Entretien - Didier Tholot : “J'ai vraiment évolué dans la gestion des matchs"

13/09 - 16:46 | Il y a 9 mois
Entraîneur du FC Sion en D2 Suisse depuis cet été, l'entraîneur Didier Tholot (59 ans) a répondu aux questions de WebGirondins sur son coaching, son début de saison, sans oublier son œil sur les performances des Girondins de Bordeaux.
Entretien - Didier Tholot : “J'ai vraiment évolué dans la gestion des matchs"

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WebGirondins : Didier, le FC Sion est actuellement premier du championnat. Quels sont les principes que tu as mis en place pour débuter cette saison ?

Didier Tholot : Tout d’abord, on a créé un groupe parce que quand tu prends 72 buts la saison dernière tu ne pouvais pas y arriver. Donc, on a beaucoup travaillé défensivement. On a essayé de mettre des principes de jeu même si on tombe contre des blocs bas. C’est aussi la volonté d’avoir une équipe dynamique.

La montée en D1 est-elle un objectif affirmé du club ?

Non, je n'ai pas d'objectif. L’idée est de remettre à flot ce club qui n'était pas descendu depuis des années. On sait que c'est compliqué quand tu descends de remonter la première année. Ensuite, c’est le souhait de ramener le public au stade. Un des objectifs prioritaires était de gagner un match à domicile, car cela faisait 10 mois qu'ils n'avaient pas gagné à la maison. Aujourd’hui, on est sur trois matchs à la maison avec deux victoires et un match nul. C'est plutôt positif, les gens reviennent au stade. C'est aussi ça qui va nous permettre peut-être de titiller le haut du tableau.

Tu relances une dynamique positive en quelque sorte

Oui, c'est compliqué parce que quand tu descends, il y a des équipes qui descendent où il y a une sorte de sinistrose. Il y a peu d'équipes qui remontent directement. Donc la volonté est d'insuffler tout de suite un esprit de groupe, un esprit conquérant. Et de ne pas se cacher finalement.

En quoi c'est différent d'entraîner, de coacher un club qui concourt pour se maintenir comme le Pau FC, et un club comme le FC Sion qui ambitionne de jouer les premiers rôles ?

Je n'aborde pas ma saison différemment. Mais pour moi, c'est un peu plus agréable parce que forcément quand tu as un effectif qui est taillé pour jouer le haut, c'est à toi de trouver des solutions pour que cette équipe joue, pour qu’elle propose du jeu. Et forcément, tu gagnes plus de matchs. Donc pour un entraîneur, c'est aussi plus facile, plus valorisant.

Au FC Sion, tu es un petit peu chez toi. Est-ce qu'il y a une différence de structure par rapport au Pau FC ?

Oui, il y a une différence de structure, une différence de moyens. Mais c'est vrai que je suis considéré ici comme quelqu'un qui gagne. Donc c'est bien. J'aurais pu revenir avant, je l'ai fait maintenant. Mais je pense que le temps c'est comme ça. Il faut prendre ce qu'il y a au bon moment et pas forcément réfléchir.


"Avoir la pression par une équipe dirigeante, ça ne me fait absolument pas peur"



Quels sont les moyens que tu as en plus ?

J'ai un staff un peu plus important, j'ai une structure plus importante, j'ai des terrains plus importants. Et le nerf de la guerre c'est que j'ai des moyens financiers plus importants. Quand tu as des moyens, tu peux prendre des joueurs qui te permettent de faire un peu plus la différence. Pau, je ne regrette pas du tout, au contraire. Cela a été très bon pour moi. Mais la différence entre les équipes qui sont en haut et les équipes qui sont en bas ou au milieu de tableau, c’est les individualités. Tu as beau mettre en place quelque chose de cohérent dans le jeu, c'est toujours l'individualité qui te fera gagner. Tu peux faire un bon championnat avec une équipe moyenne, ou tu joues les premières places avec une bonne équipe et avec des individualités qui te font gagner.

Est-ce que tu as des moyens vidéo supplémentaires ou de la data ?

J'ai un peu tous les moyens. Après, je pense qu'il faut être prudent avec ça. Il y a des données qui te servent, il y a des données qui te servent au moins. Je prends juste l'exemple, quand tu as les kilomètres parcourus par un joueur, c'est bien. C'est important parce que tu dois courir en football pour gagner les matchs. Mais entre un joueur qui court un peu moins, mais qui te bonifie les ballons et qui ne te les perd pas, et un qui court beaucoup, j'ai vite fait mon choix.

Élie Baup dans un entretien sur WebGirondins a dit qu'aujourd'hui en matière de coaching, les décisions que tu prends en cours de match sont devenues plus importantes que la préparation de ton match en lui-même. Que penses-tu de ça ?

Oui, je pense que c'est vrai. C'est pour ça que je n'utilise jamais le mot "remplaçant" avec mes joueurs. Pour moi, il y a ceux qui débutent un match et il y a ceux qui le finissent. Ceux qui le finissent sont au même niveau, même par moments plus importants que ceux qui commencent. Donc, tu as peu de temps pour prendre des décisions. Cette saison, on a gagné 2-3 matchs avec des décisions qui ont été faites en cours de rencontres et les joueurs qui sont entrés nous ont fait gagner les matchs. C'est de plus en plus important.

Comment participe ton staff à ces prises de décisions ?

Je pense qu'un entraîneur doit bien s'entourer. Je n'ai pas la science infuse. J'ai besoin d'avis différents. Mais en dernier lieu, c'est moi qui décide. On peut réfléchir sur les décisions, sur les compositions d'équipe, etc. Par moments, il faut avouer qu'ils ont raison. Mais au final, c'est moi qui prends la décision et c'est moi qui dois la prendre.

Pourquoi as-tu choisi d'accepter de revenir à Sion ?

Parce que je pense que j'avais fait le tour à Pau, et que je voyais ce club un peu évoluer différemment. Après, j'étais parti pour couper un peu. Tout le monde sait que j'avais des rapports qui ont toujours été très bons avec le président de Sion (NDLR Monsieur Christian Constantin). C'est lui qui m'a lancé dans le métier d'entraîneur. Je pense que dans la vie, il faut se souvenir des gens qui t'aident quand tu commences ta carrière. Si j'arrive à remonter le club en Division 1, ça sera donnant-donnant.


"Le plus dur pour les Girondins de Bordeaux, c'est d’assumer ce rôle de favori"



Un mot sur les Marine et Blanc. Est-ce que tu penses que le recrutement peut suffire aux Girondins de Bordeaux pour monter en Ligue 1 ?

Je ne sais pas si ça peut suffire. Je pense juste que ce n'est pas le début espéré. Parce que tu perds à Pau, et tu en prends 4 chez toi contre Auxerre. Le championnat est long, mais il faut bien débuter. Je trouve que l'année passée, il avait très bien débuté avec les jeunes. Je trouve que le début est un peu plus poussif. Je sais aussi que c'est difficile, car il y a eu pas mal d'arrivées. Mais, le plus dur pour les Girondins de Bordeaux, c'est d’assumer ce rôle de favori qu'ils ont cette année, et qu'ils n’avaient peut-être pas l'année passée.

Toujours ce besoin d’avoir rapidement des résultats. L’entraîneur est soumis à une pression de résultats. Comment tu la vis dans ton métier ?

Je le vis bien. J'ai toujours fait les choix en mon âme et conscience. Je ne me suis jamais accroché aux branches. J'ai toujours fait en fonction de ce que je ressentais et de ce que je voulais faire. Alors oui, j'aurais aimé entraîner certains clubs, mais je n'ai jamais poussé la porte plus que ça. Parce que je pense que quand tu la pousses et que tu essaies de rentrer par la fenêtre, de toute façon, ça ne sert à rien. Je pense qu'il faut qu'un club te veuille vraiment. Et à partir du moment où on te veut vraiment, tu peux travailler en liberté.

Tu peux faire du bon travail. Moi, aujourd'hui, je sais que c'est un métier ou ça peut s'arrêter du jour au lendemain. Mais aujourd'hui, je suis assez détaché par rapport à ça. Je suis moins détaché par rapport à ce que j'ai envie de faire avec mes joueurs. Mais en fin de compte, le résultat d'avoir la pression par une équipe dirigeante, ça ne me fait absolument pas peur.


"Ce qui est important par rapport à tes joueurs, c'est ta personnalité, ton charisme, et ton envie de donner aux joueurs l'envie de se surpasser"



Tu entraînes depuis 15 ans, sur quel point as-tu le plus évolué dans ton métier d’entraîneur ?

Je pense que j'ai évolué le plus, c'est certainement dans la gestion des matchs. La gestion des matchs c’est de faire un peu ce que tu ressens. Avant, j'entendais, aujourd’hui je pense que je suis capable de prendre des décisions beaucoup plus rapidement. Le moment de la mi-temps, dans le vestiaire, c'est un endroit qui est important qui permet de te rééquilibrer, de repartir. Et je pense que oui, dans la gestion des matchs, j'ai vraiment évolué.

Justement, comment as-tu évolué dans la gestion de tes mi-temps ?

C’est l’expérience. Je vais être très clair avec ça. C'est-à-dire, que regarder des causeries, des méthodes d'autres coachs, je pense que ce n’est pas naturel, tu as ta personnalité. Moi, je fais en fonction de ce que je ressens, de ce que j'ai envie de faire. Et souvent, ça me donne une raison. Parce que je pense que ce qui est important par rapport à tes joueurs, c'est ta personnalité, ton charisme, et ton envie de donner aux joueurs l'envie de se surpasser. C'est ça qui est important. Ce ne sont pas des mots, ce ne sont pas des méthodes. C'est une personnalité, un charisme, une volonté. Une idée claire doit être donnée à tes joueurs, et surtout il faut être juste avec eux. De toute façon, pendant un match quand je ne suis pas content, ça se voit tout de suite. Mais ce n'est pas forcément par des gesticulations. Quand je veux faire réagir quelqu'un, je n’ai pas besoin de grandes phrases, pas besoin de grands gestes. Un regard, un mot…te remettent tout de suite les pieds dans le jeu.

Enfin, est-ce qu’il y a une différence entre la D2 suisse et la Ligue 2 française ?

Je me posais la question, car on vient de jouer contre l’AS Saint-Étienne en match de préparation pendant cette trêve et on les a battu 2 à 0. -0. Alors, est-ce qu'il y a une différence ? C’est toujours compliqué de comparer les championnats. En tout cas, on a gagné 2-0.

N.P

Didier Tholot compte 557 matchs dirigés en pro pour une moyenne de 1,26 point par match. Le FC Sion est premier de son championnat après 6 journées.