Cet OM atypique

10/04 - 17:21 | Il y a 10 ans

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Transformé, modelé et presque révolutionné par Marcelo Bielsa, l’Olympique de Marseille réalise une saison en trombe sous la main du coach argentin. Mais le jeu flamboyant marseillais cache quelques failles qui pourraient compromettre l’obtention de l’une des meilleures places du championnat.

La forme de l’équipe

Après avoir débuté mollement le championnat avec 1 point récolté en deux rencontres, les Marseillais ont enchaîné 8 victoires en L1 et lancé une saison qui ne laisse personne indifférent. Étouffant pour ses adversaires, le jeu olympien également gourmand en énergie, a aussi joué des tours à Marcelo Bielsa qui a vu son équipe pécher à Lyon et Paris par manque de réalisme. Quelques matchs ont impressionné la France du football, avec des victoires écrasantes à l’extérieur (0-5 à Reims ; 1-6 à Toulouse), et des matchs non victorieux où Marseille s’est montré à la hauteur avec notamment un 0-0 de haute lutte au Stade Vélodrome face à Lyon. La saison marseillaise demeure paradoxale avec des résultats malvenus qui ont freiné l’ascension vers le titre. Premiers à la trêve, les Marseillais ont enchaîné 3 nuls en février avant de perdre à domicile face à Caen (2-3). Le mois de mars , plus aéré, laissait présager un retour de flamme pour l’OM, victorieux sur des scores très larges à Toulouse et Lens (1-6 et 0-4) et auteur d’un nul solide face à Lyon. Mais la défaite face au PSG dimanche dernier (2-3) a brutalement relégué les Marseillais à 5 points du leader après une deuxième mi-temps où les Olympiens ont semblé en panne sèche. Au plus mauvais moment avant d’attaquer un sprint final qui pourrait laisser de l’amertume à une saison jusqu’ici pleine de piquant.

Les joueurs, l’effectif

L’effectif marseillais est hétéroclite. Sur le papier, le secteur purement offensif a fière allure. André Ayew international ghanéen souvent supervisé par de grands clubs européens, Florian Thauvin joueur réputé individualiste mais talentueux, ou encore Dimitri Payet et André-Pierre Gignac qui réalisent chacun une saison détonnante au niveau des statistiques, sont des éléments de grande importance. Les 18 buts de Gignac, les 6 buts et 12 passes décisives de Payet trouvent du répondant avec Michy Batshuayi auteur de 8 buts et Romain Alessandrini et ses 3 passes décisives malgré un temps de jeu très réduit. Si l’attaque se porte bien, que le milieu de terrain est complet avec Gianelli Imbula, Alaixys Romao et Mario Lemina, la défense marseillaise est souvent en souffrance. Très légère en nombre, l’arrière-garde olympienne qui devrait compter sur le retour de blessure de Nicolas Nkoulou en cette fin de saison, a souvent pâti de l’allant offensif de l’équipe. Portée par un Jérémy Morel très bon en défense centrale, l’équipe marseillaise n’en demeure pas moins en difficulté sur les ailes où l’enthousiasme débordant de Benjamin Mendy et Brice Dja Djédjé dans les phases offensives pénalise parfois un secteur défensif qui reste le talon d’Achille d’une équipe construite pour attaquer par Marcelo Bielsa.

Les statistiques

L’analyse du jeu : l’exemple de Marseille-PSG

Marseille présente un avantage de taille pour les observateurs des équipes adverses : le club évolue à domicile et à l’extérieur avec la même philosophie de jeu et les mêmes mécanismes : presser sans relâcher l’étreinte, récupérer le ballon le plus rapidement possible, et se ruer à l’attaque via un jeu direct. À l’image de ses compositions d’équipes données la veille des matchs alors que ses confrères de L1 ne dévoilent leur onze de départ qu’à une heure du coup d’envoi, Marcelo Bielsa annonce la couleur. L’Athletic Bilbao qu’il dirigeait avant de prendre en main l’OM évoluait sur les mêmes bases. Le match face à Paris s’est déroulé dans cette lignée : ne pas changer d’esprit, d’attitude, et persévérer sur les chemins tracés. Auteurs d’une première mi-temps intense, les Marseillais ont profité de leurs rares occasions pour mener deux fois au score et renvoyer Paris au tapis à la mi-temps (2-1). Mais ce pressing incessant, cet allant offensif insatiable, ont peut-être coupé les jambes des Marseillais qui n’ont pu que constater les dégâts lorsque le PSG est rentré dans le match en deuxième mi-temps et a augmenté son niveau d’intensité pour se rapprocher de celui des Phocéens. Face au PSG, Marseille a de nouveau montré du doigt ses faiblesses : une impossibilité de résister lors des temps faibles après avoir puisé dans ses réserves lors d’une première mi-temps à la limite du soutenable en termes de pressing... Et une défense souvent livrée à elle-même. Si les joueurs offensifs participent au travail défensif à l’occasion des phases de pression sur l’adversaire, la configuration change lorsque l’usure physique s’impose. Le but contre son camp de Morel qui permit au PSG de prendre l’avantage, démontra l’incapacité des latéraux, notamment Brice Dja Djédjé, de revenir défendre après un énième effort offensif, et l’absence de joueurs offensifs pour compenser la montée du défenseur. Marseille reste imprévisible avec sa capacité à beaucoup marquer et à faire craquer ses adversaires, mais aussi son incapacité à tenir le coup dans ses moments faibles au niveau physique. Comme toute équipe qui affronte l’Olympique de Marseille cette saison, Bordeaux aura intérêt à déjouer le pressing et à occuper les espaces laissés vacants par les joueurs n’assurant pas le repli défensif à un moment ou un autre du match. Un jeu long et précis pour des électrons libres prêts à placer des contres meurtriers pourrait déstabiliser un colosse aux pieds d’argile.

3 questions à… Tony Selliez (Journaliste à France Bleu Provence — Ex-journaliste à France Bleu Gironde)

WebGirondins : Est-ce que cette équipe de Marseille a un rapport inédit avec ses supporters qui lui pardonnent tout cette saison ?

Tony Selliez : On pardonne tout à Marcelo Bielsa. Il ne fait pas l’unanimité absolue, mais il a dans sa poche énormément de supporters qui lui vouent presque un culte. Il faut reconnaître qu’il a apporté un nouveau souffle, quelque chose de presque mystique. Il est capable de faire croire énormément de choses par sa force de conviction. Parfois, ses choix tactiques surprennent, mais il parvient à les faire accepter et assimiler. Avec un peu de recul, on se rend tout de même compte que Marseille a été éliminé au premier tour des deux coupes nationales, et que le club n’a aucune garantie de terminer dans le trio de tête. Le bilan de Bielsa pourrait devenir moins brillant qu’il ne semble l’être. Mais ce personnage reste incroyable. Avant qu’il n’ait posé un pied à Marignane, il faisait déjà l’objet d’un mythe à Marseille. Et tout cela a été confirmé par le jeu proposé. En tant que journaliste, j’ai rarement eu autant de plaisir à commenter des matchs de football. Il se passe toujours quelque chose avec cet OM là, et les gens le savent très bien, et c’est pour cela que malgré les déconvenues, ils pardonnent presque tout.

WebGirondins : Est-ce que les joueurs, y compris les défenseurs, apprécient cette orgie de jeu voulue par le coach ? Plus généralement, ont-ils de vraies affinités avec Marcelo Bielsa ?

Tony Selliez : Le premier à souhaiter que Bielsa reste à Marseille, c’est le gardien, Mandanda. Il y a un côté « je vais vous faire faire des trucs de dingues, mais faites-moi confiance et ça va marcher » chez le coach marseillais. Les joueurs ont confiance en lui. C’est tout le paradoxe : ils ont toujours Bielsa sur le dos, mais ils sont comme les observateurs, ils sont fascinés par le personnage. C’est quelqu’un qui est capable de filmer les joueurs avec sa Go-Pro à l’entraînement et de montrer instantanément les images à ses joueurs après un exercice pour corriger leurs mouvements. Quoiqu’il arrive, il y aura un héritage Bielsa car il fait progresser ses joueurs, et ces derniers le savent. Maintenant, il est évident qu’il a aussi lâché la bride à un moment de la saison où les joueurs en avaient besoin. C’est aussi sa force : avoir accepté d’écouter les joueurs. Les efforts sont aussi plus faciles à encaisser quand les résultats sont là, et c’est pour ça que lorsque Willy Sagnol disait que la méthode Bielsa était peut-être compliquée à appliquer sur le long terme, ce n’était peut-être pas hors sujet. En tous cas c’est un personnage extrêmement intelligent avec des conférences de presse passionnantes, des discours calculés au mot près, et aussi une façon de jouer avec la presse qui a permis de protéger ses joueurs en se confrontant à elle à un moment où son équipe tournait moins bien.

WebGirondins : Comment voyez-vous ce Bordeaux-Marseille ?

Tony Selliez : Autant il se passe un truc mystique à Marseille cette saison, autant il y a quelque chose d’irrationnel avec l’OM à Lescure. J’ai vécu entre 12 et 15 matchs entre Bordeaux et Marseille en Gironde et j’ai beaucoup de souvenirs de matchs où Marseille était proche de casser sa spirale négative, et à chaque fois un grain de sable venait relancer les Girondins. Dimanche, il y aura cette rencontre entre Bielsa et Lescure, une rencontre irrationnelle. Il y aura de l’électricité dans l’air. La seule chose que je n’imagine pas, c’est de voir Bordeaux battre largement Marseille. Je pense que le match sera serré. J’ai surtout hâte de vivre le dernier quart d’heure du match, car je suis sûr que pas mal de rebondissements peuvent se passer dans ce moment. Bordeaux peut très bien mener et Marseille, avec sa force de frappe peut revenir. À l’inverse, Bordeaux porté par son public, face à la défense de Marseille, pourrait très bien revenir d’un 0-2. Avec Marseille, on assiste rarement à des mauvais matchs cette saison, après que va proposer le Bordeaux de Sagnol ? Une chose est certaine, on n’est pas dans le même délire qu’avant le match face au PSG ici à Marseille, mais la pression est encore très importante et les supporters marseillais et les joueurs ont hâte de jouer face à Bordeaux.

 

Par Florian Rodriguez

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