Retro PSG/Bordeaux - Sylvain Legwinski : « On se préparait pour aller au combat »

30/09 - 07:00 | Il y a 8 ans

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Le samedi 28 octobre 2000, les Girondins se déplacent au Parc des Princes pour y affronter, puis battre le PSG (1-2). Pauleta, déjà auteur d’un but en début de match, donne la victoire à Bordeaux d’un lob lumineux de 50 mètres sur Dominique Casagrande en deuxième période. Retour sur ce match historique à J-1 du PSG-Bordeaux 2016-2017.

Dalmat, Robert, Christian, Anelka. les Girondins d’Elie Baup, champions de France sur la pelouse du Parc des Princes un an et demi plus tôt, s’apprêtent à défier Paris et sa pléiade de stars. Nous sommes à la fin du mois d'octobre de l'année 2000. Le PSG de l’époque, c’est le retour d’Anelka au bercail, rapatrié pour une somme faramineuse du Real Madrid. Ce sont les recrutements retentissants de Peter Luccin et Stéphane Dalmat, arrachés à Marseille. Bordeaux, de son côté, a un peu changé depuis son titre de champion de France, mais affiche toujours une équipe très séduisante. Si le début de saison des Girondins a été difficile, le transfert de Pauleta de La Corogne a remis du baume au coeur à l’effectif. « L’arrivée de Pauleta a tout changé. Notre dynamique a été différente, ça a créé quelque chose » explique *Laurent Batlles, titulaire au Parc des Princes ce soir-là.

Exit la série de 5 matchs sans victoire du début de saison, et place à 8 matchs sans défaite avant d’aller challenger le PSG. Parmi ces matchs, Bordeaux est allé l’emporter à Marseille grâce à Laurent Batlles (0-1) et a corrigé Lierse en Coupe de l’UEFA 5-1 avec un triplé de Pauleta, quelques matchs après son premier festival à Nantes (0-5). Côté parisien, Rabesandratana et Luccin, titulaires de l’équipe, sont suspendus tandis que l’ancien meneur de jeu phare des Girondins, Ali Benarbia, est écarté du groupe. Mais Bordeaux n’est pas en reste avec les forfaits de Wilmots, Smertin et Laslandes.


 

« On se préparait pour aller au combat »


Sylvain Legwinski est un élément majeur de l’équipe bordelaise de l’époque et se souvient de la préparation de ce type de match : « On se préparait pour aller au combat. Notre semaine était assez classique mais plus on se rapprochait du match, plus on sentait cette tension. » Le PSG est leader au moment de recevoir Bordeaux qui n’est que 9eme, plombé par son mauvais début de saison.

Mais les Girondins sont sûrs de leur force. "On savait qu’on avait une équipe de talent poursuit Sylvain Legwinski. On ne sentait pas inférieurs à Paris, on savait qu’on pouvait rivaliser avec eux. Nous avions une équipe qui avait potentiellement la stature pour jouer les premiers rôles. Personnellement, et c’était le cas de tous les joueurs, j’entrais sur le terrain pour jouer les trois premières places, on était dans cette dynamique plutôt que dans celle de se contenter d’une 5eme place. Des Jérôme Bonnissel, des Lilian Laslandes, des Christophe Dugarry, ce n’étaient pas des joueurs qui aimaient spécialement perdre. Ils se donnaient les moyens de gagner. Il était possible parfois qu'on tombe sur plus fort sur un match, ou que ça ne tourne pas en notre faveur, mais on entrait toujours sur le terrain avec un esprit de gagneurs. »

Ce match est un gros choc, mais les joueurs l’abordent comme une étape de plus pour poursuivre leur redressement, avec de la détermination, et un mental issu d’un groupe qui s’apprécie. « C’était une saison où il y avait une grosse ambiance abonde Laurent Batlles. On prenait plaisir à être ensemble. Sur ce match à Paris, nous étions arrivés à l’hôtel la veille, et on appréciait passer du temps ensemble. Il y avait beaucoup de joueurs de classe internationale, mais tout le monde, y compris les plus jeunes dont je faisais partie, avait envie d’apporter sa pierre à l’édifice ».

Cette ambiance, se retrouve avant le match, dans la préparation de la rencontre. Sylvain Legwinski se souvient avec un grand sourire dans la voix de 48h marquantes : « L’ambiance était extraordinaire, on était vraiment un groupe soudé. Du départ de Bordeaux jusqu’au voyage en bus jusqu’au Parc, je me souviens de moments de rigolade presque non-stop. À la limite, on peut dire qu’on n’avait pas préparé ce match comme une équipe hyper sérieuse. Il nous était arrivé plein de choses qui nous avaient fait beaucoup rire, comme le bus qui avait un peu touché le dessous d’un pont car le chauffeur n’avait pas été attentif. »

Cette équipe girondine qui terminera sa saison à un point de la 3eme place, dans un championnat beaucoup plus relevé qu’aujourd’hui, a la particularité d’être capable d’un travail extrêmement sérieux sur le terrain et d’une grande décontraction en dehors. Laurent Batlles relate une anecdote savoureuse : « On avait pris un énorme fou-rire dans le bus avec Duga, David Sommeil et tout le monde juste avant d’arriver au Parc car Alain Roche avait perdu une dent sur pivot. On l’avait énormément chambré. On n’osait pas sortir du bus parce qu’on avait les larmes aux yeux et qu’à l’époque la télé filmait les joueurs qui descendaient du bus et on se disait qu’on allait se faire allumer. » 

 

« Alain Roche nous avait énormément remontés  »


Les joueurs arrivent dans un esprit détendu, avec un groupe compétitif prêt à aller défendre le blason Marine et Blanc et à marquer un grand coup en battant le leader. Dans les vestiaire, l’ambiance est identique, entre sérieux et humour. « Alain Roche nous avait énormément remontés dans le vestiaire juste avant d’entrer sur la pelouse. Par rapport à son passé à Paris, on voulait l’honorer et lui offrir la victoire. On n’était pas toujours fantastiques à voir jouer, mais on avait une énorme solidarité, et quand ça jouait, on était capables de faire de belles choses. »
Le Parc des Princes est plein et le stade fait du bruit. Le temps est plutôt maussade. Il fait gris, le thermomètre affiche 15 degrés, et M.Colombo arbitre la partie. Bordeaux rentre bien dans le match et prend rapidement l’ascendant sur Paris à l’image de ce une-deux entre Pauleta et Laurent Batlles. La frappe de l’ancien toulousain manque de peu le cadre de Dominique Casagrande qui remplace Lionel Letizi, blessé la veille du match. Bordeaux règne en maître au milieu face aux Ducrocq, Dalmat ou Robert. À la 22eme minute, Bordeaux obtient un coup-franc aux abords de la surface parisienne. Jérôme Bonnissel, aux côtés de Pauleta, s’apprête à frapper. Christophe Dugarry décale finalement le ballon pour Pauleta qui place un superbe coup-franc qui ne laisse aucune chance à Casagrande (0-1).

Si Paris tente de réagir, Anelka est stoppé par Ramé sur un rush dans la surface, et Déhu ne trouve pas le cadre sur une grosse frappe lointainte. Bordeaux regagne les vestiaires avec un but d’avance. Paris revient sur le terrain avec des intentions plus prononcées et met les Girondins sous pression, mais Bordeaux ne craque pas. Okocha entre sur le terrain à la 50eme minute, rajoutant quelques étoiles au milieu de ce choc de stars. À la 53eme minute, Pauleta fait presque taire le Parc des Princes. L’aigle des Açores tente un lob sur une contre-attaque qui retombe au dessus du filet et coupe le souffle aux supporters parisiens le temps d’un instant. Mais la partie tourne mal pour Bordeaux. Christophe Dugarry, aux prises avec le marquage rugueux de Talal El Karkouri, écope d’un deuxième carton jaune pour un coup de coude un peu amplifié par son adversaire. Les Girondins vont devoir jouer les 20 dernières minutes à 10. C’est sans compter sur l’incroyable de talent de Pauleta. Dans le rond central, l’attaquant bordelais se retrouve avec un ballon aérien devant les yeux. Une seconde pour observer que Dominique Casagrande est à l’entrée de sa surface. L’ancien buteur de La Corogne ajuste la mire et tente la frappe qui retombe dans le but vide malgré le retour désespéré de Casagrande. On vient d’assister à un but venu d’un autre monde. Bordeaux subit mais ne rompt qu’en fin de match à la 92eme minute sur un but du dos de Sylvain Distin sur un ultime corner parisien. Les Girondins ont réussi leur coup, et infligent une défaite inattendue à Paris qui restait sur un retentissant succès 7-2 en Ligue des Champions face à Rosenborg. 

Pauleta a encore frappé et Bordeaux affirme qu’il est encore là malgré ses débuts difficiles. « Pauleta, c’était un joueur atypique capable de choses incroyables, il était phénoménal avec un sens du but inouï. En plus c’était quelqu’un d’une grande gentillesse » explique Laurent Batlles. Sylvain Legwinski confirme : « Pedro c’était quelqu’un de très attachant, très sympa, avec un contact facile. Quelqu’un de très drôle aussi. Il s’est intégré très rapidement. Ce groupe était fait pour lui ». Bordeaux peut retourner à la maison avec le sentiment du devoir accompli. Pas avant un dernier chambrage. « On n’arrêtait pas de chercher les télévisions pour qu’elles interviewent Alain Roche car il avait perdu sa dent s’amuse encore Laurent Batlles. Comme Alain était malin et expérimenté, il répondait aux interviews avec le micro très haut devant la bouche, alors nous derrière, avec Duga, on essayait de le faire rire ».

Le conclusion d’un match remporté par des joueurs de palmarès, qui prenaient plaisir à porter le maillot bordelais ensemble. « Après les matchs, on était toujours une dizaine à se retrouver pour aller manger un morceau quelque part, boire un verre de vin, passer encore un moment ensemble témoigne Sylvain Legwinski. J’ai énormément apprécié ce moment de ma carrière à Bordeaux ». Bordeaux finira 4eme de l’exercice en L1 et terminera son parcours en Coupe de l’UEFA face au Rayo Vallecano en 8eme de finale, mais produira quelques matchs d’anthologie comme cette victoire sur le terrain du Celtic Glasgow en Coupe de l’UEFA (1-2), resté gravé dans les mémoires de Laurent Batlles et Sylvain Legwinski.

 

Les compositions du match :

Paris : Casagrande - Algerino - El Karkouri - Déhu - Distin - Mendy - Ducrocq - Dalmat - Robert - Christian - Anelka

Bordeaux : Ramé - Grenet - Sommeil - Roche - Bonnissel - Jemmali - Diabaté - Legwinski - Batlles - Dugarry - Pauleta

Score : 1 - 2 (buts de Pauleta - 22eme et 74eme pour Bordeaux ; but de Sylvain Distin à la 92eme pour Paris ; expulsion de Christophe Dugarry à la 75eme pour Bordeaux)

* Sylvain Legwinski est aujourd’hui co-entraîneur de la CFA de l’AS Monaco, tandis que Laurent Batlles est l’entraîneur de l’équipe de CFA2 de Saint-Etienne.

 

Par Florian RODRIGUEZ

 

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