Mourad Benbelkacem : "Le mental ne peut pas suivre si je n’ai pas physique"

15/03 - 18:43 | Par la rédaction | Il y a 4 ans
Mourad Benbelkacem (49 ans) préparateur physique et entraîneur d'athlétisme depuis plusieurs années nous a répondu. Chargé de la préparation physique d'athlètes, de joueurs de football professionnels et de Boxeurs dont Jean-Marc Mormeck ancien champion du monde de Boxe, il nous éclaire sur l'aspect physique des joueurs dans la situation des Girondins.
Mourad Benbelkacem : "Le mental ne peut pas suivre si je n’ai pas physique"

© Iconsport

WG : Aujourd’hui on voit des joueurs des Girondins qui flanchent assez rapidement physiquement au cours des matchs. Ils sont dépassés dans l'engagement et dans l’intensité par leurs adversaires. Comment l’expliquer ? Est-ce physique ou est-ce dans la tête ?

Mourad Benbelkacem : On ne peut pas dissocier l’aspect mental de l’aspect physique. Un exemple. On dit souvent que si on a craqué c'est dans la tête on n’y est plus.

Déjà, j’estime qu'un joueur de football professionnel de haut niveau qui est très très bien rémunéré ne devrait pas avoir de problèmes psychologiques pour aborder un match. Tu peux avoir un problème psychologique dans une situation difficile quand tu es un ouvrier et que tu ne gagnes pas bien ta vie. Là tu te poses des questions.

On met beaucoup en avant ces problèmes psychologiques car c’est un phénomène de mode je pense. J'estime qu’on ne devrait pas faire appel à un préparateur mental si quelque part on avait un équilibre physique.

Quand tu me dis, ils plongent à la 30e minute, et qu'il y a un déficit physique. Ça ne peut pas être mental. Ils ne peuvent pas lâcher un match de 90 minutes au bout de 30 minutes. Ce qui te permet de dire si c’est mental ou physique c’est l'observation du match.
Pourquoi tu lâches un match au bout de 30 minutes quand tu es joueur professionnel ? Il n’y a pas de raisons.

"La préparation physique te permet d’avoir plus de lucidité et plus de concentration"

 

On voit aussi beaucoup d'erreurs techniques, des gestes faciles et presque une passe sur deux ratée par certains joueurs. Est-ce physique ?

Effectivement, la préparation physique te permet d’avoir plus de lucidité et plus de concentration. Au bout de 30 minutes tu ne peux pas être cramé. Après si tu es cramé au bout de 30 minutes c'est très grave, c’est qu’il y a un gros problème de préparation. Normalement dans le football, on parle de physique à partir de la 60e minute de jeu. C’est impossible de lâcher mentalement et physiquement au bout de 30 minutes.

Pourtant c'est l'impression que l’on a.

Le mental ne peut pas suivre si je n’ai pas physique. Pour que le mental intervienne, il faut qu’il y ait le physique. Le mental intervient en deuxième position après le physique. Je ne dis pas ça parce que je suis préparateur physique. S’il n’y a pas de physique, le mental ne peut pas intervenir. Quand tu es bien préparé le mental peut intervenir.

Par exemple, le mental ne peut pas compenser une mauvaise préparation ?

Exactement. Nous sommes des êtres humains, il y a l’aspect physiologique qui entre en compte. Si tu es bien préparé physiquement et que tu plonges, effectivement il y a un problème mental. Mais il n’a pas lieu d'être. Tu es professionnel, tu ne peux pas plonger au bout de 30 minutes. Parce que c’est ton métier. On te demande simplement de jouer un match d'une heure et demie.

"C’est inadmissible de lâcher mentalement s’il n’y a pas de raison physique"

 

Comment faire alors ?

Si je devais intervenir en tant que préparateur physique, j'essaierais de mettre les joueurs devant leurs responsabilités en essayant de leur faire comprendre certaines choses de la vie. Au-delà d'être des privilégiés, faire des efforts pendant une heure trente en sachant qu’ils ont une très belle vie, ce n’est rien du tout. Le problème c’est que ces gens n’ont pas connu la difficulté et ce qu’on leur demande n’est pas normal. Mais un joueur de football est un employé, l'entraîneur entraîne et les joueurs jouent. Ce n’est pas normal. Est-ce qu’ils sont malades ? Ils gagnent très bien leur vie. Pour moi, c’est inadmissible de lâcher mentalement s’il n’y a pas de raison physique.

Supposons qu’il y a aujourd’hui un déficit physique, foncier. Comment fait-on pour les 10 derniers matchs pour avoir cette intensité dans le jeu et des joueurs “morts de faim” ?

Il faut une prise de conscience, un élément déclencheur, essayer de faire intervenir un élément extérieur avec une expérience pour leur faire comprendre certaines choses. Il faut un déclic. Il faut quelqu'un d’extérieur et de légitime avec de l’expérience, qui a du vécu, comme je l'ai par exemple. Les joueurs doivent se responsabiliser et se rendre compte de leur chipotage.

Depuis que David Guion est arrivé, il n’y a pas eu spécialement de changement. Le match face à Monaco... on ne peut pas se contenter d’un match nul face à Monaco à 11 contre 10 pendant presque toute la rencontre. Ce n’est ni Madrid ni Barcelone. Dans ma conception on se fiche de l’adversaire. Tu es à onze contre dix quand même, c'est admissible dans ma conception.

"La caisse et le foncier sont primordiaux"

 

Et physiquement on peut inverser la tendance ?

Il y a une trêve qui se profile. Il faut gérer les blessures dans le sport de haut niveau et faire attention aux ischio, un muscle profond et difficile à travailler mais on peut le faire chez le footballeur. Il y a beaucoup de courses à haute vitesse dans les matchs. Pour moi, il faut privilégier le foncier et la caisse en situation d'entraînement. Cela a toujours été mon approche. C’est ça qui va te permettre de terminer un match, d'être plus lucide et d'éviter les blessures. Ce n’est pas la musculation ou le renforcement musculaire à tout va qui va te permettre de ne pas te blesser.

La caisse et le foncier sont primordiaux. Après tu peux tout faire et travailler. Il faut bien s’hydrater, bien dormir, c’est plein de détails. Malheureusement, aujourd'hui les joueurs de football veulent les avantages sans les inconvénients. Si on peut appeler ça des inconvénients de ne pas sortir pour avoir une vie de rêve.

À ce stade de la saison c’est encore possible de faire du foncier ?

Bien sûr oui, il faut modifier les entraînements et avoir une autre approche. Il faut accepter de fermer les yeux sur certaines convictions que l’on peut avoir. Dans la situation des Girondins, il faut tout accepter car ça ne peut pas être pire. Il faut arrêter de dire qu'il reste 30 points à prendre. Même le PSG ne prendra pas les 30 points qui restent. Ce n'est pas possible. Il faut déjà se projeter sur le prochain match déjà. Quand tu gagnes bien ta vie tu ne peux pas flancher mentalement, ce n'est pas possible.

N.P

WhatsApp Image 2022-03-15 at 18.52.11 (1).jpeg (238 KB)
Mourad Benbelkacem