Entretien - Adli, Oudin, Bellanova, Menez ces Girondins passés par l'Italie avec Cédric Canale

01/08 - 10:26 | Il y a 2 ans
Nous faisons un focus sur le championnat italien au travers des joueurs actuels et anciens des Girondins de Bordeaux qui évoluent de l'autre côté des Alpes. Pour cela, nous avons échangé avec le journaliste qui vit en Italie Cédric Canale. Entretien.
Entretien - Adli, Oudin, Bellanova, Menez ces Girondins passés par l'Italie avec Cédric Canale

© Iconsport

WebGirondins : Cédric, quelles sont les différences en termes de jeu entre la Série A et B et la Ligue 1 et 2 ?

Cédric Canale : Il y a une différence. C'est peut-être moins marqué qu'il y a 10, 15, 20 ans, parce que le foot s'est internationalisé, que ce soit au niveau des joueurs, des entraîneurs. Déjà, la majorité des entraîneurs en Italie sont italiens. Mais on peut dire que le championnat italien, que ce soit la Série A ou la Série B, est un championnat, comparé à la France, et même comparé aux autres championnats européens, qui est quand même marqué plus tactique. La tactique est vraiment un point important. Les joueurs ont des rôles spécifiques qu'ils doivent appliquer. D'ailleurs, très souvent, les joueurs étrangers qui arrivent en Italie, c'est la première chose qu'ils signalent. C'est l'importance tactique, le travail tactique au quotidien, alors qu'en France, on peut parler d'une partie un peu plus physique qui est plus mise en avant. Ici, c'est vraiment ce volet-là qui est primordial, et qui explique parfois que certains joueurs ont un peu du mal à s'adapter lors des premières semaines, premiers mois en Italie.


"La situation de Yacine Adli à l'AC Milan ne devrait pas s'améliorer"


 

Justement, Yacine Adli a rejoint l’AC Milan, ce qui a surpris beaucoup de monde. Il a peu joué, comment l’expliquer ?

C'est une bonne question. Il avait plutôt fait une bonne préparation, je me souviens que les médias italiens étaient très positifs sur les entraînements, sur les premiers matchs amicaux de Yacine Adli. Seulement, il y a Charles de Ketelaere qui a été recruté pour 35,5 millions d'euros en provenance de Bruges, qui est un jeune numéro 10. Et clairement, c'était le choix de Maldini, qui à l'époque était le directeur sportif, et le choix de l'entraîneur Pioli, de le mettre un peu au centre du jeu. Cette arrivée a réduit la possibilité pour Yacine Adli de jouer lors des premières semaines, des premiers mois. Ensuite, De Ketelaere ne s'est pas imposé, il a plutôt fait des performances moyennes. Pioli n'a pas pris de risque et a plutôt mis Bennacer le joueur numéro 10 à ce poste-là. Et Adli a eu de moins en moins de place. Il a eu une seule titularisation, avant la Coupe du Monde. Et au retour de la Coupe du Monde, il a été carrément oublié.

Il n'était pas sur la liste pour la Ligue des Champions puisqu'il n'y avait pas de place. Il n'y avait pas assez de place pour les joueurs non italiens, il a fait partie des joueurs sacrifiés.


Yacine Adli peut-il quitter l’AC Milan lors de ce mercato ?

C'est ce qui se dit dans la presse italienne, depuis quelques jours. On parle de Lille, notamment. Ça parle aussi de la Salernitana, entraînée par Paulo Sousa, qui le connaît, puisqu'il l'a eue à Bordeaux. Aujourd’hui, il semble parti pour être le troisième ou le quatrième choix. La situation ne devrait pas s'améliorer pour lui. Donc, c'est très probable qu'il soit prêté plus que vendu, pour essayer de le relancer. Il a perdu de sa valeur après une saison blanche.


"Rémi Oudin a plutôt laissé une bonne image"



Parlons de Rémi Oudin sous contrat avec Bordeaux, comment juges-tu sa saison avec Lecce en Série A ?

C'est vraiment en deux temps. Il a eu quelques titularisations en tant qu’ailier à son arrivée, où ça ne s'est pas forcément bien passé. Donc, il est devenu remplaçant. Et puis finalement, début avril, il a été testé dans un poste plus bas au milieu de terrain, en numéro 8, qu'on appelle Mezzala en Italie. Et ça s'est bien passé. Il a joué plusieurs matchs de la saison en tant que titulaire, puis il a marqué trois buts. Très clairement, c'est un nouveau Oudin, dans un rôle un peu différent, un peu plus travailleur, bon aussi pour percuter. Donc, il a bien fini. Et c'est vrai qu'il a plutôt laissé une bonne image, alors que jusqu'à fin mars, c'était clairement un échec du côté de Lecce. D’ailleurs, Lecce réalisait une bonne saison et s'est maintenu sans grandes difficultés. Il n'y avait pas non plus de pression excessive dans l'environnement.

A priori, Rémi Oudin ne veut pas revenir à Lecce. Est-ce que tu penses qu'il pourrait revenir en Serie A et que son jeu pourrait s'adapter à un autre club en Italie ?

il a plutôt bien fini son aventure. Il a montré qu'il était compatible avec la Serie A, alors que les premiers mois ont plutôt été difficiles. Il a travaillé, il a réussi à s'adapter. Il est technique, ce qui est important. Je ne serais pas surpris de le voir dans un club de deuxième partie de tableau au Série A. Par contre, je ne le vois pas rejoindre un club comme la Fiorentina ou l’Atalanta. Oui, en Italie, vu ce qu'il a montré ces deux derniers mois, je pense qu'il est capable de s’intégrer.

À l'entraînement avec Bordeaux, en début de préparation, on a vu Rémi Oudin avec plus de muscles, et moins fin physiquement, la Série A transforme-t-elle aussi le physique des joueurs ?


Oui, je parlais du volet tactique qui est important en Italie, mais c'est vrai qu'il y a beaucoup d'entraîneurs qui misent malgré tout sur le physique. Il y a aussi un côté musculaire. Il y a un gros travail, notamment en présaison, où il y a un gros volume physique pour prendre du muscle. Il en avait besoin aussi parce que je le trouvais parfois un peu léger physiquement en France, donc ça lui a fait du bien. Il n'a pas beaucoup joué au début, car il avait peut-être besoin de digérer sa préparation d’avant-saison.

Un mot sur Jérémy Ménez qui est passé par Bordeaux et qui aime l'Italie après avoir joué à l’AS Rome, l’AC Milan et la Reggina. Il vient de signer à Bari en Série B. Que penses-tu de sa carrière en série B ?


Effectivement, il sort de trois saisons en série B à la Reggina. Les deux premières saisons, il avait eu pas mal de problèmes physiques. En revanche, sa dernière saison, ça s'est mieux passé. Il a pu enchaîner les matchs. Donc oui, ça a été plutôt positif pour lui. Il a également été capitaine. Il jouait dans un rôle de faux neuf. Il a été repéré par Bari qui est un club qui a frôlé la montée en Série A la saison passée. C'est un club qui appartient à la famille De Laurentiis qui est le président du Napoli. C'est un club historique de l'Italie qui fait 34 000 personnes à chaque match et qui est ambitieux. Le voir rejoindre un tel club à 36 ans est une belle opportunité pour lui. Ça montre qu'il a fait de belles choses à la Reggina.

 


"Raoul Bellanova a un parcours intéressant, il est en train de s'imposer"


 

Un mot plus général sur la Série B et le mercato. On voit qu'en série B, il y a énormément de transferts. Comment expliquer que les clubs italiens dépensent autant d'argent dans le mercato ?

Ce sont des clubs qui vendent aussi beaucoup leurs jeunes joueurs. Il faut savoir que le championnat de Série B est un championnat où il y a beaucoup de jeunes parce qu’ il y a beaucoup de prêts. De plus, il n'y a pas de championnat de moins de 21 ou moins de 23 ans en Italie. Ce “trou” bénéficie en quelque sorte de la Série B avec beaucoup de jeunes joueurs qui rejoignent le championnat et qui y jouent.

Certains clubs investissent parce qu'ils ont des moyens, mais vendent aussi beaucoup, notamment à des clubs de Série A. Le bilan des transferts en Série B est positif. Je regardais il y a quelques jours le championnat italien à l'heure actuelle dans ce mercato d'été, la Série A est le championnat qui a le plus vendu en termes de millions d'euros par rapport aux autres championnats. Le solde, la balance des transferts est le plus positif de tous les grands championnats. Pour la série A, il y a eu beaucoup de grands joueurs qui sont partis cet été. C'est un championnat qui achète beaucoup, Série A ou Série B, mais qui vend beaucoup aussi. Il n'ont pas forcément plus de moyens, mais c'est que ça circule plus.

Pour terminer, Raul Bellanova, passé par Bordeaux, devient petit à petit une figure de la série A. Il commence à se faire un nom et avance tranquillement. Que penses-tu de son parcours ?

C'est un parcours intéressant. C'est vrai qu'à Bordeaux, on ne l'a pas vu, même pas un match entier. Il avait été prêté en Série B à Pescara, il avait fait du bien. Derrière, il y a eu la Série A où il a fait une saison complète à Cagliari en 2022. Il a montré ses qualités dans un rôle de piston, où il était piston droit. Il a montré plutôt de bonnes choses. Il y a aussi de la continuité. Même s'il avait été rétrogradé en Série B avec Cagliari, lui, il a fait partie des bonnes choses. Et puis, il y a eu ce prêt avec option d’achat à l’Inter Milan. C'était un petit peu une surprise de le voir passer un cap aussi haut. Même s'il n'a pas eu beaucoup de temps de jeu au final. Il a bien progressé cette saison puisqu'il avait de plus en plus de place. Il a fait quelque chose d'intéressant. Il a même joué une demi-finale de Ligue des Champions. Il a quand même montré un peu de personnalité puisqu'il a tenté des centres, des débordements. Il n'a pas été pris par l'enjeu. Donc, petit à petit, il est en train de s'imposer. Il a fait un bon championnat d’Europe avec l'Italie Espoirs cet été.

Et là, il signe au Torino qui est un club intéressant parce que c'est un club qui laisse pas mal de place aux jeunes. L'entraîneur Ivan Juric fait confiance aux jeunes qu'il fait beaucoup travailler. Lui aussi utilise la défense à 5 avec des pistons sur les côtés. Donc, je pense que c'est un bon choix de carrière pour lui. Il a signé là-bas pour 7 millions d'euros. Il va y avoir de la place, du temps, pas trop de pression. Je trouve son parcours intelligent. C'est une bonne chose de le voir progresser comme ça. On verra jusqu'où il ira.

N.P

#Transferts