Interview Steve Savidan : “Les Girondins avaient la réputation d’une équipe qui jouait toujours bien”

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Son nom est indéniablement lié à la Ligue 1 de la fin des années 2000. Arrivé tardivement dans l’élite après un parcours atypique, Steve Savidan a su se faire une réputation à Valenciennes et à Caen, jusqu’à obtenir une sélection en Équipe de France. Alors que son ancienne équipe de VA reçoit les Girondins ce samedi à 19h, l’ancien attaquant a pris le temps de répondre à nos questions.
WebGirondins : quand on vous dit Valenciennes-Bordeaux, quels souvenirs vous reviennent à l’esprit ?
Steve Savidan : à titre personnel, les Girondins, ça restera le dernier match de ma carrière (il a dû arrêter en raison d’une anomalie cardiaque détectée lors de son transfert à Monaco, NDLR.). C’est le Caen-Bordeaux où ils gagnent le titre et nous, on descend en Ligue 2. Pour ce qui est de Valenciennes, à Nungesser, c’était toujours de belles confrontations, j’ai pu marquer quelques buts notamment en profitant d’un coup du sort arrivé à Ulrich Ramé. Il sort blessé et son remplaçant (Mathieu Valverde) n’était pas bien échauffé, j’ai pu en profiter !
Quels sont les visages emblématiques des Girondins à vos yeux ?
Steve Savidan : on parle d’un club historique du football français et de la Ligue 1. J’ai grandi avec la génération Zidane, Lizarazu et Dugarry, ça a baigné mon enfance. Et quand j’ai pu affronter Bordeaux, c’était du lourd en face : Gourcuff, Chalmé, Chamakh... Il y avait une grosse identité bordelaise, c’était un club qui pesait beaucoup, il fallait être toujours à 100% contre eux et surtout, les Girondins avaient la réputation d’une équipe qui jouait toujours bien.
“Michaël Ciani c’était assez drôle d’évoluer contre lui, parce que je l’embêtais pas mal !”
Lors de vos confrontations face aux Bordelais, est-ce qu’un joueur vous a particulièrement marqué ?
Michaël Ciani c’était assez drôle d’évoluer contre lui, parce que je l’embêtais pas mal ! On est devenu potes aujourd’hui, mais dans nos duels c’était quelque chose, je courais partout, je lui parlais tout le temps et quand il voulait me répondre, j’en profitais pour m’échapper (rires). Il me disait que j’étais chiant à marquer. Sinon je m’identifiais à certains attaquants comme Lilian Laslandes, pour voir ce que je devais faire pour m’améliorer comme j’étais en dessous au niveau du palmarès et de la notoriété.
Quel est votre regard sur la situation des Girondins et leur déclassement depuis quelques années ?
Bordeaux était dans un cycle pas pertinent, où le club accumulait des joueurs sans avoir forcément des résultats conséquents. Bordeaux a réussi à se glisser entre les générations OL et PSG pour prendre un titre. Dans sa routine, cette équipe doit arriver aux six, sept premières places avec une qualification européenne. Quand tu n’es plus dans ce groupe-là, tu décroches et derrière tu perds le fil. Des accidents de classement peuvent arriver, mais il ne fallait pas se voiler la face.
Comment relever alors la tête ? Quels sont les moyens à mettre en place pour revenir dans l’élite ?
Je pense que pour avoir des jours meilleurs, le passage à l’échelon inférieur est pratiquement primordial. Le football d’avant, celui des années 2000-2010 était différent, l’attractivité des clubs n’était pas forcément fondamentale, les joueurs étaient les principaux acteurs. On se rend compte qu’il faut maintenant une identification club, prenez l’exemple de Stijn Spierings, il part à Lens pour jouer la Ligue des champions, mais il a du mal à s’adapter. Il préfère repartir à Toulouse, et on le voit sur les images avec un immense sourire. Le sentiment d’appartenance à une équipe est désormais important. On se rend compte que les clubs ne peuvent plus attirer comme avant, et les Girondins sont dans ce cas-là. Il faut trouver d’autres leviers, et on revient aux fondamentaux, avec l’adhésion du public.
Dans un autre registre, Valenciennes aussi a connu une certaine dégringolade...
Oui, Valenciennes est dans le même profil que Bordeaux, mais en L2. Ils ont perdu ce qui était leur ADN. Dans n’importe quel sport de haut niveau quand tu perds cette identité, à court terme tu te casses la figure, ils ont essayé pendant des mois et des années de maintenir la bouche hors de l’eau pour finir par prendre une belle tasse. Et pourtant, c’est un des meilleurs centres de formation en France (Upamecano vient notamment de là-bas, NDLR.), mais ils l’ont plutôt vu comme un outil de trading.
“Quand tu promets la montée avec des effectifs pas encore mûrs, ce n’est pas possible, on n’est pas au casino !”
Et on sait à quel point les jeunes sont devenus essentiels aujourd’hui dans les projets des clubs.
Oui, et c’est aussi la limite ! Quand tu n’arrives plus à vendre ces joueurs, tu es dans le dur. Les jeunes n’étaient pas prêts pour la L2, j’en veux aux présidents qui ont menti, car les supporters ne sont pas cons, quand tu promets la montée avec des effectifs pas encore mûrs, ce n’est pas possible, on n’est pas au casino. Il faut s’inscrire dans un réel projet, que ce soit à Valenciennes, à Bordeaux ou même à Lyon. On doit construire avec des temps de passage, en intégrant petit à petit les jeunes tout en conservant les meilleurs éléments. Ce dernier point est le plus difficile économiquement en France.
Avez-vous désormais confiance après les récents changements opérés à Valenciennes, avec l’arrivée de Sport Republic comme nouvel actionnaire majoritaire ?
Ils sont sur un nouveau projet depuis cet été, j’ai pu échanger avec eux, car j’ai travaillé dans le club pour la mise en relation des partenaires avec les supporters, et j’ai pu en savoir plus sur leurs intentions. Même si les résultats ne sont pas probants, on est parti sur un projet sur deux-trois ans pour retrouver le haut du classement en Ligue 2, on dit que c’est un championnat de plus en plus compliqué chaque année, mais non il l’est depuis toujours !
Pour revenir aux Girondins, vous êtes désormais lié à ce club puisque votre fils Marius commence à se faire remarquer avec les U17. Quel est son parcours ?
Il est arrivé en U10, il évoluait dans un club amateur à côté d’Angers, à Beaucouzé. Il a intégré les Girondins et suit une trajectoire normale de préformation. Il est aujourd’hui dans le centre de formation, et s’entraîne, joué avec les U17 et U19, même si j’ai un œil sur lui je ne suis pas son éducateur, je suis juste son père et je suis à sa disposition. Je réponds à ses questions s’il en est là. Il a une belle évolution athlétique, il a enfin compris que le foot est un sport où il faut avant tout courir, sauter, frapper et se défendre dans les duels. Marius est dans un apprentissage quotidien, il a une certaine appétence, car il a envie de réussir, son objectif est personnel avec la volonté d’intégrer étape par étape les équipes supérieures.
“Le parcours est encore long et sinueux pour Marius”
Pouvez-vous nous en dire plus sur son profil d’attaquant ?
Au niveau de son profil, c’est un attaquant complet qui peut jouer des deux pieds, avec un gros volume d’activité et un sens de la finition intéressant. Il en est à quatre buts en trois matchs sur ce début de saison, mais c’est un parcours long et sinueux, mais il n’y a pas de vérité fixe. Il sait qu’il n’est pas encore arrivé au bout du chemin.
Justement, en parlant d’attaquant, quel est votre regard sur l’évolution de ce poste depuis que vous avez raccroché les crampons ?
C’est simple, le numéro 9 n’existe plus dans le sens où on avait des joueurs qui ne participaient pas au jeu, qui étaient là pour finir les actions. Ça dépend évidemment du style des équipes, si tu construis d’un peu plus bas et aujourd’hui on a beaucoup de profils différents, mais plus de pur buteur, ce qui est assez dommageable. C’est comme si on jouait avec un gardien sans mains, c’est l’essence même de ce poste. Chez les jeunes je le vois bien, on est sur un jeu offensif avec des joueurs qui veulent le ballon dans les pieds, il n’y a plus d’espace, plus de jeu de tête, plus de jeu en une touche de balle. Quand je jouais, c’était rare que je touche le ballon plus d’une ou deux fois. Désormais on demande tout autre chose aux attaquants.
Propos recueillis par Adrien Mathieu.