suis contacté dans le monde entier par des gens du milieu du sport. Ce qui a changé depuis un an, un an et demi, depuis que j'ai fait des choses hors football, c'est que j'ai été contacté par d'autres fédérations que le foot comme le Basket, le kick-boxing. Je peux te dire que, par exemple, la fédération de tir en France est exceptionnelle. Ça, ce n'était pas le cas avant.

"Aux Girondins, j'ai l'impression qu'on a divisé les gens, qu'il y a un climat nauséabond autour du club"

 

Tu as commenté les soubresauts extrafootball des Girondins de Bordeaux depuis la vente du club en 2018. Comment juges-tu, aujourd'hui, au moment de notre discussion, l'évolution du club depuis 2018 ?

Déjà, je tiens à dire une chose, les déboires de Bordeaux viennent de la très mauvaise fin avec M6. Il ne faut jamais oublier la responsabilité de M6 dans tout ce qui se passe actuellement. Elle est, en tout cas, à mes yeux, colossale. Le choix de GACP a été honteux. Et c'est ça qui va précipiter la suite. Ce que je trouve surprenant, c'est qu'à l'époque, il y a le choix entre Blitzer et GACP et on va aller vers GACP.

Finalement, ils vendent à King Street, plus qu’à GACP.

Exactement. Tu remarques que la plupart des actionnaires historiques du football français, leur sortie a été une catastrophe parce qu'ils voulaient vendre à coups de prix et ils n'ont jamais assuré la pérennité et l'avenir du club en choisissant un bon repreneur : Sochaux, Nancy, Lyon, Bordeaux. Ça veut dire beaucoup. Ça dépasse Bordeaux. J'ai l'impression que les gens ne se rendent pas compte à quel point c'est grave de voir Bordeaux flirter avec la zone de relégation en National. Je trouve que les gens sont gentils. Alors, je sais qu'il y a eu énormément de soucis parce que depuis 4-5 ans, j'ai l'impression qu'on a divisé les gens qu'il y a un climat nauséabond autour du club. Et toi, tu es l'un de ceux qui ont dénoncé ça depuis longtemps. Aujourd'hui, on parle surtout de communication. Il n'y a aucun projet sportif au club.

On veut remonter, oui, mais le projet sportif, il est où ? Tu ne peux pas passer de Guion à Riera. L'effectif est mal construit. Ça n'a aucun sens au niveau logique.

Aujourd'hui, on fait des choix selon le quand dira-t-on et on divise les gens. Et il y a un côté nauséabond. De voir que dans le club on était content d'avoir mis des taquets à Buades de Rodez. Ça montre à quel point le climat est nauséabond et qu'il a été volontairement mis ainsi parce que ça masque un bilan sportif catastrophique depuis les deux rachats. Sportivement, c'est catastrophique.

Tu ne remontes pas l'an dernier. Faute professionnelle. Désolé. La Ligue 2 est faible l'an dernier.

Cette saison, je pense qu'avoir du mal à gagner au Canet-en-Roussilon (N3), ça résume tout. Le recrutement ne correspondait pas du tout aux besoins de l'équipe. Il n'y en a pas un qui est complémentaire. Maja, tu ne l'as pas remplacé dans son profil. Par contre, tu vas acheter Badji (3M€, NDLR). Tu as aussi un énorme problème de gardien.

"Bordeaux veut se renforcer au mercato d'hiver"

Tu fais plutôt une analyse technique cohérente

On a fait beaucoup de communication. On a divisé les gens. On a instauré un climat un peu malsain. C'est Bordeaux, c'est un grand club. Tu n'as pas à t’inventer une rivalité avec Rodez. Pour moi, s'inventer une rivalité avec Rodez, ça montre à quel point le club est tombé bas. Et je vais te dire un truc. Le club Rodez risque encore de se maintenir cette année. Je leur dis bravo. Pau, ils risquent de se maintenir encore cette année. Je leur dis bravo. Tu sais pourquoi je leur dis bravo. Parce qu'eux, ils savent ce qu'ils doivent faire.

C'est trop facile d'imputer tout à Gérard Lopez, il récupère le club en connaissance de cause. Mais c'est trop facile aujourd'hui de dire que c'est simplement Admar Lopes. Admar Lopes est maintenu par quelqu'un.

"Si Lopez gagnait, j'étais ruiné à un niveau… je ne sais pas comment j'aurais pu faire. Mais je ne lui en veux pas"

 

Tu as gagné un procès face à Gérard Lopez qui t'a poursuivi à la suite d’une vidéo que tu as faite. As-tu été surpris de cette action, et as-tu eu peur ?

Le montant était disproportionné, on me réclamait 50 000 euros plus 10 000 euros de frais d'avocat. Si tu veux, les passages incriminés, ça ne parlait même pas de lui. Mais du championnat belge et du fait de tous les problèmes qu'il a pu avoir en Belgique. Le seul truc qui m'a étonné, c'est que, déjà, il n'a pas fait appel, c'est-à-dire qu'il a accepté d’avoir perdu le procès qu’ il m'a intenté. Il y a des procédures bâillons, il y en a eu, ce n'est pas le seul, il y en aura d'autres. Mais ce n'est pas pour ça que je vais le déchirer derrière.

Ça t'arrive souvent d'être attaqué en justice ?

Oui. On peut parler un peu de harcèlement judiciaire. Il y en a qui m'ont attaqué trois fois quand même. Je trouve ça toujours curieux que la personne qui a dénoncé en premier des faits soit celle aujourd'hui qui est en justice, mais que tous les dirigeants qui ont couvert n'aient rien. Si Lopez gagnait, j'étais ruiné à un niveau… je ne sais pas comment j'aurais pu faire. Je ne lui en veux pas.

Est-ce que tu crois que cet homme d'affaires dont tu suis le parcours depuis le LOSC, qui se retrouve aujourd'hui à la tête de Bordeaux, et Boavista au Portugal, peut rester encore plusieurs saisons propriétaire des Girondins de Bordeaux ?

Je souhaite le meilleur pour le club, donc espérons une deuxième partie de saison bien meilleure. On fait croire en interne que Bordeaux pourrait accrocher une place en barrage. Aujourd'hui, vu le niveau du club, tu ne peux pas. Je sais qu'au mercato d’hiver ils veulent se renforcer. Le problème, c’est Admar Lopes qui fait le recrutement, permettez-moi d'avoir de gros doutes vu les derniers recrutements réalisés. Bordeaux a besoin de monter en Ligue 1 pour survivre et pour que Gérard Lopez reste. Mais non, je ne le vois pas rester dans la durée. À un moment donné, tu as la réalité financière qui va rattraper le club. Comment Bordeaux va-t-il vivre une troisième année en Ligue 2 ?

"Gérard Lopez est capable de tout et rebondi"

 

Donc, pour toi, si on ne monte pas en Ligue 2, Gérard Lopez ne restera pas propriétaire des Girondins ?

C'est dur à dire. Je lui tire mon chapeau pour avoir réussi à faire plier King Street et Fortress. Chapeau. Je ne sais pas comment il s'est débrouillé, il est très fort. Il est capable de tout et rebondi. Je ne peux pas prédire. D'ailleurs, l'histoire des 40 millions d’euros qu'il a mis cet été, c'est plus compliqué que ça. Je sais juste déjà qu'il y a des taux d'intérêt. Vraiment, je me pose des questions si Bordeaux doit faire une troisième année en Ligue 2 vu les dépenses. Le club a un gros train de vie quand même. Maintenant, financièrement, quand tu vois certains salaires en équipe une...

Des salaires de joueurs Ligue 1

Exactement. Donc, c'est pour ça que je te dis que c'est nécessaire la Ligue 1.

J'ai une dernière question pour terminer sur une note positive. Est-ce que tu as un exemple de club de foot vertueux dans sa gestion que tu aimerais mettre en avant ?

Concarneau. Alors, je ne dis pas que c'était parfait. Quand je vois les bâtons dans les roues que la LFP essaye de leur mettre, car ce n'est pas une grande agglomération, ce n'est pas sur les axes autoroutiers, que ça ne fait pas rêver parce qu'on est sur une course à élitisme. Alors qu'au final, c'est un club qui a le plus petit budget, qui se comporte bien.

Je vais te donner un exemple. Le président Concarneau a été outré cet été. Il y a des gens qui lui ont dit « Ah, mais voyons, tu ne vas pas voter pour la réintégration d'Annecy quand même. Comme ça, ça te fera tant de plus pour ton club sur les droits TV. » Et qu'il les a regardés en disant « Mais vous prenez pour qui ? Qu'est-ce que je m'en fous de gagner plus ? »

Max Marty, président de Grenoble, a tout fait pour couler Annecy. Tout. Pour gagner un peu plus par rapport à la répartition des droits TV. C'est juste pour ça leur motivation. Le mec de Concarneau aurait pu les suivre parce qu'il n'a pas beaucoup d'argent. Il est resté droit.

C'est un club qui travaille bien avec le tissu économique local. Je ne dis pas que tout est parfait, mais je te dis qu'ils ont un vrai projet. En plus, ils n'ont pas renié leur valeur. C’est un club de foot avec des composantes sociales. Ils ont énormément travaillé sur les partenaires au niveau du tissu économique local parce qu'ils ne sont pas aidés sur de grosses subventions contrairement à d'autres. Et c'est plutôt humain et sain. Les clubs de la stature de Concarneau devraient s’inspirer d’eux. Parce qu'ils n'ont jamais été dans la folie des grandeurs, de penser qu'ils allaient révolutionner le monde. Il y a un côté humilité. Et ça, c'est rare.

N.P