Lens n'a pas si mauvaise mine
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Malgré un futur sportif qui s’oriente fortement vers la L2, des problèmes de direction, et un effectif qui n’était pas taillé pour la L1, le RC Lens n’a jamais donné l’impression de lâcher. Mieux, l’équipe inexpérimentée a parcouru la saison avec courage en présentant un visage parfois conquérant.
La forme de l’équipe
Jeune, surtout inexpérimentée au niveau de la division supérieure en France, l’équipe lensoise n’a jamais démérité. Après un mois d’août correct (2 défaites et 2 victoires), les Sang et Or ont tenu tant bien que mal jusqu’à la trêve hivernale. Quelques victoires (à Toulouse, face à Metz et Nice) et matchs nuls encourageants (1-1 face à Lille, 3-3 à Montpellier) ont permis aux Lensois de terminer la première partie de saison en 16eme position, au coude à coude avec les autres équipes menacées par une éventuelle descente. Mais quand des formations comme Evian, Lorient ou Caen ont soit redressé la barre, soit maintenu le cap, Lens a fait partie des équipes qui se sont écroulées au retour des vacances. Au même titre que Toulouse, le RC Lens a plongé, ne récoltant que 6 points en 11 rencontres de championnat. Un bilan famélique qui justifie le classement des Lensois en 19eme position avec un retard presque irrémédiable de 9 points sur Lorient 17eme. Pourtant, les joueurs d’Antoine Kombouaré n’ont pas été ridicules face à Marseille lors de leur dernière grosse défaite à domicile (0-4) et ont frôlé l’exploit à Saint-Etienne (3-3). Toutes les caractéristiques d’une équipe qui a tenté sa chance toute la saison avec un état d’esprit positif, sans paraître totalement hors sujet, mais qui n’est jamais parvenue à surpasser des problèmes structurels, administratifs et d’effectif pour créer un exploit au regard de la composition de son groupe professionnel.
Les joueurs, l’effectif
L’effectif lensois est jeune et inexpérimenté à l’échelle de la L1 française. Quelques joueurs comme Rudy Riou (35 ans), Ahmed Kantari (29 ans) ou Ludovic Baal (28 ans) ont bien connu la L1, mais la plupart des joueurs de l’équipe nordiste ont découvert l’élite cette saison. Même des joueurs d’expérience comme Jérôme Le Moigne (32 ans), Yoann Touzghar (28 ans), Alharabi El Jadeyaoui (28 ans) ou Lalaïna Nomenjanahary (29 ans) ont découvert pleinement la première division cette saison, même si le premier nommé avait déjà joué 11 matchs avec Sedan il y a sept ans. Au milieu de ces joueurs se situe Adamo Coulibaly, deuxième meilleur buteur du club avec 4 buts, qui du haut de ses 33 ans avait déjà joué la Ligue des Champions avec Debrecen son ancien club. L’attaque lensoise est aussi composée de Pablo Chavarria, 26 ans et auteur de 4 buts, et de Yoann Touzghar, meilleur buteur du club avec 7 réalisations. Entre ces joueurs à l’âge de la maturité mais non rompus aux joutes de la L1 et les trois joueurs qui connaissaient déjà l’élite, se trouve une armée de jeunes professionnels qui font preuve d’enthousiasme depuis le début de saison. Ces nouveaux joueurs de L1 illustrent parfaitement la saison lensoise faite de volonté mais de vraies limites difficiles à repousser en une année. Loïck Landre, formé au PSG et préparé au professionnalisme en L2 (Gazélec Ajaccio et Clermont), apparaît presque comme un leader à 22 ans. L’ancien parisien a prouvé qu’il possédait des qualités en défense centrale grâce à une grande tonicité et à un bon sens du placement, parfois contrecarrés par un engagement un peu trop grand. Ses compères de la défense Dimitri Cavaré (20 ans et futur rennais) et Jean-Philippe Gbamin (19 ans), ne comptaient que 33 matchs professionnels à eux deux avant cette première saison de L1. Cavaré, qui devenait un élément important de la défense, s’est donné une rupture des ligaments croisés du genou fin février et ne portera plus le maillot lensois, comme un symbole de cette équipe valeureuse mais malheureuse. Au milieu de terrain et en attaque, les autres éléments prometteurs de cette jeune équipe lensoise se nomment Benjamin Bourigeaud (21 ans, 15 matchs de L2 dans les jambes avant cette saison), Wylan Cyprien (20 ans, 35 matchs de L2), et Baptiste Guillaume buteur belge de 19 ans (2 réalisations en L1 ; 6 matchs de L2 l’an dernier). Du potentiel, de l’envie, mais l’absence de joueurs estampillés L1, dictée par l’interdiction de recrutement de la DNCG, a empêché l’effectif lensois de surpasser ses difficultés.
Les statistiques
L’analyse du jeu : l’exemple de Lens-Marseille
Les Lensois n’ont pas démérité malgré la sévérité du score (0-4). À égalité avec les Marseillais à la pause, les joueurs du Racing Club de Lens auraient pu mener 2-0 sans que cela ne relève du miracle. Deux occasions très franches de Pablo Chavarria et Yoann Touzghar auraient du permettre à Lens de prendre le score. Sur des erreurs individuelles, et un manque de maturité, les joueurs d’Antoine Kombouaré ont totalement sombré au cours de la deuxième mi-temps. Un score lourd qui ne reflète pas la qualité lensoise, mais qui extrapole certaines lacunes qui font aussi la qualité du jeu lensois avec notamment le jeu dans les couloirs qui ressemble à une arme à double tranchant. Face à Marseille, de très bons centres, notamment de Benjamin Boulenger et Wylan Cyprien, ont permis la création des deux plus belles occasions de la première période. Mais, en phase défensive, les couloirs, et notamment le couloir gauche, étaient de vrais espaces de jeu à exploiter pour les Marseillais. Brice Dja Djédjé, se retrouva à plusieurs reprises en position d’ajuster ses centres sans réelle opposition. Généreuse en phases offensives, notamment sur les ailes, la jeune équipe lensoise semble connaître plus de difficultés lorsqu’il s’agit de se positionner et de bien occuper le terrain. Cette image qui reflète le manque de maîtrise de l’équipe se retrouve lors de l’animation du jeu. Si l’équipe lensoise est dangereuse sur des situations de contre, elle perd plus souvent le ballon et ne parvient pas à imposer son jeu lorsque l’adversaire est en place et qu’elle bénéficie de la possession. Enfin, défensivement, un grain de sable peut vite enrayer la machine et faire perdre ses moyens au collectif. Face à Marseille, deux mauvaises interventions du gardien Rudy Riou ont mis hors de position une défense pourtant présente en nombre et profité à Batshuayi sur le premier but olympien. Le quatrième but marseillais, lui aussi inscrit par Batshuayi, caractérise avec force cette fragilité du bloc lensois : André Ayew, déboula en plein coeur de la défense sans que personne n’intervienne pour servir son coéquipier belge. Dimanche après-midi, Bordeaux affrontera une équipe généreuse, capable de jouer avec enthousiasme et de contrer rapidement, mais aussi en manque de réussite depuis plusieurs mois. Un pressing haut des Bordelais pourrait déstabiliser l’édifice lensois, qui, au contraire, pourrait s’épanouir si les Girondins laissent le jeu de contre se développer.
3 questions à… Laurent Mazure (Journaliste pour le site www.lensois.com - Correspondant pour L’Equipe)
WebGirondins : La saisons lensoise ressemble à un long chemin de croix. Est-ce réaliste comme description ?
Laurent Mazure : C’est très réaliste. Il y a eu toute la saison les problèmes extrasportifs que l’on connaît, avec notamment l’argent d’Hafiz Mammadov qui n’est jamais arrivé. L’actionnaire, qui connaît de gros problèmes avec l’état en Azerbaïdjan, l’interdiction de recruter par la DNCG, les recours notamment au CNOSF qui n’ont rien donné, la coach qui fait grève en début de saison, la perte des meilleurs joueurs comme Yahia, Areola ou Tisserand, cela fait beaucoup. Cette saison Lens s’est appuyé sur des jeunes prometteurs mais sans aucune expérience. Regardez Loïck Landre le défenseur central. C’est le taulier de la défense… Mais il n’a que 22 ans et a pris 7 matchs de suspension en novembre, ce qui rajoute de la difficulté. Dès le départ la préparation à cette saison en L1 n’était pas bonne. On peut aussi rajouter à la liste des problèmes, le fait d’être sans domicile fixe, loin de Bolleart, souvent à Amiens et quelques fois au Stade de France. Malgré tout, on s’attendait à voir Lens couler dès le départ mais la solidarité de cette équipe a été énorme et les joueurs ont tenu jusqu’en janvier avec parfois de très bons matchs de football. Mais depuis la reprise c’est la bérézina et le club a touché le fond du classement. L’équipe est enthousiaste mais jeune et naïve.
WebGirondins : Quels sont les motifs d’espoir pour la fin de saison… Et la prochaine saison ?
Laurent Mazure : En fin de saison Lens va descendre. Si derrière l’actionnaire ne fait rien, s’il ne bouge pas soit en rendant ses parts, soit en mettant de l’argent, il faudra vendre pour récupérer 10 à 13 millions d’euros pour ne pas se retrouver en danger. Les jeunes joueurs qui ont pris de l’expérience cette saison et pourraient être de futurs très bons joueurs seront vendus et on se séparera d’un vivier qui aurait pu porter ses fruits. C’est donc le flou total pour la suite. Concernant la fin de saison, tant que ce n’est pas fait, évidemment qu’on peut encore y croire un peu, mais s’il n’y a pas de victoire à Bordeaux ce sera impossible de revenir. Aujourd’hui Lens est en L2 à 99%. L’espoir c’est que les joueurs donnent du bonheur aux fans en cette fin de saison, car les supporters n’ont jamais lâché. Derrière, il y aura des matchs importants face à Lorient et Metz mais ça fait deux mois qu’on se dit que les rencontres face aux concurrents directs sont des matchs à ne pas perdre et les résultats ne sont pas au rendez-vous. Lens n’a gagné que 6 matchs sur 30, pourquoi est-ce que cela irait mieux maintenant ? Les joueurs et le staff tentent de maintenir le feu en vie, mais il faut arrêter de se mentir car il faudrait 5 victoires et le calendrier est très lourd.
WebGirondins : Comment voyez-vous ce Bordeaux-Lens ?
Laurent Mazure : Je pense que la rencontre ne sera pas facile pour Bordeaux. Lens viendra avec un bloc assez bas, sans pour autant refuser le jeu. Les Sang et Or ont des défauts techniques mais ils aiment jouer malgré leurs problèmes qui sont aussi présents dans le domaine tactique. L’équipe est très à l’aise sur le plan du contre. Ce ne sera pas une partie de plaisir pour Bordeaux car Lens n’a jamais rien donné à ses adversaires cette saison malgré ses problèmes. Si les Girondins ouvrent le score rapidement, je pense que le match sera plié et que l’addition peut être salée ensuite. Il faut aussi savoir que Lens va jouer ses huit derniers rendez-vous comme des matchs de coupe. Il y a de la jeunesse, de l’insouciance, et ça peut être quitte ou double. Bordeaux pourra profiter de chaque espace, de chaque placement approximatif pour s’imposer, mais ce ne sera pas facile pour autant car l’équipe lensoise ne lâchera pas grâce à un esprit et un sérieux qui ont toujours été là cette saison.
Par Florian Rodriguez