Interview. Adrien Cabon (coach mental) : “Bruno Irlès doit être le premier préparateur mental des Girondins”

© Iconsport
Le podcast de cet entretien est disponible en bas de page.
WebGirondins : Pouvez-vous vous présenter ?
Adrien Cabon, coach mental: Je m'appelle Adrien Cabon. J’ai 29 ans. Je suis originaire de Bretagne. J’ai un parcours d’ancien jeune footballeur de haut niveau. Je suis passé par un pôle espoir en Bretagne. J’ai été recruté par Lyon à 15 ans. J’avais eu des touches avec Bordeaux. Mais, j’avais préféré Lyon à l’époque. J’avais un contrat stagiaire jusqu’à mes 20 ans. J’ai aussi joué deux ans aux États-Unis. C’est toutes ces expériences qui m’ont amené à me former en préparation mentale. C’est vraiment depuis 2021 que j’exerce le métier de coach mental spécialisé dans le football. J’ai pu développer ma méthode et accompagner environ 60 joueurs. Des professionnels, semi-pros et amateurs.
Vous m’avez dit que vous aviez coaché certains joueurs passés par les Girondins. Pouvez-vous les citer ?
Il y avait Till Cissokho (2015-2019). En ce moment, il joue à Rodez en Ligue 2. J'ai eu Ibrahim Diarra (2017-2019). Ils avaient signé un contrat professionnel. Aujourd’hui, c’est un peu compliqué. Il me semble qu’il est sans club. (il est dans un club au Luxembourg, FC Avenir Beggen, NDLR).
"Le but pour un joueur, c’est de rentrer dans “l’état de flow"
Ces joueurs-là, vous les avez accompagnés avant leurs contrats professionnels ou après ?
Pour Till Cissokho, c’était après sa première année QRM (en ligue 2, NDLR). Je l'ai accompagné sur toute la deuxième partie de saison. Il voulait mettre un maximum de choses en place pour mieux performer. À l’époque, il était déjà titulaire. Mais, il voulait chercher ces petites choses supplémentaires pour être à son top niveau. Il voulait s’imposer dans la défense. Pour Ibrahim, c’est plus récent. C’était pendant la période où il avait repris avec le FC Bobigny 93 en N2. Il cherchait à se relancer. Après, il n'y a pas eu de vrai accompagnement, comme avec Till.
Pourquoi les footballeurs ont besoin d’être accompagnés par un coach mental ?
Déjà, il y a tout un environnement qui peut distraire. Ces distractions peuvent être externes, c'est-à-dire le quotidien sur le terrain, les coéquipiers, la pression médiatique. Elles peuvent être aussi internes. Cela correspond à mes propres pensées en tant qu’être humain, mes émotions. Elles peuvent me faire perdre ma concentration et avoir un temps de retard sur une action, ma prise de décision, un appel, une passe, une frappe… Le but pour un joueur, c’est de rentrer dans ce qu’on appelle “l’état de flow”. C'est un état de concentration maximal.
Crédit iconsport, Bruno irlès sur le banc de touche avec les Girondins
Vous n’êtes pas psychologue ?
Non. Le psychologue n’est pas orienté vers la performance. Il s’attarde sur le bien-être.
“Ce qui fait la différence, c’est de savoir si tu as l’état d’esprit qui te permet de montrer ce que tu es capable de faire”
Le mental représente combien sur la performance globale ?
Pour moi, le mental, c’est 80% de ma performance.
Autrement dit, un joueur qui a de la technique, mais qui n’a pas le mental ne peut pas réussir ?
Quand j’étais à Lyon, techniquement, tactiquement, on est quasiment tous au même niveau. On peut tous aller en professionnel. Ce qui fait la différence, c’est de savoir si tu as l’état d’esprit qui te permet de montrer ce que tu es capable de faire.
“L’accompagnement de coach mental doit être obligatoire”
Est-ce que beaucoup de joueurs font cet accompagnement avant de signer en professionnel ?
Il y a de plus en plus de joueurs qui le font. Je pense qu’on est en dessous des 50%. Les joueurs qui ont entre 15 et 18 ans sont souvent méfiants avec les coachs mentaux internes aux clubs. Il y a l’aspect économique qui rentre en ligne de compte. Il y a encore beaucoup de choses à améliorer. Il faut avoir un entourage qui a déjà les connaissances nécessaires pour l'expliquer aux joueurs.
Est-ce que l’accompagnement doit être obligatoirement fait individuellement ?
Oui. C’est obligatoire. Collectivement, tu peux faire de la formation, mais tu ne peux pas rentrer en profondeur.
“Le mental, c’est 80% de la performance”
Les Girondins ont l’objectif de monter en National 1. Comment Bruno Irlès peut savoir si ses joueurs sont aptes à supporter la pression ?
Le coach Bruno Irlès doit être le premier préparateur mental. C’est lui qui va avoir le plus d’influence sur les joueurs. Échanger individuellement avec ses joueurs peut lui permettre de savoir si, oui ou non il est en mesure de passer outre la pression.
Pourquoi les grands joueurs arrivent à répondre présents dans les moments décisifs et d’autres tremblent ? Qu’est-ce qui va faire la différence dans la préparation du joueur ?
C’est surtout lié à la gestion du stress. Le joueur qui va réussir à performer, c’est un joueur qui va utiliser le stress pour sa performance. Il perçoit le stress comme quelque chose d’utile. Il ne va pas chercher à le faire disparaître. Il y a beaucoup de joueurs qui vont essayer de minimiser l’enjeu. Il faut être capable de se libérer.
C’est pour cela que les équipes en position d’outsider (2e) sont plus libérées que les leaders (1er).
Je suis d’accord. C’est plus difficile de rester tout en haut que d’y arriver. Tu as toute la pression, les attentes à gérer. C’est autre chose.
“Le recours au coach mental est tabou chez les footballeurs”
Est-ce que c’est possible d’avoir des résultats avec un accompagnement plus court ?
C’est possible, mais ce n'est pas optimal. Si vous avez une vision à plus long terme, ce n’est pas la solution.
On a l’impression que les joueurs hésitent à parler ouvertement de leur recours à un coach mental.
C’est vrai que, dans le milieu du football, c’est un peu tabou. Petit à petit, cela commence à évoluer. Les joueurs comprennent que c’est un outil à l’optimisation de la performance qui peut être intéressant.
“Attention aux joueurs qui ne seraient pas assez connectés au projet du groupe”
Est-ce qu’il est préférable de se couper de l'environnement autour réseaux sociaux, supporters, médias ?
Ça dépend de chacun. Si le joueur sent qu’il n’est pas capable de les gérer, mieux vaut les couper.
Si vous étiez à la place de Bruno Irlès, qu’est-ce que vous feriez ?
Si je suis à sa place, je prends un coach mental. Ça va permettre de l’aider. Par contre, si rien n’est mis en place actuellement, je ne sais pas si j’en prendrais un pour la fin de saison. C’est risqué et plus compliqué car ce ne sont pas les meilleurs conditions pour le faire. Ca dépend de comment va l'équipe et sa dynamique.
Y a-t-il un aspect sur le contexte Bordeaux que tu voudrais rajouter ?
Sur la fin de saison, il faut faire attention aux joueurs qui ne seraient pas assez connectés au projet du groupe, à l'aventure humaine de la saison. C'est-à-dire être en alerte sur des joueurs plus intéressés par leur situation personnelle sur cette fin de saison que par le projet du club.
Sur le plan de la motivation, il faut faire attention aux joueurs qui ont l'habitude d'être au-dessus du niveau National 2 et les maintenir concernés jusqu'à la fin de la saison.
N.P
Écoutez le podcast de cet entretien :
À lire >> Carroll en salle, Grillot touche le ballon, Bordeaux prépare Châteaubriant