Interview - Jean-Marc Furlan : “Il faut construire un projet, un groupe"

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WebGirondins : Jean-Marc, comment allez-vous, est-ce que le football rythme votre quotidien ?
Jean-Marc Furlan : pour l'instant je n’ai pas de club. Je me rends compte que même si on a beaucoup d’expérience, j’ai 66 ans, en France on veut toujours des jeunes entraîneurs, et des jeunes joueurs. Je vais peut-être basculer vers autre chose, vers une sélection en Afrique par exemple. Je ne l’ai jamais fait et ça me plairait, de même avec des sélections françaises à Clairefontaine.
"Si tu veux terminer dans les 3 premier, il te faut des joueurs d’expérience"
Avez-vous gardé un œil sur la saison de Ligue 2, qu’en pensez-vous ?
J'ai fait 5 mois à Caen puis le président délégué m’a licencié. Je n’étais pas en phase avec lui. Ils m’ont licencié au bout de 5 mois, même si après 4 matchs nous avions 4 victoires. Par exemple, lorsque j’ai joué contre Auxerre avec Caen, Christophe Pélissier avait 9 joueurs sur 11 qui jouaient à leurs postes. C'était impressionnant. Auxerre a terminé premier et Caen a terminé 7e. Cela a toujours été ainsi avec Caen.
Vous voulez dire que l’effectif d’Auxerre était mieux constitué que celui de Caen ?
Ça ne fait aucun doute que l’effectif d’Auxerre avec Jubal, Pellenard et Leon, tu voyages tranquille. D’ailleurs avec cette équipe-là j'étais monté en Ligue 1 en 2022. Tu te rends compte que c’est une grosse équipe. À Caen, c'était différent avec beaucoup de jeunes. Par exemple à Manchester City, Guardiola ne fait jouer que des joueurs de 28, 29, 30 ans, car tu acquiers une expérience colossale. Les jeunes, comment tu peux leur faire jouer 6 à 8 matchs ? Tu te rends compte que si tu veux terminer dans les 3 premier, il te faut des joueurs d’expérience.
Donc avec un effectif rajeuni, il faut un club capable de laisser du temps à l'entraîneur, c'est bien ça ?
Oui c’est vrai par rapport à ma philosophie de jeu. J’étais féru du FC Nantes. Lorsque j'étais au Bataillon de Joinville, je collais toujours les Nantais. J'aime le jeu de possession et le jeu d‘attaque. C’est très important. D'ailleurs, je suis monté 5 fois avec cette philosophie (2005, 2012, 2015, 2019, 2022). J'ai le kiff du jeu de possession et du jeu offensif. Ainsi, avec tous les joueurs de la partie basse (30 m), moyenne et haute (30 mètres de finition) , je leur donne des consignes précises, c’est très important.
Laissez-vous de la liberté aux joueurs ?
Ils improvisent parfois et peuvent sortir du cadre. Cela ne fait aucun doute. Il y a des dribbleurs. Je travaille sur les attitudes et leurs comportements.
@iconsport Jean-Marc Furlan avec le SM Caen
Comment faire lorsqu'on est entraîneur pour faire comprendre au club et à son environnement qu’il faut de la patience pour avoir des résultats ? On le voit avec Albert Riera à Bordeaux dont les principes de jeu basés sur la possession demandent du temps d’apprentissage.
Tu te rends compte qu'il te faut construire un projet. Si tu n'arrives pas à construire un projet… Je suis monté avec Auxerre au bout de trois ans, avec Brest au bout de 3 ans. Tu construis un groupe, un projet général avec les dirigeants, le staff technique et les joueurs. Il faut se demander comment tu fais adhérer les joueurs.
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C’est vous qui avez monté ces projets dans vos différents clubs ou c’est le président et/ou le directeur sportif ?
Oui, c’est moi qui l’ai monté. J’essaie de construire un projet. Par exemple, à Auxerre il y avait 36 joueurs, j’en ai éliminé, car certains n'étaient pas dans l'ambiance du groupe. C’est moi qui ai le pouvoir. La troisième année à Auxerre j'ai eu un recruteur qui m’a pris 8 joueurs que je ne voulais pas. Car au 21e siècle, il y a des présidents et des directeurs sportifs payés qui font leur boulot. Ils ne demandent pas l’avis au coach. Donc il faut se demander comment tu fais en sorte pour te réunir avec le staff technique et les joueurs pour faire adhérer au projet et construire un groupe uni.
"Si les joueurs n'aiment pas l'entraîneur, ça pose problème"
Que pensez-vous du jeu des Girondins de Bordeaux avec Albert Riera ?
Tout d’abord, Albert Riera est un Espagnol, il joue un jeu offensif et de possession. Bordeaux a un jeu de possession très intéressant. Mais, il faut se demander comment tu es capable de bien défendre. C’est très important en Ligue 2. Après il faut faire en sorte d'unir ton groupe et que les joueurs se dépassent. Par exemple avec Brest lors d’un déplacement à Valenciennes, on a été dominé pendant 90 minutes et on gagne sur une contre-attaque sur le score de 1 à 0 à la 85e. Ce que je veux pourtant c’est la possession du ballon. Il y a des matchs ou tu es dominé et tu dois accepter le jeu. C’est faire ce que le jeu te demande.
"Il faut lier les joueurs les uns aux autres. C’est le facteur numéro 1 en football"
Albert Riera a-t-il la capacité d’amener Bordeaux à la montée en Ligue 1 ?
Je n’en sais rien. Comment l’entraîneur adhère aux joueurs et comment les joueurs kiffent l'entraîneur ? S’ils n'aiment pas l'entraîneur, ça pose des problèmes. Ce qui est très important, c’est comment les joueurs sont unis, solidaires, c’est ce qui est très important. Comment tu mets en place une solidarité EXTRAORDINAIRE ? Comment créer un groupe avec ces qualités ? Il faut lier les joueurs les uns aux autres. C’est le facteur numéro 1 en football. C’est ce qu’écrit André Menaut lorsque je lis ces livres. Comment avec 20 et 21 joueurs, dont 2-3 jeunes, les joueurs sont solidaires de l'entraîneur ?
Que manque-t-il à Bordeaux pour jouer le haut de tableau aujourd’hui ?
C’est difficile de répondre. Il y a des soucis à Bordeaux, financiers, d’équilibre. Il est nécessaire de créer une symbiose avec tout le groupe et le club. C’est capital. Le football est tellement incertain que tu dois créer des liens entre toutes les entités du club. Aimé Jacquet avait créé des liens importants pour y arriver.
Nicolas Pietrelli