Girondins : « On fait le bilan, calmement, se remémorant chaque instant »

07/06 - 18:02 | Il y a 1 an
Initialement provoquée par la situation financière désastreuse héritée du funeste règne GACP et ensuite accentuée par les conséquences financières cataclysmiques d’une descente en Ligue 2, fruit d’une succession de décisions managériales et sportives aberrantes d’incohérence, l’urgence s’est installée dans le quotidien des Girondins depuis plusieurs (inter)saisons. Si l’urgence peut expliquer, elle ne peut en aucun cas excuser : anatomie d’un « échec » (les guillemets ayant leur importance).
Girondins : « On fait le bilan, calmement, se remémorant chaque instant »

© Iconsport

Guion : le choix de la raison

 

Évacuons immédiatement les élucubrations quant à la pertinence du choix de maintenir l’ « entraineur de la descente » en poste l’été dernier. À la lumière de sa mission montée plus que réussie en 2017/2018 avec le Stade de Reims (record de points, meilleure défense), de son passé de formateur et surtout de l’incertitude quant à la survie même du club (finalement repêché 3 jours avant le match d’ouverture contre VA), David Guion représentait une véritable aubaine pour un club au bord du précipice. La (sage) décision de laisser toute latitude au nouvel entraineur pour remodeler/constituer son staff (avec l’arrivée de Denis Zanko, notamment derrière l’éclosion de la génération dorée toulousaine) allait porter ses fruits avec un début de saison canon porté par l’euphorie du condamné à mort juste gracié.

À l’heure des comptes, David aura été fidèle à son identité : une solidité défensive bien aidée par des individualités hors normes dans ce secteur (2e défense de L2 avec 23 buts encaissés, - d’1XgA concédé par rencontre pour celui qui avait déjà fini meilleure défense de L1 avec Reims) et une obsession de la maitrise (n’abandonnant la possession que 7 fois sur 37 avec 6 pics à plus de 60%) illustrée par une volonté farouche de maintenir la compacité du bloc équipe dans un 4-4-2 à géométrie variable (avec tantôt deux vraies pointes, tantôt un milieu Fransergio-jouant le rôle de second attaquant).

Si ses carences dans la lecture d’une rencontre (Caen, Amiens, Annecy notamment), le caractère unidimensionnel de son plan de jeu illustré par la difficulté à forcer les blocs bas et/ou à renverser une rencontre est clairement identifiable, le procès en incompétence fait à Guion semble sévère si ce n’est injuste. À défaut d’être emballant ou esthétiquement agréable, son Bordeaux fut sans conteste dominateur (31 fois supérieur au nombre de Xg) et imperméable (15 clean sheets). En ajoutant une gestion humaine appréciée et un côté « humain » détonant avec le reste de l’organigramme, le bilan ne peut être noirci outre mesure surtout en gardant à l’esprit l’effectif déséquilibré à sa disposition et le retard pris dans la préparation (voir ci-dessous).

David a fait du David, dans ses limites de Guion et si ce fut souvent satisfaisant, ce fût insuffisant (1.84 pts/match, ce qui aurait également été insuffisant ces 5 dernières années) dans une Ligue 2 dense, mais d’une pauvreté rare en tête de course (où étaient les Clermont de Gastien, Toulouse de Montanier, Troyes de Battles, Brest de Furlan ou Nîmes de Blaquart cette saison ?).

Admar : l’heure du départ ?

 

Qui de la poule ou de l’œuf comme le dit l’expression consacrée, le recrutement d’Admar Lopes a-t-il été défaillant par manque de temps et de moyens ou est-ce son recrutement raté qui a entrainé une déliquescence sportive réduisant mécaniquement les moyens mis à sa disposition ?

Si le recrutement de Yoann Barbet pour tout ce qu’il symbolise (identité, leadership, constance, vécu, disponibilité) doit être logiquement vu comme le meilleur recrutement du club depuis l’arrivée de Malcom à l’hiver 2016) et si Nsimba a justifié (quasiment) tout au long de la saison son salaire princier (pour la L2), le reste du recrutement prêt à interrogation.

Ignatenko a confirmé ses limites techniques dans une équipe en cruel manque de qualité technique. Clement Michelin, pourtant historiquement plus à l’aise dans un rôle de piston, a été recruté à grands frais (OAO à €1.5m) pour évoluer dans un système préférentiel en 4-4-2. Rafal Straczek n’a pas su ou pu bousculer une concurrence somme toute moyenne et Alexi Pitu, s’il semble prometteur, ne justifiait pas son investissement hivernal tant l’urgence commandait l’acquisition d’un (ou plusieurs) joueur performant immédiatement.

Comment ne pas finir ce tour d’horizon par l’acquisition (bientôt définitive) d’Aliou Badji qui doit encore faire les gorges chaudes de la direction sportive picarde ? Emprunté, maladroit, limité, tactiquement pénalisant tant il est « mono-usage », il apparait sportivement impossible de justifier l’investissement pharaonique à l’échelle de la L2 consenti pour l’avant-centre sénégalais (€4.5m soit la médaille de bronze dans l’histoire de la L2 juste derrière….Alberth Elis). Dans cet inventaire à la Prévert d’erreurs de casting, seul surnage, notre lutin géorgien qui, s’il est perfectible, a affiché des qualités de percussion, de finition et de vélocité validant amplement le montant dépensé pour le débaucher.

Plus que la qualité intrinsèque des joueurs recrutés, c’est le déséquilibre flagrant de l’effectif qui est à regretter. Deux avants-centres de métier à disposition d’un entraineur ayant affiché son souhait dès cet été de jouer en 4-4-2, aucun profil technique au milieu hormis le jeune Pirringuel, aucun latéral droit digne d’un candidat autoproclamé à la montée, les manques furent nombreux et aisément identifiables.

Si Admar est encore novice dans le rôle, sa progression (enchaînant une saison médiocre à la suite d’une première expérience catastrophique) est trop lente pour satisfaire les ambitions présidentielles. Pour un employé occupant un poste aux responsabilités aussi étendues et aussi cruciales pour l’avenir du club (via la mise en place d’une stratégie de trading vertueuse), son manque de vision est une pierre supplémentaire dans son désertique jardin.

Gérard, merci, mais trop tard

 

Quand vient l’heure de rédiger le bulletin de notes présidentiel, il serait malvenu voir profondément injuste, en tant que « financier », de ne pas saluer le travail de restructuration au forceps entrepris par Gérard Lopez depuis son arrivée. Entre réduction drastique de la masse salariale, bras de fer gagnant et gagné avec les créanciers seniors (qui auraient tout perdu en refusant une réduction des ¾ du principal de la dette), rationalisation du nombre d’employés, les points d’amélioration sont nombreux. Si les Girondins ne sont pas, comme maladroitement véhiculé, un des clubs les plus sains d’Europe (rien que la taille de la dette senior par rapport au montant des actifs liquides, le déficit d’exploitation prévisionnel et la taille de la provision Petkovic –aux alentours des €15m – sont là pour nous le rappeler), ils ont intégré le service de soins intensifs après un long passage en réanimation.

« Put your money where your mouth is » est une expression anglaise qui enjoint ceux qui promettent à joindre les actes à la parole. Après s’être très largement appuyé sur l’argent généré par le centre de formation, véritable sauveur du club (Gérard Lopez aurait investi €20m sous la forme de 2 augmentations de capital pendant que les ventes de Tchouameni, Kounde, Mara et bientôt Mwanga dépasseraient la quarantaine de millions), Gérard Lopez se retrouve seul face à ses responsabilités. Une vingtaine de millions serait nécessaire afin de « boucler » le budget 2023/2024 et en absence de « partenaires » financiers devenus plus une chimère qu’une réelle possibilité au fil des semaines, deux sources principales seront susceptibles de combler ce trou béant : la vente des derniers joyaux du centre de formation (qui devait pourtant être le pilier du renouveau) ou une injection de fonds propres de l’actionnaire via augmentation de capital ou prêt d’actionnaire (rémunéré ou non).

Comme l’évoquait le très compétent Thomas Jacquemier en janvier 2022, « il n’y a pas de vie en Ligue 2 pour les Girondins de Bordeaux », Gérard Lopez, qui imaginait se voir attribué une seconde chance de briller dans le football français en s’appuyant sur des fonds extérieurs, se retrouve désormais seul à payer l’addition, les convives ayant décliné l’invitation et les bijoux de famille se réduisant comme peau de chagrin.

De la célérité et de la magnitude de l’investissement de Gérard Lopez dépendra l’avenir à moyen terme du FCGB. Un premier passage DNCG réussi et l’été bordelais pourra débuter sous des auspices plus favorables entre choix managériaux forts (espérés) et travail de pédagogie important auprès du futur effectif quant au projet (mot mis de côté ou galvaudé depuis trop longtemps) envisagé. Ce groupe, ces employés, ce club, ces supporters (du supporter lambda aux UB exemplaires dans leur écrasante majorité toute la saison) méritent, à défaut de succès, au moins la vérité.

David Gulzman

>> Bordeaux : une saison à l’envers