Girondins de Bordeaux. Diffusion TV des matchs à l’extérieur, enjeux et blocages
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Décision dans l’urgence pour sauver la diffusion TV
Dès la rétrogradation administrative des Girondins en 4e division par la DNCG cet été, des énergies se sont mobilisées. L'objectif est de garantir aux supporters meurtris par la descente aux enfers du club des images des rencontres. Ne pas couper le lien qui unit le club et les supporters est primordial en cette période de crise, surtout si on a l'ambition de reconstruire.
D'autant que les huis clos s'annoncent et que les supporters bordelais sont interdits de déplacement. Être supporter des Girondins est devenu un parcours de combattant.
C’est dans ce contexte que la FFF concède les droits de diffusion des matchs de N2 et N3 aux clubs pour la saison 2024-2025. Libre à chaque club de négocier avec les diffuseurs.
Plusieurs projets sur les rangs dès cet été, dont des professionnels de la retransmission du foot à la TV
C’est dans ce contexte que plusieurs sociétés de productions et diffusions se sont rapprochées du club bordelais, de la FFF et des pouvoirs publics dès le mois d'août. Aux Girondins, c’est l'administration du club mise en place par Gérard Lopez qui va gérer ce dossier de la diffusion du match avec le directeur général Thomas Jacquemier, le responsable commercial Thomas De Corgnol, et Arnaud De Carli le vice-président aux relations institutionnelles.
Jean-Claude Marmier, directeur des Antennes d’Aqui télé, chaîne digitale locale et société de production a rapidement contacté le FCGB sur ce dossier. Il propose de diffuser les matchs à domicile et à l'extérieur en rémunérant les clubs (1000€ par match), et en sponsorisant les diffusions avec des partenaires commerciaux. C’est le modèle économique choisi.
“J'ai eu des échanges avec Monsieur De Corgnol et monsieur De Carli sur ce sujet. De plus, le football sur les écrans est un spectacle et les acteurs doivent être rémunérés”, nous a-t-il confié, en faisant référence à l'ancien président du FCGB Claude Bez, pionnier en ce qui concerne les droits de diffusion des clubs français.
“Mon interlocuteur au club m 'a indiqué qu’il était intéressé par une rentrée d'argent, même minime en raison de la situation financière difficile des Girondins,” ajoute-t-il. Aqui Télé a même pris contact avec les clubs du groupe B pour leur proposer ce modèle économique à savoir une rémunération et un partage de revenu à chaque diffusion.
De plus, des professionnels du secteur de l’audiovisuel spécialisés dans le football, anciens collaborateurs d'une chaîne qui avait les droits de la Ligue 1, se sont rapprochés du club et des pouvoirs publics pour assurer des retransmissions de qualité avec commentateurs. Des contacts ont même été pris avec les clubs de la Poule B de National 2 des Girondins de Bordeaux pour obtenir des accords de diffusion. Là aussi, un modèle économique composé de subventions et de partenariats publicitaires permettait de diffuser et de financer la production à l’extérieur et à domicile des Marine et Blanc.
Enfin, selon les informations de WebGirondins, un acteur majeur français dans le domaine des médias sportifs aurait pu être intéressé par la diffusion des matches, mais TV7 s’est positionné entre-temps.
TV7 obtient gratuitement les droits de diffusion des Girondins
Au final, c’est TV7 chaîne de télé locale qui appartient au groupe Sud-Ouest qui a été choisie par les Girondins de Bordeaux pour la diffusion à domicile et aussi à l’extérieur. Charge au diffuseur d'obtenir les droits de diffusion à l'extérieur. Elle présente l’avantage d'être présente sur la TNT, les box et le site de Sudouest.fr. En outre, la diffusion est gratuite.
“Ce que je sais c’est que les Girondins de Bordeaux, après leur arrivée en National 2, ont été approchés par pas mal de sites ou de web télé. Lorsque TV7 s’est mise sur les rangs, l’accueil a été immédiat. C’est la chaîne du Groupe Sud Ouest donc nous avons des liens historiques. Et surtout, on a une fréquence TNT. Et ça, pour eux, je pense que c’était essentiel. Ça leur permet de ne pas rentrer dans le tunnel en matière d’audience et d'avoir une présence télé pour garantir de la visibilité à leurs annonceurs et partenaires,” nous répond Stella Dubourg, directrice déléguée et rédactrice en chef de TV7.
Il faut dire que cela ressemble à une bonne affaire pour toutes les parties. Tout d’abord, pour TV7, car le FCGB a cédé gracieusement ses droits pour la diffusion de toutes les rencontres à domicile du championnat de National 2. Cela signifie que TV7 ne rémunère pas les détenteurs des droits. Pour le club, cela permet de renforcer un partenariat local et d’assurer la diffusion sur tous les supports de ces matchs à ses supporters.
Bordeaux-Poitiers : un carton d’audience
“Plus de 50 000 personnes l’ont suivi sur le site sudouest.fr et la vidéo du but bordelais Lassana Diabaté a été visionnée trois millions de fois sur le réseau social X,” commente le groupe Sud Ouest dans un communiqué du 4 septembre 2024 après le premier match de la saison. C’est un succès.
En outre, la chaîne TV7 consacre une émission par semaine aux Girondins avec un joueur invité, c’est chaque mercredi dans Top Foot. La chaîne s’assure aussi des contenus avec les acteurs du match.
En contrepartie, elle doit assumer les moyens de production des rencontres, caméras, commentateurs (les consultants ne sont pas rémunérés selon nos informations, les journalistes sont rémunérés), techniciens.
“Les coûts fluctuent d’un match à l’autre en fonction du dispositif technique mis en place : nombre de caméras, moyens techniques et humains déployés en fonction de la configuration de chaque stade et frais de déplacement. Nous avançons match après match, nous n’avons pas encore assez de recul” nous précise Stella Dubourg sans révéler le coût de production d’une rencontre.
Free rachète les images produites par TV7 contre une belle somme
Fort du succès d'audience de la première retransmission, Free Foot signe alors un partenariat avec la chaîne locale pour diffuser sur sa chaîne YouTube tous les matchs des Girondins à domicile en direct et en replay. Concernant les matchs loin de Bordeaux, ce sera “Sous réserve bien entendu des possibilités techniques pour les matches à l'extérieur“ écrit le commentateur vedette Alexandre Ruiz sur son compte X.
:gift: ???????????????????????????? 17H00@girondins • Stade Poitevin FC
— ???????????????????????????????????? ???????????????? (@alexandreruiz) August 31, 2024
⚽ Les buts sur :
1) @FreeLigue1
2) App Free FOOT https://t.co/83oBE9PnCh
:stadium:️ Le match sur https://t.co/MYSlUMbYSQ avec @tv7_sudouest pic.twitter.com/ZFueWCP3dP
Selon nos informations, Free Foot aurait déboursé la somme de 30 000€ pour acquérir cette diffusion auprès de TV7. La directrice de TV7 n’a pas souhaité confirmer ce montant : “Il s’agit d’un contrat commercial confidentiel entre la régie publicitaire de Sud-Ouest et Free Foot qu’il ne m’appartient pas de commenter. Il porte sur la codiffusion des rencontres sur la chaîne YouTube de Free Foot", nous répond-elle.
TV7 fonctionne avec de l’argent public pour mettre en valeur les événements d'intérêts régionaux
Il faut savoir que chaîne TV7 Sud-Ouest bénéficie de subventions et du programme COM TV de la région Nouvelle-Aquitaine. Ainsi, une enveloppe de plusieurs millions d’euros est répartie entre différents acteurs régionaux de l’audiovisuel, dont TV7. La chaîne bénéficie de 1 258 010 € d'aide publique sur la période en cours. Il s’agit pour les pouvoirs publics de soutenir la filière audiovisuelle depuis 2017 sous la forme de contrats d’objectifs et de moyens (COM) entre la collectivité et plusieurs chaînes de télévision régionales.
Dans l'appel à projets COM publié par la Nouvelle-Aquitaine pour la période 2025-2027, les sociétés audiovisuelles doivent notamment diffuser des “programmes télévisuels d’intérêt régional”, dont “ la captation et émission culturelle et sportive.” (article 4.1, NDLR) . De ce fait, la diffusion des matchs de l‘un des plus grands clubs de France, patrimoine régional, entrerait à l'avenir dans cette diffusion et l'utilisation de cette subvention.
Et pourtant, écran noir lors de Blois-Bordeaux
Nous avons vu que TV7 a acquis les droits de diffusion à domicile des Girondins gratuitement, a cédé les images à Free contre rémunération, et bénéficie de subventions publiques pour promouvoir des programmes d'intérêts régionaux. Pourquoi, dans ce cas, avoir refusé de payer la somme de 1500€ exigé par le club de Blois Football 41 en droit de diffusion ?
Stella Dubourg nous a répondu :
“Pour les matches à l’extérieur, nous négocions au cas par cas avec les clubs recevants. Et le Club de Blois nous a demandé une contrepartie financière, ce que nous refusons de faire : d’abord parce qu’il n’est pas question de créer un précédent à ce niveau. Ensuite, parce que la couverture de ce championnat représente un investissement très conséquent pour nous, en termes de matériel et de moyens humains. Nous devons rester très attentifs à nos frais, car nous avons déjà consenti à d’importants investissements techniques.
Peu importe la somme demandée, nous ne pouvons pas nous permettre de telles dépenses. Le modèle économique d’une chaîne locale est fragile et nous devons gérer notre budget de manière très serrée. C’est un pari pour nous de nous lancer dans cette aventure et, à ce jour, contrairement à ce qui peut se dire, nous n’avons pas couvert nos frais et nous ne gagnons pas d’argent.”
D’ailleurs, selon les informations de WebGirondins, deux autres clubs ont adopté la même position que Blois. Son président François Jacob, a expliqué sa demande dans la Nouvelle République : “On n’est pas opposé, on a juste demandé la modique somme de 1.500 €. Notre club a de petits moyens et doit dépenser plus de 10.000 € pour assurer la sécurité de ce match. Ma position consiste simplement à amortir partiellement des dépenses imprévues, car j’ai la responsabilité d’assurer la pérennité de l’association sportive que je préside”.
Tous les présidents ne régissent pas de la même façon. L'un d'entre eux qui ont déjà accueilli Bordeaux sur son terrain nous dit : "On ne va pas demander de l'argent à un club en redressement judiciaire et en difficulté économique".
Quelle solution pour éviter un nouvel écran noir pour les supporters des Girondins ?
Il existe des solutions pour éviter l’absence de diffusion à l’extérieur. Payer la somme demandée après négociation, ou développer un modèle économique en incluant des partenaires avec la régie publicitaire de Sud-Ouest afin de couvrir les frais de production.
Questionnée sur les solutions afin d’éviter un nouvel échec de diffusion, Stella Dubourg enfonce le clou : “Nous allons continuer de procéder au cas par cas, mais toujours sans contrepartie financière, car nous ne pouvons pas nous le permettre. Un certain nombre de clubs nous ont déjà donné leur accord pour la diffusion, bien conscients de l’opportunité de bénéficier d’une médiatisation et d’une visibilité exceptionnelles.”
TV7 reste sur sa position et refuse de payer au risque de voir la situation de Blois se reproduire. Stella Dubourg ajoute : “Il ne faut pas oublier que nous parlons du championnat de Nationale 2, pas question de tomber dans les dérives du foot business. Et que, surtout, nous proposons des retransmissions gratuites, ce qui va à contre-courant de tout ce qu’on connaît aujourd’hui.”
Au final, TV7 a pris la responsabilité de la diffusion des matchs des Girondins sans être dans la capacité économique de garantir une diffusion totale. Malgré une acquisition gracieuse des droits de diffusion, et le partenariat financier avec Free, il est possible d’avoir un nouvel écran noir sur un match des Girondins loin de leurs bases.
Les Girondins de Bordeaux, en faisant ce choix de diffusion, connaissaient-ils le risque d’écran noir ? Il sera intéressant d'observer la stratégie du Groupe Sud Ouest pour les matchs à venir, car les supporters des Girondins sont nombreux parmi ses spectateurs, auditeurs et lecteurs. Le média local pourrait les décevoir avec un nouvel écran noir sur un match à l'extérieur.
N.P
À la suite de la publication de cet article, la directrice délégué de TV7 Stella Dubourg a demandé un droit de réponse que nous publions ci-dessous :
"Nous ne bénéficions d'aucune subvention publique et d'aucune subvention régionale liée au COM pour la diffusion des matches des Girondins, le volet sportif n'étant absolument pas dans le cahier des charges de la Région pour le COM en cours. Il concerne la production de magazines régionaux et le soutien à la filière audiovisuelle. Quant au futur COM 2025-2027 qui pourrait intégrer la dimension sportive, il n'est même pas voté et nous ne savons pas ce qu'il en sera de notre candidature. Mais ce qui est sur, c'est que le volet diffusion des Girondins n'est pas intégré à notre proposition.
Ensuite nos commentateurs sont bel et bien rémunérés."
>> La réaction de Bruno Irles après le match nul des Girondins contre Blois (1-1)
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